Innovations : comment mieux voir dans le brouillard de la guerre

Quantique, hypervélocité, intelligence artificielle, drones, cyber : dans la course aux technologies de défense, la France a des atouts, malgré certains retards. Au Paris Air Forum, le chef d’état-major de l’Armée de l’air et de l’espace, le général Stéphane Mille, le chef d’état-major de la Marine, l’amiral Pierre Vandier, et le directeur de l’Agence de l’Innovation de Défense (AID) au ministère des Armées, Emmanuel Chiva ont fait un tour d’horizon des avancées technologiques (combat collaboratif, connectivité, lutte anti-drones...), et de leurs enjeux opérationnels lors d'une table ronde intitulée "Innovations, quels enjeux opérationnels pour la défense pour un monde nouveau".
Parmi les technologies qui pourraient amener quelque chose de très nouveau dans les combats aériens et en particulier sur la supériorité aérienne, je citerais le combat collaboratif, la connectivité qui l'accompagne, l'intelligence artificielle (IA), les armes à énergie dirigée et les vecteurs hypersoniques », estime le chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace, le général Stéphane Mille.
"Parmi les technologies qui pourraient amener quelque chose de très nouveau dans les combats aériens et en particulier sur la supériorité aérienne, je citerais le combat collaboratif, la connectivité qui l'accompagne, l'intelligence artificielle (IA), les armes à énergie dirigée et les vecteurs hypersoniques », estime le chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace, le général Stéphane Mille. (Crédits : La Tribune)

Certes, l'issue d'un conflit ne dépend pas de la seule technologie, mais aussi du moral des troupes... Reste que l'innovation est un enjeu clé pour assurer la suprématie opérationnelle des armées. Une course dans laquelle l'Agence de l'Innovation de Défense (AID), lancée il y a trois ans, tient le rôle du chef d'orchestre. « Nous avons engagé 1,4 milliard d'euros au profit de l'innovation, identifié 800 start-up et PME que nous ne connaissions pas, dont 300 reçues par nos services », indique le directeur de l'AID, Emmanuel Chiva. Autre chiffre : 94 projets labellisés l'an dernier et 170 projets de recherche lancés.

En apportant réactivité, visibilité, transversalité et expertise, « l'AID est un véritable booster », renchérit le chef d'état-major de la Marine nationale, l'amiral Pierre Vandier. Quant au chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace, le général Stéphane Mille vante l'agilité de l'AID et sa capacité à sortir des sentiers battus pour accélérer les sauts technologiques affectant les champs de bataille. « Parmi les technologies qui pourraient amener quelque chose de très nouveau dans les combats aériens et en particulier sur la supériorité aérienne, je citerais le combat collaboratif, la connectivité qui l'accompagne, l'intelligence artificielle (IA), les armes à énergie dirigée et les vecteurs hypersoniques », détaille-t-il.

Quelles priorités

Au-dessus comme sous l'océan, plusieurs avancées se profilent : la connexion des plateformes pour détecter les menaces, notamment hypersoniques, et la synchronisation multi-lieux, notamment. « Aujourd'hui, une frégate est aussi connectée par l'espace », précise ainsi l'amiral Vandier. Parmi ces champs d'innovation, l'AID a pour tâche d'identifier ceux qu'elle choisit d'accélérer en priorité. Elle publie à cet effet tous les ans un document de référence de l'orientation et de l'innovation de défense. « Cette année, c'est une version majeure qui va sortir aux alentours du 14 juillet », indique Emmanuel Chiva. En 2019, l'accent avait été mis sur l'IA, le cyber et le spatial, en particulier le New Space. En 2020, l'agence a ajouté les armes à énergie dirigée, le quantique, l'hypervélocité. Elle planche en outre sur la lutte anti-drones ainsi que sur un projet autour de la guerre cognitive. Qu'elles soient de rupture, comme le quantique, ou s'inscrivent dans la continuité, ces technologies « arrivent aujourd'hui à un degré de maturité jusqu'à maintenant inégalé », résume Emmanuel Chiva.

Dans la guerre de demain, les drones joueront un rôle clé. En particulier dans le cadre du SCAF (système collaboratif aérien du futur). « Nous avons des réflexions qui permettent d'envisager le combat collaboratif avec des objets, certains pilotés et certains non pilotés, avec des drones qui sont utilisables et d'autres, réutilisables », explique pour sa part le général Stéphane Mille. Les drones embarquent aussi sur les bateaux, avec la guerre des mines de demain, à travers le programme SLAMF (système de lutte anti-mines marines futur). Autre piste, « un projet de drone solaire permettant de sécuriser des itinéraires avec une très grande autonomie », indique Emmanuel Chiva. L'Agence d'innovation de défense suit en outre de près la lutte anti-drones. « La vraie menace sur laquelle nous concentrons nos efforts aujourd'hui, ce sont surtout des essaims de drones qui peuvent rapidement saturer les communications voire l'armement d'une zone », ajoute le directeur de l'AID.

Montée en puissance

Au-delà de la dronisation, c'est aussi la protection cyber des unités navales qui est en jeu. « Le numérique est un facteur de progrès énorme, dont l'exploitation du big data pour mieux voir dans le 'brouillard de la guerre' », avance ainsi l'amiral Pierre Vandier. De quoi envisager d'embarquer des centres de calcul sur les bateaux. Dans un autre domaine, « les Américains, les Russes et les Chinois ont aujourd'hui des lasers de puissance opérationnelle sur le champ de bataille. Ce n'est pas notre cas, mais cela le sera, j'espère, d'ici la fin de la décennie », ajoute-t-il.

Si les financements tricolores pour l'innovation militaire sont en hausse, comment, cependant, aller plus loin ? « Il y a forcément des retards compte tenu de l'écart des budgets avec les Etats-Unis. Mais des budgets extraordinaires donnent aussi l'occasion de se tromper de manière extraordinaire », prévient le chef d'état-major de la Marine... Exemple : « Le renouvellement de flotte de surface américaine est aujourd'hui en grande difficulté en raison de choix ratés. En France, nous réfléchissons beaucoup avant de nous lancer et nous nous sommes rarement trompés », assure-t-il.

Reste que dans le numérique, la cognitivité et l'exploitation de la donnée, la France enregistre des « retards clairs », admet l'amiral. Dans d'autres champs, en revanche, des pépites, à l'instar de Quandela, qui développe le premier ordinateur quantique photonique, sont porteuses de promesses. « Et dans le domaine des capteurs quantiques, la France est en tête », se félicite le directeur de l'AID. Autant de pistes pour monter de nouveau en puissance dans la course mondiale...

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