Pourquoi les Tigre, Rafale, Caracal, A400M volent enfin beaucoup plus

La bataille de la transformation en profondeur du maintien en condition opérationnelle (MCO) demande du temps, beaucoup de temps. Mais sans être spectaculaires, le premiers résultats donnent une nouvelle tendance positive.
Michel Cabirol
Le ministère a mis à partir de 2017 des moyens financiers spectaculaires pour améliorer la disponibilité de ses aéronefs : 2,3 milliards d'euros en 2017, 2,7 milliards en 2020, 3 milliards en 2022 et 4,1 milliards en 2025.
Le ministère a mis à partir de 2017 des moyens financiers spectaculaires pour améliorer la disponibilité de ses aéronefs : 2,3 milliards d'euros en 2017, 2,7 milliards en 2020, 3 milliards en 2022 et 4,1 milliards en 2025. (Crédits : Reuters)

Le ministère des Armées est en train de livrer une bataille longue et dure pour redresser la disponibilité des aéronefs français (Rafale, A400M, Tigre, drones...). Lancée en 2018 par la ministre des Armées Florence Parly, la transformation du maintien en condition opérationnelle (MCO) est une opération en profondeur, dont les résultats demandent du temps. Les premiers contrats de MCO passés avec les industriels sont trop récents pour qu'ils donnent des résultats spectaculaires. Or, le politique n'a pas le temps ou rarement. "Maintenant que la nouvelle direction de la maintenance aéronautique est mise en place, j'en attends des résultats rapides", avait claironné en juillet 2018 le président de la République. Une pression qui pourrait être contre-productive et dangereuse si les résultats primaient sur la sécurité.

"Un MCO aéronautique performant est indissociable de l'efficacité opérationnelle des aéronefs français. Rafale, A400M, Tigre, drones...tous ces équipement d'excellence - nécessaires à l'action stratégique de la France - sont en effet tributaires du MCO pour être déployés", a rappelé le ministère des Armées.

Ce jeudi à Clermont-Ferrand dans les Ateliers industriels de l'aéronautique (AIA), Florence Parly fait un point d'étape sur la modernisation du MCO en matière d'aéronautique, près de trois ans après son discours à Évreux en 2017 où elle a pris le dossier en main. Le ministère y met des moyens spectaculaires en crédits de paiement, dont l'enveloppe grossit depuis 2017 : 2,3 milliards d'euros en 2017, 2,7 milliards en 2020, 3 milliards en 2022 et 4,1 milliards en 2025. Près de 80% de hausse programmée en huit ans. Le ministère assume : "on met plus d'argent mais nous avons obtenu une amélioration très sensible sur la disponibilité des aéronefs sans être spectaculaire", souligne-t-on dans l'entourage de la ministre. Et d'estimer que "la tendance, qui est bonne, peut continuer à l'être" dans les prochaines années.

Tigre, Rafale, A400M : beaucoup plus disponibles

Certes les résultats ne sont pas encore aujourd'hui spectaculaires, mais la disponibilité de certains aéronefs progressent. C'est le cas par exemple du Tigre, dont la disponibilité était cataclysmique en 2017 où seulement 16 appareils volaient en moyenne sur une flotte de 61 Tigre. Une disponibilité très médiocre de 26% pour un système d'armes envoyé sur les théâtres d'opération. En 2020, elle s'est améliorée de cinq points (31%) : sur 67 Tigre, 21 volent. "Ce n'est pas le Pérou, ce n'est pas spectaculaire mais l'amélioration est nette", relativise-t-on au cabinet de Florence Parly. C'est également le cas pour les Caracal et les Cougar. Sur une flotte de 18 Caracal, 4,8 étaient disponibles en 2017 (26,6%) et 8,5 en 2020 (47,2%). Sur une flotte de 26 Cougar, six étaient disponibles en 2017 (23%) et 10 en 2020 (38%).

La tendance est donc positive. Pour autant, le marché du MCO du Tigre n'a été confié qu'en novembre 2019 à Airbus Helicopters (tout comme pour les Caracal et les Cougar) dans le cadre de la fameuse stratégie de verticalisation décidée par le ministère. Elle responsabilise en principe un seul industriel avec des contrats longs (10 ans) sur des objectifs de performance de haut niveau mais elle fait également grincer les dents chez les fournisseurs. Neuf flottes d'aéronefs sont sous ce type de contrat : les hélicoptères Fennec de l'armée de Terre, la cellule du Rafale (Ravel), l'A400M, l'avion de patrouille maritime Atlantique 2 et les hélicoptères Tigre, Cougar, Caracal, Dauphin et Panther.

Auparavant, le Tigre comptait une trentaine de contrats pour son soutien, rappelle-t-on au ministère. Ce qui déresponsabilisait toute la chaine industrielle, qui ne tenait pas les délais. "Personne n'avait alors une vision de bout en bout", rappelle l'entourage de la ministre. Pour autant, la verticalisation fait grincer les dents des fournisseurs. Ils se plaignent notamment de la forte prime que prennent les maîtres d'oeuvre sur leurs équipements. Ces derniers font payer in fine plus cher des équipements au ministère que s'il les achetait directement aux fournisseurs. "Oui, c'est plus cher, oui on l'assume parce que cela donne des résultats", explique-t-on dans l'entourage de la ministre.

Dans ces conditions, le ministère vise en 2022 une disponibilité de 30 Tigre, puis de 34 en 2025. Soit un peu plus de 50% de la flotte. Tout comme il escompte avoir une disponibilité améliorée sur le Rafale. L'Hôtel de Brienne compte passer de 74 Rafale disponibles sur un parc de 143 (51,75%) en 2020 à 117 appareils sur un parc de 168 (69,6%) en 2025. C'est également un objectif pour Airbus d'améliorer la disponibilité de l'A400M : 3 disponibles sur un parc de 12 appareils (25%), 6 sur 17 appareils en 2020 (35,29 % de disponibilité), 10,8 sur 19 appareils en 2022 (56,8%) et 14 sur 25 appareils en 2025 (56%). Et en même temps, le coût d'une heure de vol d'un A400M a baissé : 30.000 euros en 2019, 21.000 euros en 2020. "On vole plus et le coût à l'heure de vol est maîtrisé", assure-t-on dans l'entourage de la ministre.

Pourquoi cette hausse de la disponibilité

Au-delà des crédits en augmentation, il y a des objectifs fixés aux industriels, qui font grimper le taux de disponibilité des aéronefs. En France, par exemple, le contrat portant sur le MCO du Tigre garantit un taux de disponibilité des pièces de rechange allant jusqu'à 98 % et une simplification de la logistique. Airbus Helicopters assure directement l'approvisionnement en pièces neuves ainsi qu'en pièces réparées et autres consommables. Pour le Tigre, les visites de maintenance ont été également plus espacées, passant de 400 à 600 heures de vol. Une décision qui résulte d'une analyse technique fine sur la durabilité des pièces de l'hélicoptère de combat. Certaines réparations mineures sont réalisées sur le tarmac sans passer par le hangar pour gagner du temps. Résultat pour le Tigre, le temps d'une visite est passé de 42 à 26 semaines et celle d'un Atlantique 2 de 40 mois à 20 mois.

Les contrats sont pérennisés sur un temps long pour donner le temps au maître d'oeuvre de s'organiser, notamment en plateau où tous les industriels concernés travaillent ensemble. "Ils se parlent dans la même pièce", résume-t-on au ministère. Ce qui réduit les délais. Au niveau étatique, le ministère a lancé un vaste plan de renouvellement des équipements et de l'outillage pour remettre à niveau le service industriel aéronautique (SIAé) et les cinq Ateliers industriels de l'aéronautique (AIA), qui emploient 4.600 civils et militaires. Un plan qui contient un volet numérique important, qui permettra de réduire les systèmes d'informations.

Le SIAe (720 millions de chiffre d'affaires en 2019) reste donc capital dans le dispositif du MCO du ministère, qui souhaite notamment garder un vrai levier dans les négociations commerciales avec les industriels. Et surtout le SIAé a démontré sa résilience lors du confinement. "Le SIAé a une capacité de résilience et d'autonomie extrêmement appréciable", reconnait-on dans l'entourage de la ministre. D'autant qu'il a obtenu des gains de maintenance à hauteur de 17,9 millions d'euros en 2019, un résultat obtenu à 80% par des optimisations de maintenance moteurs.

Michel Cabirol

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Commentaires 4
à écrit le 31/10/2020 à 21:54
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La maintenance opérationnel pose grandement problème .... Surtout qu'ils y a un gros probleme de fiabilité de certaine composante . Donc àvant toute chose , nous devons imposer des équipement capable de tenir dàns les engagements opérationnel .... Pl...

à écrit le 15/10/2020 à 16:39
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La maintenance se conçoit sur le théâtre des opérations par tranquillou à la maison. Il y a bien un souci de conception. Dans un autre domaine, le porte avions. Il faut impérativement le concevoir comme une usine de maintenance sur l'eau et non : b...

à écrit le 15/10/2020 à 11:21
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le MCO c'est 100% d 'organisation :, planification, gestion des appros, maintenance avec des supports performants, (tablette, plan en ligne, gestion de configuration pointue...) Le problème, vrai dans tous les domaines techniques, c' est que les ing...

le 15/10/2020 à 13:51
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Sauf que le MCO en matière militaire, ce n'est pas la maintenance de la voiture de madame Michu. Exit vos plans en ligne accessibles sur tablette. D'autre part savez vous par exemple que lorsque vous faites la maintenance du système de tir d'un tigre...

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