
D'une loi de programmation militaire (LPM) de réparation à une LPM de transformation. Alors que la réparation n'est pas vraiment terminée - mais aurait-elle pu l'être après des décennies de réduction des budgets de la défense seulement compensées par l'inflexion budgétaire du premier quinquennat d'Emmanuel Macron -, le chef de l'État a décidé de bousculer les armées en lançant une LPM de transformation. Tout l'écosystème de la défense, y compris l'industrie, sera concerné par cette transformation, qui se fera à effectif constant mais avec des redéploiements au sein des armées. L'Élysée privilégie la cohérence sur la masse. C'est ce que dira vendredi Emmanuel Macron sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan, pour y présenter ses vœux aux armées.
« Cette transformation des armées, on a l'ambition qu'elle touche non seulement les armées mais l'ensemble du ministère des Armées et d'ailleurs au-delà, en particulier notre base industrielle et technologique de défense », a-t-on souligné à la présidence de la République.
Pour réussir à optimiser cet écosystème, Emmanuel Macron y met les moyens : entre 410 et 420 milliards d'euros sur la période 2024/2030, selon des sources concordantes. Soit plus de 58 milliards d'euros par an en moyenne. On verra toutefois sur la durée, si cette nouvelle LPM est aussi bien exécutée que l'actuelle. « La crédibilité du président de la République, chef des armées, est forte puisqu'on a réalisé la loi de programmation militaire telle que le Parlement l'avait votée », a-t-on rappelé à l'Élysée. Cette future LPM va prendre le relais de la LPM 2019-2025, qui était déjà ambitieuse et représentait « un effort très significatif, financier et de réparation des armées » (295 milliards sur la période 2019-2025).
L'armée de Terre, grande perdante ?
Cette transformation s'effectuera dans un cadre très ambitieux. Mais ce cadre aussi ambitieux soit-il ne pourra pas absorber tous les besoins identifiés par les trois armées. Seule la trajectoire de plus de 430 milliards d'euros portée par le chef d'état-major des armées le permettait. Il n'a pas eu le dernier mot. Aussi, a-t-on reconnu à l'Élysée, « il y a quelques ajustements qui seront nécessaires sur des programmes d'environnement, sur des programmes parfois importants pour dégager des ressources ou redéployer des ressources ». Il faudra attendre le rapport annexé où sera transcrit la traduction très précise de la LPM en matière capacitaire pour découvrir le côté obscur de cette LPM. Mais d'ores et déjà, il semble que l'armée de Terre soit la grande perdante de ces redéploiements, explique-t-on à La Tribune.
En dépit de l'Ukraine et tous les retours d'expérience liés à ce conflit, elle n'est pas redevenue aussi incontournable qu'elle pouvait l'espérer. L'armée de Terre, qui devra digérer cette déception, était pourtant soutenue par le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard. L'ancien chef d'état-major de l'armée de Terre souhaitait notamment avoir les moyens de tenir un front de 80 à 100 kilomètres. « La France n'est pas l'Ukraine, donc la France n'a pas les mêmes intérêts de sécurité, n'est pas dans la même position stratégique que l'Ukraine. Ça paraît quand même essentiel d'insister sur ce point. La France est un État doté de l'arme nucléaire, la France appartient à l'Union européenne et à l'Alliance atlantique », a-t-on rappelé à l'Élysée. L'armée de Terre est in fine victime de la cohérence souhaitée par Emmanuel Macron.
Maître-mot, la cohérence
L'un des maîtres-mots de cette future LPM va donc être probablement la cohérence, qui va permettre de justifier le côté obscur de cette loi (redéploiements...) « Il ne suffit pas d'aligner un nombre important de capacités militaires pour avoir forcément l'ascendant sur le champ de bataille », a-t-on fait valoir à l'Élysée. Mais l'un des principaux retours d'expériences du conflit russo-ukrainien est le retour d'un vieux dogme : épaisseur et masse. A défaut de masse, la France mise donc sur l'épaisseur et la cohérence. Pour l'épaisseur, elle n'a plus vraiment le choix : elle doit développer une capacité optimisée pour soutenir ses armées sur le plan logistique (Maintien en condition opérationnelle) et en matière de munitions. Deux capacités qui ont été sacrifiées en raison des réductions régulières des budgets de défense au profit d'une volonté politique de garder un modèle d'armée complet (mais finalement échantillonnaire).
S'agissant de la cohérence, la France souhaite à tout prix garder une capacité à commander, notamment dans le cadre de grandes coalitions formées par l'OTAN. Ce qui veut dire qu'elle doit maintenir une capacité à organiser des capacités militaires grâce à des moyens de transmission sécurisés mais aussi disposer de capacité à passer de l'appréciation de situations et du recueil de renseignements à l'action grâce à une boucle décisionnelle performante et un processus décisionnel performant. En clair, l'armée française devra être plus cohérente. Elle sait faire le job compte tenu du niveau de rationalisation atteint en raison des décisions politiques de réduire les budgets de la défense jusqu'en 2015. Cette LPM va donc tenter d'optimiser les moyens mis à disposition des armées.
Dans une logique de transformation, « on doit pouvoir être plus efficace et plus performant parce que le cadre dans lequel potentiellement nos armées vont être engagées, évolue », a-t-on martelé à l'Élysée.
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