Pourquoi le Leclerc va rester l'un des meilleurs chars au monde

Le ministère des Armées a signé un contrat de plus de 1 milliard d'euros pour le maintien en condition opérationnelle du Leclerc. Ce contrat permettrait au char français d'atteindre une disponibilité de 70%.
Michel Cabirol
A partir de 2025, l'objectif est d'atteindre un plafond de 30.000 heures moteur par an pour le parc de chars de combat Leclerc
A partir de 2025, l'objectif est d'atteindre un plafond de 30.000 heures moteur par an pour le parc de chars de combat Leclerc (Crédits : Armée de Terre)

C'est un petit peu le "Golden hello" de Nicolas Chamussy. Le jour de son arrivée à la tête de Nexter - le 1er avril -, le ministère des Armées a salué la signature d'un important contrat de MCO (Maintien en condition opérationnelle) portant sur le char de combat Leclerc, appelé Marché de soutien en service (MSS2). La SIMMT (Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres) a dans ce cadre notifié à Nexter un contrat d'un montant supérieur à 1 milliard d'euros pour le MCO du Leclerc et de son dépanneur sur une période de dix ans. Le contrat est entré en vigueur le 31 mars, le jour où a pris fin le précédent contrat MSS1. "La pérennité du char Leclerc est assurée", a assuré le ministère dans un communiqué.

Ce contrat permettra d'assurer "un gain de disponibilité des chars Leclerc", a estimé le ministère. Ainsi, il permettra d'améliorer assez significativement la disponibilité du char Leclerc, qui est aujourd'hui autour de 60% (58% en 2018, 64% en 2017). La disponibilité des chars de combat dans le monde, qui sont bien entretenus, tourne d'ailleurs autour de 60%. Selon nos informations, le contrat de MCO permettrait progressivement d'atteindre une disponibilité du Leclerc à hauteur de 70%. En dépit de son âge (près de 30 ans), le Leclerc impressionne encore et reste l'un des meilleurs chars au monde. En 2019, lors de l'exercice OTAN Iron Spear, organisé en Lettonie, il a terminé premier de cette compétition amicale, qui a rassemblé 44 équipages de chars, représentant 8 pays (Allemagne, Espagne, États-Unis, Italie, Norvège, Pologne, Royaume-Uni et France).

Doublement du nombre de pièces couvertes

Les négociations entre la SIMMT, la direction générale de l'armement (DGA) et Nexter se sont étirées en longueur. A tel point que certains observateurs se sont demandé si les négociateurs allaient pouvoir parvenir à temps à un accord avant la fin du marché MSS1. Pourquoi autant de temps ? Nexter devait négocier en parallèle avec la SIMMT d'une part, et d'autre part avec la DGA les termes des deux marchés (MCO et traitement des obsolescences du char). L'armée de Terre avait également à faire valoir de nouvelles exigences importantes par rapport à MSS1. Et finalement, la ministre des Armées, Florence Parly, a pu donner son accord en février lors d'un comité ministériel d'investissement (CMI) à la notification de ce contrat majeur sur le plan capacitaire pour l'armée de Terre.

Comme toujours, les négociations ont buté sur le montant du contrat. Nexter et la SIMMT sont partis de loin, de très loin. Au début des négociations, Nexter demandait au ministère une rallonge de 40% par rapport au contrat MSS1 pour satisfaire les nouvelles demandes de l'armée de Terre, selon des sources concordantes. Notamment celle de soutenir la nouvelle vision du chef de l'état-major de l'armée de Terre, le général Thierry Burkhard, qui souhaite préparer les forces terrestres françaises au combat de haute intensité (entrainements, exercices...). Ce qui implique notamment d'augmenter les stocks de pièces de rechange. Le niveau de la première proposition commerciale de Nexter reste toutefois à pondérer, sachant que le périmètre des deux contrats de soutien n'est pas totalement comparable.

"Il aurait fallu comparer le coût du forfait de MSS1 et des pièces que la SIMMT a acheté au fur à mesure lors des dix dernières années parce qu'elles étaient hors forfait", explique-t-on à La Tribune.

Au final, ce contrat, qui s'appuie fortement sur un retour d'expérience solide de MSS1 (10 ans), permet notamment à l'armée de Terre de doubler quasiment le nombre de pièces couvertes par le forfait négocié, selon nos informations. Ainsi, si une pièce tombe en panne 40 ou 50 fois, Nexter est tenu de la remplacer 40 ou 50 fois pour le même prix que s'il en livrait qu'une seule. Cette disposition a fait enfler la facture du contrat par rapport à celle de MSS1. Toutefois, le contrat MSS2 offre in fine beaucoup plus de prestations que MSS1. Enfin, l'armée de Terre continuera également à acheter des pièces en dehors du forfait.

Un contrat revu à la baisse en 2025 ?

Une grande partie de l'équation de ces négociations complexes émanait de la résolution  des obsolescences majeures à venir du Leclerc (turbomachine, moteur et viseur). Des obsolescences qui n'ont pas jusqu'ici été traitées par le ministère des Armées pour un char pourtant conçu dans les années 80 et mis en service en 1993. Pourquoi un tel retard dans le traitement des obsolescences ? En raison des budgets réduits de la précédente loi de programmation militaire (LPM).

Face à la contrainte budgétaire de l'époque, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian n'avait pas pu intégrer en 2015 le traitement des obsolescences dans le cadre du contrat de modernisation du char, baptisé "Leclerc rénové" (330 millions d'euros). "Cette opération de modernisation ne couvrait pas la résolution d'un certain nombre d'obsolescences", souligne-t-on. Objectif de cette opération : rendre compatible la vétronique des chars Leclerc modernisés avec le programme Scorpion dans le cadre du combat collaboratif, et plus précisément avec le Système d'information et de commandement Scorpion (Sics), développé par Atos. Dans le cadre de ce contrat de modernisation, 200 exemplaires sont prévus d'être rénovés, dont 122 d'ici à 2025.

Résultat, Nexter, qui est tenu d'assurer dans le cadre du contrat MCO un objectif de performances vis-à-vis de l'armée de Terre, a très logiquement souhaité au cours des négociations MSS2 se couvrir financièrement tant que le problème des obsolescences n'était pas résolu. Car elles peuvent provoquer des pannes à répétition et, dans le cadre de ce contrat forfaitaire, le maître d'oeuvre pourrait être amené à changer beaucoup plus souvent des pièces du char. Ce qui ferait alors exploser ses coûts... D'où le montant du contrat à la hausse.

Au final, la SIMMT et Nexter se sont pour le moment accordés sur une hausse du montant du contrat raisonnable. Soit 13% entre MSS1 et MSS2, selon nos informations. Toutefois, le ministère souhaite revoir à la baisse le contrat une fois les obsolescences du Leclerc traitées. "En 2025, on renégociera le contrat à la baisse une fois que les principaux risques majeurs auront été levés. On pourra alors faire des avenants au contrat pour prendre en compte ces évolutions", explique-t-on de source proche du dossier.

Deux marchés

Au-delà de son soutien, le char Leclerc, qui arrive à mi-vie (près de 30 ans après sa mise en service), va subir un check-up complet, que l'on appelle dans l'armée une opération de pérennisation. Elle va concerner le traitement des obsolescences du moteur diesel de l'industriel finlandais Wärtsilä ainsi que de la turbomachine (turbine à gaz de l'ex-Turbomeca) et du viseur de Safran. Wärtsilä sait exactement ce dont il a besoin pour refaire le moteur du Leclerc, qui a vieilli depuis son entrée en service. En dehors de ces trois gros chantiers, Nexter en tant que maître d'oeuvre devra également traiter un certain nombre de petites obsolescences beaucoup plus courantes, dont des sous-systèmes optroniques. Dans le contrat, est inscrit d'ailleurs une clause de veille des obsolescences.

Sur le MCO, la SIMMT et Nexter, qui pourra compter sur un socle minimum d'activités, ont négocié un forfait pour un certain nombre d'opérations de soutien. Ainsi, le groupe devra dans un premier temps assurer, par exemple, une disponibilité comprise entre 10.000 et 20.000 heures moteur par an pour le parc de Leclerc de l'armée de Terre. Cette dernière décidera chaque année ce dont elle a besoin au regard de ses activités (10.000, 11.000, 12.000...) mais elle pourra décider en cours d'année d'augmenter le nombre d'heures en cas d'un besoin très rapide de l'armée de Terre. A partir de 2025, l'objectif est d'atteindre un plafond de 30.000 heures moteur, souligne une source proche du dossier. Soit un volant d'heures compris entre 10.000 et 30.000 heures.

Michel Cabirol

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Commentaires 26
à écrit le 27/10/2022 à 18:13
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J'ai quand même un peu l'impression que nous avons un tantinet changé d'époque et que le temps des drones en tout genre et des missiles supersoniques est arrivé. Nous sommes un peu dans la situation de l'après guerre ou des gens comme H.G. Rickover (...

à écrit le 25/10/2022 à 20:27
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Objectif 70% de disponibilité !!! Je rêve. Est-ce qu'on achète une voiture pour qu'elle soit en état de marche 70% du temps ??? Est-on OK pour qu'elle soit en panne 30 % du temps ? NON. Alors pourquoi l'accepter d'un engin à chenille (dont le co...

à écrit le 08/04/2021 à 20:58
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Le char Leclerc est une bonne machine , Îls á vue le feu avec les émirats , même s'ils y a eux peux dè perte ( humaine ) , Îls én est ressortie que la lunette chef est tres exposer et pas assez proteger ... Une des premiere modification sera dè re...

à écrit le 08/04/2021 à 20:58
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Le char Leclerc est une bonne machine , Îls á vue le feu avec les émirats , même s'ils y a eux peux dè perte ( humaine ) , Îls én est ressortie que la lunette chef est tres exposer et pas assez proteger ... Une des premiere modification sera dè re...

à écrit le 07/04/2021 à 20:44
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Le MGCS et le SCAF devaient être Franco-Allemand. Les deux seront Allemands avec pillage des entreprises NEXTER (donné à KMW via KNDS et dont le directeur est F.HAUN) et Dassault qui donnera toute ses technologies pour que les Allemands facent à term...

le 10/04/2021 à 11:12
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Ben voyons... Vous n'en avez pas marre de jouer les petits Steve Bannon.

à écrit le 07/04/2021 à 9:41
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Tant mieux, on va pouvoir le prolonger 50 ans et ne pas s'aventurer avec les allemands dans un nouveau char lourd invendable. De toute façon le char lourd n'a plus de raison d'être envisagé comme arme du futur, puisqu'il n'y aura plus sur le théâtre ...

le 08/04/2022 à 22:38
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Bonsoir, Ben un an après on l'a eue cette guerre conventionnelle. Mais pas pour nous heureusement , le char à cessé d'être une arme efficace pour qui se ballade avec des missiles, portatifs et je pense pas que le Leclerc résisterait mieux que les...

à écrit le 06/04/2021 à 19:56
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Tant mieux pour les forces françaises qui ont besoin de matériel ops. L'article ne dit pas combien il y a de fabricants dans le monde et du coup le titre me fait penser à ces pubs pour les opérateurs télécoms qui ont le "meilleur ceci" ou le "meil...

le 06/04/2021 à 21:45
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Il est certain que les fabricants de blindés lourds sont nettement moins nombreux que ceux de petits pois.

à écrit le 06/04/2021 à 18:09
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Il est juste un des meilleurs chars sur le papier,il n'a jamais fait de teste reel en combat de rencontre.

le 06/04/2021 à 20:49
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Paroles d'experts ?

le 06/04/2021 à 21:28
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Combat de rencontre avec d'autres blindés, non, en effet. Par contre plusieurs dizaines de Leclerc Emirati ont été utilisés au combat au Yémen, aux côtés de M1A2 Abrams, et ont subis de nombreux tirs au but de missiles antichars lourds d'origine russ...

à écrit le 06/04/2021 à 17:04
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Tout cela pour rassurer les actionnaires avant les populations? J'ai comme un doute!

le 06/04/2021 à 21:20
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De quels actionnaires parlez-vous ? Nexter est une entreprise à capitaux 100% publics. Comme tout citoyen, vous êtes actionnaire de Nexter.

le 07/04/2021 à 11:13
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Et, bien-sur, Nexter fabrique tout de A à Z et n'a pas de sous-traitant?

le 07/04/2021 à 11:57
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On sent un peu l'argumentaire à bout d'idée : "il fait beau aujourd'hui, c'est scandaleux, ça va encore profiter aux actionnaires des fabriquants de parasols et des exploitations agricoles"...

à écrit le 06/04/2021 à 13:32
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Cette semaine chez Leclerc, les chars en promotion. Profitez.

à écrit le 06/04/2021 à 13:02
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Défense active a prévoir. Alors que les systèmes types Trophy pour bloquer les missiles et roquettes antichar se développent depuis une décennie et que de l'Allemagne aux États-Unis en passant par les Pays-Bas les occidentales commencent avec retard ...

le 06/04/2021 à 21:38
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Pas faux, mais ces système "hard kill" actifs sont très très rares car exceptionnellement complexes. A ma connaissance, seuls deux pays ont réussi à en mettre au point de manière opérationnelle: la Russie (Drodz, Arena, Afghanit) et le Trophy Israéli...

à écrit le 06/04/2021 à 10:47
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Un obus flèche autour du canon est on en parle plus 🤣

le 07/04/2021 à 12:00
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Tout dépend de la distance à laquelle il a été tiré, et de son énergie. L'arc frintzl du Leclerc est tres bien blindé. Et le masque du canon est probablement l'endroit le moins dangereux pour être touché : c'est l'une des pièces de blindage les plus ...

à écrit le 06/04/2021 à 9:54
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Et grâce à la gestion financière allemande bientôt une carte Leclerc qui vous permettra d'acheter à prix casser tout le matériel nécessaire pour vous amuser sur vos 10000 hectares de terrain avec des jouets en réel ! Et comme ils voient grand bientôt...

à écrit le 06/04/2021 à 8:22
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A ce stade, il convient de rappeler que Nexter est allemand, par la volonté de Hollande et Macron. Une des premières applications du Traité d'Aix la Chapelle ...

le 06/04/2021 à 12:37
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information lue dans la gazette ''Les carottes sont cuites'' ?

le 06/04/2021 à 19:12
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Première nouvelle ?

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