Défense : les trois énormes défis budgétaires de Florence Parly

Par Michel Cabirol  |   |  1319  mots
La science budgétaire de la nouvelle ministre des Armées Florence Parly va lui être utile pour ferrailler contre Bercy et convaincre l'Élysée du bien-fondé d'investir dans la défense.
Les dossiers budgétaires et financiers ne manquent pas sur le bureau de Florence Parly. Ils sont au nombre de trois, tous liés les uns aux autres : l'exécution du budget 2017, le budget 2018 et la loi de programmation militaire.

La science budgétaire de la nouvelle ministre des Armées Florence Parly va lui être utile, très utile pour ferrailler contre Bercy, qui a "bizuté" tous les ministres, y compris Jean-Yves Le Drian, et... convaincre in fine l'Élysée du bien-fondé d'investir dans la défense. "J'aurai à cœur de mettre mes anciens savoir-faire au service du ministère des Armées", a-t-elle assuré lors d'une visite aux soldats de l'opération Sentinelle à Paris. Et les dossiers budgétaires et financiers ne manquent pas. Ils sont au nombre de trois, trois très gros dossiers tous liés les uns aux autres : l'exécution du budget 2017, le budget 2018 et la loi de programmation militaire (LPM). Bref que du lourd qui passionne les militaires au moment où la situation budgétaire se tend très fortement avec la publication de l'audit de la Cour des comptes sur les finances publiques.

Le Premier ministre Édouard Philippe a promis la semaine dernière au Salon du Bourget que le gouvernement maintiendrait l'objectif fixé par Emmanuel Macron de consacrer 2% du PIB au budget de la Défense d'ici à 2025. "Je confirme que la France augmentera de façon significative son effort en faveur de la Défense pour atteindre 2% du PIB en 2025", a-t-il déclaré devant les industriels de l'aéronautique et de la défense. Une déclaration qui n'a rassuré finalement aucun d'eux, explique-t-on à La Tribune. Car il est facile de promettre un tel objectif en 2025, soit trois ans après la fin du quinquennat. En revanche, la question est comment le gouvernement va construire la trajectoire pour y parvenir. Le budget 2018 et la future LPM donneront des indications fortes qui crédibiliseront ou pas la promesse de réaliser cet effort de défense à hauteur de 2% du PIB en 2025.

Exécution du budget 2017

Sylvie Goulard et Florence Parly sont arrivées au ministère des Armées... avec un boulet sous la forme d'un gel budgétaire de 2,7 milliards d'euros comme La Tribune l'a révélé. Le cabinet de la ministre, qui n'a pas changé avec l'arrivée de Florence Parly, avait précisé ces chiffres : une réserve de précaution (1,6 milliard d'euros), des crédits de report gelés (à hauteur de 715 millions d'euros) et d'autres mesures de régulation adoptées, pour un total de 2,7 milliards d'euros. Le gouvernement n'a pris à ce stade aucun arbitrage sur les crédits alloués à la défense. Selon le cabinet, ils viendront en novembre.

Outre les mesures de gel, Florence Parly hérite d'une situation budgétaire compliquée. Les armées scruteront sa capacité à préserver le budget de la défense face à Bercy. Elle défendra dans les futurs arbitrages ministériels la nécessité de consentir "un effort particulier" pour les armées face à "la gravité des menaces terroristes", avait fait savoir  son cabinet. En 2016, le budget de la défense avait été quasiment exécuté à la perfection. Sur les 32,9 milliards d'euros hors pensions mis à sa disposition en 2016, le ministère de la Défense a utilisé plus de 32,7 milliards (contre près de 31,73 milliards d'euros de crédit budgétaires prévus en loi de finances initiale ainsi que 300 millions de recettes extrabudgétaires). En 2017, le budget de la défense avait été voté en hausse de 600 millions d'euros, à 32,7 milliards d'euros, dont 250 millions issus de recettes exceptionnelles.

Budget 2018

Le budget défense 2018 sera un élément clé, qui démontrera ou pas en partie la sincérité des promesses du chef de l'Etat aux Français et aux militaires. Il doit respecter les décisions prises par le Conseil de défense d'avril 2016, qui faisait suite aux attentats de novembre 2015 et aux annonces du président de la République devant le Parlement. Il avait été décidé d'une nouvelle trajectoire financière conduisant à accroître les dépenses de la mission Défense de 1,1 milliard d'euros en 2018 en plus des crédits supplémentaires déjà prévus dans le cadre de la LPM actualisée. Soit un effort de défense stabilisé ou en très légère hausse par rapport à 2017 (1,77% du PIB).

Cette trajectoire s'entend hors pensions et hors surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures (environ 800 millions d'euros), a rappelé jeudi de son côté la Cour des comptes. A l'horizon 2019-2020, la hausse des dépenses de la mission Défense décidée dans la LPM actualisée, puis lors du Conseil de défense d'avril 2016, s'élèverait à 2,8 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2017, a-t-elle expliqué. La LPM actualisée a accru les ressources de 1 milliard en 2018 et de 1,5 milliard en 2019, a rappelé en février dernier la directrice du budget, Amélie Verdier.

Pour sa part, le chef d'état-major des armées (CEMA), le général Pierre de Villiers, souhaite pour 2018 une augmentation du budget de la défense d'un peu moins de trois milliards par rapport à 2017 (contre 800 millions prévus actuellement), dont un milliard pour les OPEX. Soit près de 36 milliards d'euros. Une trajectoire nécessaire pour atteindre l'objectif des 2% d'Emmanuel Macron en 2025 (50 milliards d'euros). Et plus concrètement pour rénover des infrastrutures en déliquescence, de racheter des munitions et d'augmenter les les crédits de maintenance.

Loi de programmation militaire sur 7 ans

C'est parti pour la future LPM dès aujourd'hui. Elle couvrira "la période 2019-2025. Soit sept ans au lieu des six habituels. Du jamais vu ! "C'est bien d'intégrer 2025 pour atteindre les 2% du PIB, soit 50 milliards d'euros", expliqu-t-on à La Tribune. Le président de la République a confié à Florence Parly la responsabilité de conduire une revue stratégique de défense et de sécurité nationale.

"Elle vise à tirer les leçons de l'évolution, depuis le Livre Blanc de 2013, d'un contexte stratégique aujourd'hui marqué par une menace terroriste durablement élevée, des stratégies de puissance pouvant nuire à nos intérêts et l'émergence de nouveaux risques", a expliqué le ministère de la Défense dans un communiqué publié jeudi.

Cette revue permettra de préparer l'élaboration de la prochaine LPM, "qui permettra de porter l'effort de défense à 2% du produit intérieur brut de notre pays à l'horizon 2025, comme l'a décidé le Président de la République". Elle sera conduite, sous l'autorité de la ministre des Armées, par un comité de rédaction de la revue stratégique, présidé par Arnaud Danjean, député européen (Les Républicains), et spécialisé dans les questions de défense, internationales et européennes. Ce comité sera composé de 16 membres, désignés par Florence Parly, représentants des institutions civiles et militaires, des personnalités qualifiées ou issues de la société civile. La ministre réunira le comité dès ce vendredi pour lui "confier les orientations du président de la République et lancer ses travaux". Cette revue définira les ambitions de la France en matière de défense et "en déduira les aptitudes requises de nos forces".

La revue stratégique sera présentée à Emmanuel Macron en Conseil de défense en octobre puis aux deux Assemblées dans le courant du mois de novembre afin de démarrer au plus vite les travaux d'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire. Florence Parly veillera à ce que ce projet "conserve pour finalité première la protection de nos concitoyens et la défense de nos intérêts sur le territoire national et à l'étranger, missions sur lesquelles nous ne pouvons transiger et qui nécessitent que les femmes et les hommes du ministère des Armées soient dotés des moyens nécessaires à leur réalisation". Mais l'exécution du budget 2017 et l'élaboration du budget 2018 en donneront les premières indications...