« Et en même temps ». Cette expression labellisée Emmanuel Macron pourrait peser fortement sur les armées très rapidement. Car il y a le discours officiel du Chef de l'État, qui a décliné lors de la présentation de la Revue nationale stratégique (RNS) toutes les très belles ambitions européennes et mondiales de la France. Et puis il y a aussi ce qui se prépare dans les cuisines du ministère par les états-majors et la Direction générale de l'armement (DGA) à la demande de l'Hôtel de Brienne : réduction de cibles, voire abandon de programmes, ou encore étalement de programmes, selon des sources concordantes.
Du grand classique mais clairement des économies au cas où la trajectoire financière de la future Loi de programmation militaire 2024/2030 (LPM) ne permettrait pas de faire rentrer tous les programmes - le fameux édredon - dans la valise budgétaire. D'autant que les armées ont aussi identifié un certain nombre de besoins nouveaux compte tenu des retours d'expérience de la guerre en Ukraine et d'autres conflits (Haut-Karabagh, Yémen...). Ce sont donc des besoins supplémentaires qui se rajoutent aux programmes en cours ou en voie d'être lancés.
430 milliards d'euros ?
En attendant le prochain conseil de défense sur la LPM qui devrait être décisif pour la validation de la trajectoire budgétaire de la LPM, les états-majors et la DGA ont fait le job en identifiant un certain nombre de pistes d'économies. Rien n'est encore décidé. Pourtant, il est déjà à la fois paradoxal et étrange qu'au moment où la guerre est en Europe (Ukraine), où les tensions internationales et régionales ont dépassé ces dernières années plusieurs cotes d'alerte (Taïwan, Iran, Yémen, Tigrée...), où les menaces de guerre hybride (cyber, informationnelle, spatial, fonds marins...) sont quotidiennes, la France se prépare à jouer petit bras dans un domaine où elle a encore un vrai savoir-faire et des compétences pour jouer en première division. Et ce d'autant que les grandes ambitions militaires françaises du territoire national à l'Indo-Pacifique en passant par l'Afrique et le Moyen Orient ont été magnifiées par Emmanuel Macron lors de la présentation de la RNS.
Certes la marche est cette fois bien plus haute qu'en 2017. La trajectoire réclamée par les armées de 430 milliards d'euros sur les sept prochaines années (contre 295 milliards d'euros entre 2019 et 2025) est la seule qui permette d'atteindre le modèle Armées 2030 et en même temps de tenir compte de ses nouveaux besoins (soit plus de 60 milliards par an pendant sept ans). Cependant, la situation financière de la France s'est nettement dégradée depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron en partie en raison du Covid et de la crise liée à la guerre en Ukraine.
A 410 milliards d'euros - la trajectoire que défend l'Hôtel de Brienne face à celle de Bercy (377 milliards) -, des économies devront être automatiquement réalisées dans la prochaine LPM. Si le président a jusqu'ici respecté ses engagements dans le domaine de la défense, il est aujourd'hui au pied du col du Tourmalet, un col à quelques encablures de Bagnères-de-Bigorre qu'il connaît si bien et où l'oxygène se fait rare à vélo. Va-t-il réussir cette nouvelle ascension ?
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