Baccarat, Arc Internationale, Saint-Louis, Daum, le sort des cristalleries françaises pourrait-il être amené à manquer d'éclat ? A partir de l'année prochaine, Bruxelles pourrait leur interdire de vendre leurs luminaires, lustres, lampes et appliques en cristal en Europe.
En 2011, une directive européenne limitait déjà l'utilisation de substances dangereuses, notamment le plomb, dans la fabrication d'appareils électriques ou électroniques quel qu'il soit. L'idée était d'en éviter la propagation dans les nappes phréatiques, si ces appareils étaient jetés dans les décharges publiques.
Néanmoins, les cristalleries françaises ont pu passer entre les mailles du filet jusqu'à ce jour. Une exemption, censée durer cinq ans, leur avait été accordé à l'époque de cette directive. Mais la date d'échéance arrive à grand pas, prévu pour 2016, les sociétés de cristal ont demandé une reconduction pour dix ans.
Et pour en profiter, il faut avoir prouvé que des efforts ont été pensés pour trouver un substitut à la substance dangereuse, ce qui n'est toujours pas le cas.
Sans plomb, le cristal n'est que du verre
Toutes les entreprises de cristal françaises seront dès lors concernées, puisque le plomb est indispensable pour obtenir du cristal. En effet, ce métal gris, qui devient lentement blanchâtre en s'oxydant, est l'ingrédient que l'on ajoute au verre pour pouvoir utiliser l'appellation cristal.
«Le plomb donne au cristal un éclat, une sonorité et un poids particuliers», confirme Franck Staub, secrétaire général de la Fédération des cristalleries et des verreries à la main et mixtes (FCVMM). «Plus tendre à travailler, le cristal permet de créer des objets plus sophistiqués. Les branches d'un lustre en cristal sont plus longues, torsadées. En verre, elles se casseraient.»
Des lustres à la décharge publique ?
Quant aux cristalleries, elles estiment qu'elles ne devraient même pas être concernées par cette directive. Selon Jérôme de Lavergnolle, président de la Fédération des cristalleries et des verreries à la main et mixtes, jeter un lustre en cristal dans une décharge est impensable, ce serait « ubuesque », une « aberration économique et esthétique ».
Sachant qu'un lustre coûte en général entre 40.000 et 100.000 euros, et peut atteindre 300.000 euros s'il est fait sur demande, il serait effectivement saugrenue d'en trouver un au milieu d'une déchetterie.
« Considérés comme des œuvres d'art, les lustres sont réparés s'il le faut et transmis de génération en génération », appuie-t-on chez Baccarat.
D'autant plus que le plomb, emprisonné sous forme de poudre dans le verre, n'a rien à voir avec le fil que l'on retrouve à l'intérieur d'une télévision ou d'un ordinateur.
Une industrie d'environ 7.000 personnes
Si la Commission Européenne ne reconduit pas l'exception, les luminaires, qui représentent environ un tiers du chiffre d'affaire des cristalleries (97 millions d'euros toutes branches confondues pour Baccarat en 2014), ne pourront plus être commercialisés.
« Il y a un avenir pour Arque Internationale », déclarait Emmanuel Macron en février dernier. Pourtant, la société qui sort à peine d'une crise majeure, est elle aussi concerné par cette directive. Il y a trois mois, un accord avec le fond d'investissement américain Peaked Hill Partners LLC avait permis de sauvegarder 90% des emplois.
Les cristalleries attendent désormais de savoir quel organisme indépendant de Bruxelles pourrait poursuivre l'enquête, avant que la décision de la Commission ne soit rendue.
Pour l'industrie du cristal français, qui compte près de 7000 employés si l'on compte la main d'œuvre indirecte (sous-traitants et distributeurs), la décision de la Commission pourrait sonner comme un véritable coup de massue.
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