C'est une défaite pour la prestigieuse appellation du champagne, car les producteurs français vont devoir se résigner à respecter les nouvelles exigences russes à compter du 1er janvier. La célèbre vin pétillant français ne pourra plus utiliser son propre nom en alphabet cyrillique sur les contre-étiquettes de ses bouteilles vendues en Russie.
Autrement dit, le champagne français ne sera considéré que comme un "vin mousseux" comme un autre dans les magasins russes, afin de laisser le champ libre aux "Champanskoïe" locaux. Malgré la bataille perdue, Paris n'a pas encore jeté l'éponge dans cette guerre de l'appellation, et espère convaincre à terme Moscou de reconnaître l'appellation d'origine.
Fin du sursis pour le champagne
Le 2 juillet, le pouvoir russe avait frappé fort en modifiant sa loi sur le commerce des produits alcoolisés. D'un jour à l'autre il voulait obliger les distributeurs français à troquer le titre prestigieux de "champagne" contre celui de "vin mousseux".
Forcément, cette mesure protectionniste avait déclenché une levée de boucliers de la part des producteurs et distributeurs de champagne, soucieux de protéger leur appellation d'origine et pris de court dans leur stratégie d'exportation. Plusieurs membres du gouvernement, dont le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, avaient vivement protesté. Ces derniers avaient fini par trouver une solution diplomatique avec leurs homologues à russes... mais seulement à très court terme.
Le gouvernement avait obtenu de Moscou, fin octobre, un moratoire de deux mois sur l'application des nouvelles règles russes, afin notamment d'écouler les stocks déjà étiquetés et parfois déjà expédiés des producteurs de champagne. Ce moratoire sur les contrôles "a joué son rôle", se satisfait sobrement auprès de l'AFP le Comité Champagne. "Il a donné le temps aux entreprises champenoises de s'adapter et de faire évoluer leur étiquetage pour se conformer à la nouvelle réglementation russe", précise ce comité interprofessionnel qui réunit les vignerons et les négociants de l'appellation.
Concrètement, ce sursis a permis de s'assurer que les marchandises qui avaient été envoyées avant le mois de juillet et qui n'étaient pas conformes à la nouvelle réglementation allaient pouvoir être vendues et consommées avant que les agences chargées du contrôle ne commencent leurs inspections.
Une bataille de perdue, mais pas la guerre ?
Bien que la première joute diplomatique soit perdue, les Champenois, à de rares exceptions près, entendent bien continuer leur combat de longue haleine sur la reconnaissance par la Russie de leur appellation d'origine et la défense du nom champagne, avec le soutien du gouvernement français.
Lors d'une réunion du Conseil économique, financier, industriel et commercial franco-russe (Cefic) la semaine dernière, la France et la Russie "ont convenu de continuer à discuter dans les prochains mois de la nouvelle législation russe du 2 juillet et de la question de l'étiquetage", a déclaré à l'AFP l'entourage du ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester.
"Nous restons mobilisés, en lien avec la Commission européenne, pour continuer à avancer sur ce dossier et défendre notre secteur des vins et spiritueux, notamment le champagne", ajoute-t-on au ministère.
L'espoir de la création d'une appellation russe propre
De leur côté, les professionnels du champagne se sont rendus en Russie en novembre pour rencontrer les producteurs russes. Ces derniers "sont en train de développer leurs propres filières d'excellence au niveau du vin", déclare à l'AFP Maxime Toubart, président du Syndicat Général des Vignerons de la Champagne, qui participait au voyage. "Cette montée en gamme nous sert", affirme-t-il. Il espère en effet qu'"à moyen terme", les producteurs russes finiront par abandonner la dénomination "Champanskoïe" pour créer leurs propres appellations, et créer leur propre voie dans le vin de luxe.
"Globalement, je pense que la Russie pourrait partager avec nous l'importance des appellations d'origine, donc je suis assez optimiste pour l'avenir", déclarait de son côté Franck Riester lors d'un déplacement mi-novembre à Washington.
La Russie est le quinzième marché d'exportation du champagne avec 1,8 million de bouteilles vendues en 2019, ce qui représente 1,5% des ventes totales de champagne, selon le Comité Champagne. Mais "c'est un marché porteur et valorisant. Les consommateurs russes aiment les grandes cuvées et ils dégustent également du champagne à l'occasion de leurs voyages" en France, souligne-t-il. En attendant, en Russie, les dernières bouteilles appelées champagne devront être débouchées pour ce nouvel an.
Sujets les + commentés