Recrutement : « Malotru (Bureau des Légendes) est pour nous un VRP extraordinaire » (Bernard Emié, DGSE)

La fameuse DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) reste attractive, selon son patron, Bernard Emié. Elle intéresse dix candidats pour un poste ouvert mais, rappelle-t-il, « on n'entre pas à la DGSE comme à la sécurité sociale ». En revanche, les armées ont des difficultés à maintenir le niveau de leurs effectifs au sein de la DGSE.
Michel Cabirol
« Nous réussissons à recruter ceux que nous voulons attirer, notamment des spécialistes cyber, des jeunes, des geeks », estime le directeur général de la sécurité extérieure, Bernard Emié.
« Nous réussissons à recruter ceux que nous voulons attirer, notamment des spécialistes cyber, des jeunes, des geeks », estime le directeur général de la sécurité extérieure, Bernard Emié. (Crédits : Reuters)

« Nous menons une politique active de recrutement, en nous adaptant constamment au marché de l'emploi. Nous obtenons de bons résultats : j'ai dix candidats pour un poste ouvert au concours d'attaché de la DGSE », a affirmé le directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), Bernard Émié lors d'une audition à l'Assemblée nationale dans le cadre de la Loi de programmation militaire (LPM). Le niveau des agents, qui présentent ce concours est « très élevé », selon le patron des espions. Pour gagner le pari de l'attractivité, la DGSE y met les moyens. Elle mène à ce titre une politique active de communication, bien au-delà du Bureau des légendes, même si Bernard Emié « admet que Malotru est pour nous un VRP extraordinaire ». Mais pas que...

Car pour faire face à la concurrence sur le marché de l'emploi, notamment dans le domaine du numérique, la DGSE doit être également attractive en termes de salaires. Si elle ne pourra jamais égaler les salaires du secteur privé, elle peut en revanche offrir des missions que le privé ne pourra jamais proposer. La DGSE a pu augmenter en 2022 les salaires de ses contractuels, notamment dans les domaines techniques et cyber. Le ministère des armées appliquera au recrutement la grille des salaires établie par la direction interministérielle du numérique (Dinum). La DGSE pourra faire bénéficier à ses agents d'une deuxième vague d'augmentations en 2023 dans le domaine du numérique. Mais les agents français sont moins bien payés que les Britanniques ou les Américains, assure le directeur de la DGSE. Ces augmentations qui seront loin d'être du superflu pour les recrutements à venir :

« En matière militaire, nous nous sommes adaptés aux fortes tensions sur certaines spécialités. Dans le domaine de l'imagerie ou de la cyber, c'est la jungle ! », constate Bernard Emié. Ainsi, le patron des espions tient à rendre « hommage à Florence Parly, qui s'est engagée sur ce sujet » et « aussi à Sébastien Lecornu, qui entend amplifier cette politique pour fidéliser nos agents ».

Comment recruter les jeunes et les fidéliser

Outre le fait de disposer d'un site internet que se veut plus moderne que précédemment et plus attractif sur les métiers proposés (vidéos), la DGSE mène des campagnes de recrutement sur des réseaux sociaux professionnels, « là où vont les jeunes et pas les vieux », explique Bernard Emié. Le directeur technique et de l'innovation passe également beaucoup de temps dans les écoles d'ingénieur et les salons (Vivatech, La Fabrique défense, European Cyberweek...) pour attirer des jeunes à haut potentiel dans les filets de la DGSE. « Eu égard à la spécificité des postes concernés, les recrutements de civils se font après des recherches ciblées. Nous prenons des stagiaires uniquement dans le domaine technique, nous les choisissons de façon très précise », souligne Bernard Emié.

Les efforts de la DGSE semble être concluants. « Nous réussissons à recruter ceux que nous voulons attirer, notamment des spécialistes cyber, des jeunes, des geeks », estime-t-il. La DGSE réussit à recruter par an une centaine d'étudiants en école d'ingénieur. En 2023, le ministère des Armées a prévu de recruter en solde positif 421 postes supplémentaires dans les services de renseignement des armées (DGSE, DRSD et DRM). Si la DGSE dispose d'outils juridiques particuliers pour recruter, elle se heurte quand même aux « contraintes propres à l'écosystème français que sont notamment les règles de la fonction publique ou l'encadrement des rémunérations ». L'ancienne ministre des Armées Florence Parly et son successeur Sébastien Lecornu ont fait « beaucoup d'efforts pour améliorer l'attractivité » de la DGSE.

La DGSE rencontre plus de difficultés aujourd'hui à fidéliser ses jeunes agents même si elle a cette capacité cruciale à recruter des techniciens en début de carrière car elle reste « encore compétitive ». « Mais dès qu'ils ont cinq ans d'expérience, dès qu'ils se fiancent et veulent acheter un appartement, cela devient très compliqué, explique-t-il. Nous sommes confrontés à l'érosion de notre attractivité, en particulier en région parisienne où le coût de la vie est horriblement élevé, et nous ne sommes pas en mesure de proposer une offre alternative en province. C'est un motif d'inquiétude très sérieux ».

« Notre souci n'est pas juridique, il concerne les rémunérations et notre capacité à suivre l'évolution du marché », confirme le directeur de l'administration de la DGSE, qui participait également à cette audition.

Difficulté à recruter des militaires supplémentaires

Pour autant, la DGSE ne recrute pas que des jeunes. Elle compte aussi sur « des profils aguerris et des spécialistes de langues étrangères ». Mais là aussi, elle doit se « battre pour une ressource qui est malheureusement de plus en plus rare car très complexe à fournir ». In fine, Bernard Emié peut compter « sur une batterie impressionnante de spécialistes en mathématiques, de normaliens, de polytechniciens. Le niveau des officiers de la DGSE est supérieur à la moyenne, comme l'illustre leur taux de réussite à l'École de guerre. La qualité des agents du service est exceptionnelle ».

Constat étonnant, la DGSE rencontre des difficultés à conserver une part suffisante de militaires dans ses rangs. « Lorsque j'ai pris mes fonctions, les militaires représentaient 25 % des effectifs, ils ne sont plus que 20 % aujourd'hui car les armées ne parviennent pas à mettre à notre disposition des personnels, non par manque de volonté mais par absence de ressources », explique le patron des espions. Compte tenu de la hausse des effectifs de la DGSE, et même si l'armée a maintenu son effort en valeur absolue, la composante militaire de la DGSE baisse. « C'est un sujet de préoccupation car le service fait partie du ministère des armées. Nous devons absolument veiller collectivement à ne pas passer sous la barre des 20 % de militaires », admet-il.

Et avec la future LPM ?

La DGSE, qui avait 4.400 agents en 2008 (hors service action), en compte près de 6.000 en 2023. « Il me reste des personnels à recruter au titre de 2023 dans le cadre de la queue de comète de la précédente LPM », fait-il observer. Mais, la DGSE reste loin en termes d'effectifs derrière le MI6 britannique et le GCHQ (Government Communications Headquarters) qui comptent davantage d'agents à périmètre identique. Pour autant, Bernard Emié « considère que les moyens dont il dispose nous permettent d'accomplir nos missions ». Dans le cadre de la précédente LPM (2019-2025), la DGSE a bénéficié d'une forte augmentation de ses effectifs et a notamment pu renforcer ses capacités dans le traitement des données collectées, de la recherche humaine et du domaine cyberstratégique.

La LPM 2019-2025 prévoyait un renfort de 772 emplois équivalents temps plein (ETP), auxquels est venu s'ajouter 360 ETP pour renforcer les capacités cyber de la DGSE. L'actualisation de cette LPM a ainsi porté l'effort à 1.038 effectifs supplémentaires sur l'ensemble de la période. La prochaine LPM, qui a mis sur la table 5 milliards d'euros de crédits budgétaires sur la période 2024-2030 en faveur du renseignement, met une attention renouvelée au recrutement et à la fidélisation dans les services. Le DGSE se dit d'ailleurs « confiant dans sa capacité à obtenir des effectifs supplémentaires au terme des négociations internes ». Des capacités indispensables pour poursuivre la montée en puissance de la DGSE, en particulier dans le domaine cyber. En outre, « puisque nos ambitions mondiales ont été rehaussées, j'ai besoin de redéployer des postes et d'en ouvrir dans le monde entier pour répondre aux sollicitations », rappelle-t-il.

« La Direction générale de la sécurité extérieure recrute en suivant des procédures lourdes : on n'entre pas à la DGSE comme à la sécurité sociale. Les vérifications de sécurité prennent des mois », rappelle Bernard Emié.

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 04/05/2023 à 17:25
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"en particulier en région parisienne où le coût de la vie est horriblement élevé, et nous ne sommes pas en mesure de proposer une offre alternative en province" J avoue que je comprend pas. pourquoi ne peuvent ils pas offrir des postes hors region p...

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