En Italie, la fraude sur l'huile d'olive "extra vierge" est un scandale national

Le parquet de Turin enquête contre sept marques, accusées d'avoir qualifié d'"extra-vierge" des huiles simples. Les associations de consommateurs demandent des sanctions exemplaires.
Giulietta Gamberini
Si la fraude n'implique aucun danger pour la santé des amateurs d'huile extra-vierge, leur confiance est en revanche sans doute mise à mal.

L'un des produits phares de l'alimentation et de la gastronomie italiennes serait-il en train de devenir victime de son succès? L'affaire, qui depuis quelques jours ébranle l'huile d'olive italienne, le laisse penser.

Le Procureur de la République de Turin a annoncé mardi 10 novembre avoir ouvert une enquête pour fraude contre sept grandes marques: Antica Badia, Bertolli, Carapelli, Coricelli, Primadonna, Santa Sabina, Sasso (dont trois -Carapelli, Sasso et Bertolli- sont de propriété de la même multinationale espagnole, Deoleo). Elles sont accusées d'avoir commercialisé leur produit sous l'étiquette d"huile extra-vierge", alors que selon les analyses menées sur des bouteilles prélevées en rayon par la gendarmerie il ne s'agirait que d'huile d'olive simple.

Des polémiques anciennes

L'enquête a été lancée après les révélations publiées au mois de mai par une revue spécialisée (Il Test) qui, après avoir examiné vingt bouteilles vendues en grande surface, en avait déclassées neuf de "extra-vierge" à normale. L'étude se fondait sur des analyses chimiques et des "panel tests", à savoir les tests menés par des experts et basés sur le goût, la couleur, l'odeur, etc., qui, selon la loi, doivent contribuer à la définition d'une huile comme "extra-vierge". Les sept marques aujourd'hui au centre de l'enquête faisaient partie des vingt analysées.

Des reproches analogues avaient par ailleurs été formulées auparavant par d'autres sources -y compris, en 2012, par la revue française 60 Millions de consommateurs.

5.000 euros de dommages et intérêts par personne lésée ?

Si la fraude n'implique aucun danger pour la santé des amateurs d'huile extra-vierge, leur confiance est en revanche sans doute mise à mal. Les associations de protection des consommateurs italiennes sont d'ailleurs immédiatement montées au créneau après l'annonce de l'enquête. Elle réclament des sanctions exemplaires contre les responsables si la commission d'infractions devait être avérée. L'organisation Codacons est allée jusqu'à promettre de publier sur son site Internet un formulaire permettant aux particuliers s'estimant fraudés de se constituer partie civile et de demander des dommages et intérêts jusqu'à 5.000 euros par personne.

Selon le quotidien économique italien Il Sole 24 Ore, qui cite des sources proches de l'enquête, les entreprises risqueraient par ailleurs d'être poursuivies pour d'autres infractions, concernant les modalités de production de l'huile: des vérifications de la part de la gendarmerie seraient en cours.

Des hausses vertigineuses des importations

Quant aux causes de ces dérapages, la principale organisation regroupant les agriculteurs italiens, Coldiretti, citée par Il Sole, insiste sur la nécessité de surveiller particulièrement les importations d'huile d'olive qui, après la très mauvaise récolte de 2014, ont explosé (+38%) ."L'année dernière, les importations de la Tunisie ont grimpé de 748%", souligne même l'association.

   | Lire: La production d'huile d'olive s'effondre en Europe, une aubaine pour la Tunisie...

Tout en soulignant que huile importée n'est pas forcément synonyme de mauvaise qualité, la vice-présidente de la Commission parlementaire d'enquête sur la contrefaçon, Colomba Mongiello, a pour sa part aussi rappelé que l'huile vendue par des marques italiennes n'est souvent pas made in Italy. Elle risque d'ailleurs de ne plus l'être pendant un moment, en sachant que la récolte 2015, tout en étant meilleure de celle de l'année précédente, reste néanmoins inférieure aux niveaux d'il y a 3-4 ans, alors que la demande grossit.

Mieux lire les étiquettes

En guise de solution, la députée demande l'activation des investissements prévus dans le plan national de soutien à l'industrie de l'olive, financé par le gouvernement à la hauteur de 32 millions d'euros pour la période 2015-2017. Le ministère de l'Agriculture italien se veut pour sa part rassurant quant aux capacités de surveillance de l'Etat: 6.000 contrôles auraient été effectués en 2014, avec des saisies de la valeur de 10 millions d'euros, a précisé le ministre Maurizio Martina.

Mais les consommateurs peuvent aussi renforcer leur vigilance. La provenance de l'huile (communautaire, extra-communautaire ou mixte) doit normalement être reportée sur l'étiquette (alors que l'indication de la date de production est facultative). Le prix joue aussi un rôle essentiel, souligne Coldiretti:

"Une bonne huile extra-vierge italienne ne peut coûter moins de 6-7 euros le litre. En dessous, les coûts de production ne peuvent même pas être couverts".

Giulietta Gamberini

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Commentaires 4
à écrit le 18/11/2015 à 14:37
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La seule bonne huile d'olive que j'ai pu consommer depuis des dizaines d'années ( j'ai 72 ans ) c'est l'huile de mes oliviers, au Maroc, odeur, goût, douceur etc... Mais j'ai vendu ma propriété. L'autre jour, une huile achetée en grande surface, à u...

à écrit le 14/11/2015 à 8:07
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une bonne huile d'olive ( vierge - 1 ere pression à froid - medaillée etc ..), en Espagne , celà vaut 18 euros les 5 litres ( à la cooperative ) . celà vient d'augmenter suite à la baisse de production cette année .

à écrit le 12/11/2015 à 23:23
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@ BONSOIR : Arrêtez moi si je me trompe, ce n'est pas la première fois qu'un scandale concernant l'huile vierge etc. etc.. .se produit en ITALIE Alors un de plus un de moins quelle importance !

à écrit le 12/11/2015 à 17:33
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"Une bonne huile extra-vierge italienne ne peut coûter moins de 6-7 euros le litre." Une voisine âgée a acheté une marque italienne en grande surface. Je lui ai montré qu'il était indiqué "provenance UE" donc assemblage d'huiles diverses d'origines ...

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