Après plusieurs mois de travaux, l'Anses confirme le lien entre nitrites et risque de cancer

Dans un avis rendu ce mardi, l'autorité sanitaire insiste sur la nécessité « de réduire l'exposition de la population aux nitrates et nitrites par des mesures volontaristes en limitant l'exposition par voie alimentaire ». Elle recommande notamment de mieux définir les « doses journalières admissibles » (DJA) de ces substances, historiquement utilisées par les charcutiers pour allonger la durée de conservation des produits et prévenir le développement de bactéries pathogènes.
Dans un avis publié ce mardi, l'Anses alerte sur la consommation de composants nitrés qui sont, historiquement, utilisés par les charcutiers pour allonger la durée de conservation des produits et prévenir le développement de bactéries pathogènes.

C'est un avis très attendu que vient de rendre l'Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses), ce mardi. Après plusieurs mois de travaux, elle confirme « l'existence d'une association entre le risque de cancer colorectal et l'exposition aux nitrates et nitrites », notamment via la viande transformée.

Historiquement, les composants nitrés sont utilisés par les charcutiers pour allonger la durée de conservation des produits et prévenir le développement de bactéries pathogènes à l'origine notamment du botulisme, une affection neurologique grave largement oubliée du fait des progrès sanitaires. Ce sont aussi ces composants qui donnent sa couleur rose au jambon, naturellement gris. « Bien que la réduction du taux d'additif soit de nature à accroître de façon significative le risque microbiologique » - et donc le développement de maladies comme la salmonellose, la listériose ou le botulisme -, l'Anses « considère qu'elle peut être envisagée moyennant la mise en œuvre de mesures compensatrices validées de maîtrise de ce risque ». Cela peut notamment passer, par exemple, par des dates limite de consommation des produits raccourcies ou en agissant au niveau des étapes de fabrication (mesures de bio-protection dans les élevages et les abattoirs).

Attention aux produits « sans nitrites »

L'autorité sanitaire attire l'attention, par ailleurs, sur les initiatives de certains fabricants qui, comme Herta ou Fleury Michon, se sont déjà lancés dans des gammes de jambon « sans nitrites ». L'agence met, en effet, en garde contre les solutions de substitution à base d'« extraits végétaux » ou de « bouillons de légumes »: « Cela ne constitue pas une réelle alternative dans la mesure où (ces substituants) contiennent naturellement des nitrates qui, sous l'effet de bactéries, sont convertis en nitrites »« Ces produits dits ''sans nitrite ajouté'' contiennent donc des nitrates et des nitrites cachés », souligne l'agence.

Car la priorité est bien « de réduire l'exposition de la population aux nitrates et nitrites par des mesures volontaristes en limitant l'exposition par voie alimentaire », insiste l'Anses dont les travaux rejoignent « la classification du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) ». En 2015, le CIRC de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé la viande transformée, notamment la charcuterie, comme cancérogène (catégorie 1). Elle favoriserait, entre autres, les cancers colorectaux qui tuent près de 18.000 personnes par an en France. Les nitrites ingérés sont quant à eux considérés comme des cancérogènes probables (catégorie 2A).

Définir des « doses journalières admissibles »

Enfin, l'Anses estime aussi important de mieux définir les « doses journalières admissibles » (DJA) de nitrates et nitrites. Car elle constate un paradoxe: l'existence d'un lien entre consommation de viandes transformées et risque de cancer, alors même que les doses maximales recommandées (150 grammes de charcuterie par semaine en France) sont respectées (par 99% de la population).

Les DJA sont « définies séparément pour chacune de ces substances, alors que les mécanismes biochimiques en jeu constituent une suite de transformations vers des composés nitrosés », souligne l'avis. En clair: les nitrates, présents naturellement dans les sols, peuvent voir leur concentration renforcée par les activités agricoles (engrais, effluents d'élevage). Ils se retrouvent dans les végétaux que l'on consomme et l'eau que l'on boit. Dans notre bouche, sous l'effet d'enzymes bactériennes, les nitrates ingérés se transforment en nitrites. Et ces derniers, instables, peuvent, quand ils sont présents en excès, générer la formation de « composés nitrosés », « connus pour leur caractère génotoxique et cancérogène ».

L'Anses recommande donc de poursuivre les recherches, pour « établir la valeur toxicologique de référence prenant en compte la co-exposition » aux additifs, mais aussi de lancer de nouvelles études épidémiologiques pour améliorer les connaissances sur le lien avec le risque de différents cancers. En attendant, l'agence française conseille de limiter sa consommation de charcuterie à 150 grammes par semaine et appelle à avoir une alimentation diversifiée, avec au moins cinq portions de fruits et légumes par jour.

Un « plan d'action coordonné" à l'automne

Le gouvernement n'a pas tardé à réagir en annonçant peu de temps après ce mardi sa volonté de mettre en place « un plan d'action coordonné » « afin d'aboutir à la réduction ou la suppression de l'utilisation des additifs nitrés dans tous les produits alimentaires où cela est possible sans impact sanitaire et cela le plus rapidement possible », selon un communiqué commun des ministères de la Santé et de l'Agriculture. Une première réunion avec les acteurs techniques des filières « sera organisée avant la fin du mois de juillet 2022 » et, « à l'automne », un plan d'action issu de ces travaux « sera présenté au Parlement », promettent-ils.

« Il s'agit de limiter leur utilisation au strict nécessaire. Cette réduction doit se faire dans un équilibre garantissant la sécurité alimentaire du consommateur », est-il souligné dans le communiqué qui rappelle que « la santé des consommateurs français est l'unique boussole du gouvernement dans l'analyse de l'ensemble des données et la prise de recommandations », affirment-ils.

« Comme il s'y était engagé lors de l'examen en février dernier de la proposition de loi relative à l'interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie, le gouvernement suivra les recommandations de l'Anses », indiquent également les ministères. L'exécutif s'était, en effet, engagé « à suivre l'avis » de l'agence mais voulant « attendre le retour » de cette dernière avant de prononcer des mesures de mise en œuvre du texte voté par l'Assemblée nationale en février dernier. Malgré des débats musclés qui avaient opposé les charcutiers qui défendaient un savoir-faire centenaire dans le respect de la loi, et des associations de consommateurs et la Ligue contre le cancer, qui plaidaient pour l'interdiction pure et simple des additifs controversés, les députés avaient voté le principe d'une « trajectoire de baisse » des doses maximales d'additifs nitrés dans la charcuterie.

Avant même l'annonce du gouvernement, l'association Foodwatch, la Ligue contre le cancer et l'application Yuka avaient réclamé aux pouvoirs publics de "prendre leurs responsabilités" et "d'interdire ces additifs". De son côté, la Fédération française des charcutiers (Fict) a elle qualifié l'avis de l'Anses d'"équilibré". "On est le pays au monde où on utilise le moins d'additifs, avec le Danemark. On a déjà commencé à baisser le taux d'additifs et on va continuer à le baisser", a déclaré son président Bernard Vallat.

(Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 12/07/2022 à 15:00
Signaler
Avec ou sans nitrites la charcuterie est néfaste pour la santé.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.