L'accord de compétitivité qui a scellé le destin des 1173 salariés de Goodyear à Amiens Nord

Ce jeudi, la direction de Goodyear Dunlop France a annoncé la fermeture de l'usine d'Amiens nord qui fabrique des pneus à faible valeur ajoutée pour l'automobile et des pneus pour le marché agricole. La difficulté de la direction à mettre en place une nouvelle organisation du travail, qu'elle applique partout ailleurs dans le monde, et notamment sur le site d'Amiens Sud, explique en partie cette décision. Mais Arnaud Montebourg souhaite relancer les négociations.
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Le couperet est tombé pour l'usine de pneumatiques Goodyear d'Amiens Nord. Lors du Comité central d'entreprise (CCE) de Goodyear Dunlop Tires France, ce jeudi 31 janvier, la direction a annoncé la fermeture de toute l'usine (1175 salariés). Mais en fin de journée, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg a déclaré souhaiter "ramener tout le monde à la table des négociations". Le ministre assure d'ailleurs avoir lui-même contacté le potentiel repreneur américain Titan. Certains espéraient en effet que seule la partie «pneus de tourisme» soit supprimée, et que l'activité «pneus agricoles» (500 salariés) soit reprise.

En sous-régime (2.700 pneus tourisme et 270 pneus agricoles par jour pour une capacité de 23.000 pneus par jour), l'usine d'Amiens nord ne serait plus compétitive, selon la direction. Dans cette usine qui aurait enregistré une perte de 41 millions d'euros en 2011, la fabrication d'un pneu (tourisme) coûterait 71,80 euros pour un prix moyen de vente de 42,50 euros, soit une perte sèche de 29,30 euros par pneu. Interrogée sur son niveau de bénéfices, la direction répond: «les résultats sont bénéficiaires certaines années et déficitaires sur d'autres. Entre 2008 et 2011 les pertes nettes moyenne du groupe ont atteint 87 millions de dollars par an, bien que 2011 ait été une année bénéficiaire. Il n'y a pas eu de dividendes de versés aux actionnaires depuis 2003 au niveau du groupe.»

Maurice Taylor, PDG de Titan, a visité plusieurs fois l'usine d'Amiens

Au cours des cinq dernières années, la direction de Goodyear avait pris deux décisions stratégiques pour son usine d'Amiens nord. Dès 2008, elle s'est désengagée du pneu tourisme à faible ajoutée, en conservant une activité de pneus à plus forte valeur ajoutée sur son site d'Amiens «sud» (940 salariés) de l'autre côté de la rue. Goodyear a donc présenté aux salariés un premier PSE pour l'activité tourisme. Ce PSE sera suspendu en 2009 pour vice de procédure par le Tribunal de Grande instance de Nanterre, saisi par la CGT, syndicat majoritaire. L'autre choix stratégique était de se désengager du pneu agricole et de vendre cette activité. Le groupe américain Titan se déclare intéressé par la voix de son PDG Maurice Taylor qui visitera plusieurs fois l'usine picarde. Mais il pose une condition. Il veut que soit au préalable signé et engagé le PSE sur l'activité «tourisme». La direction de Goodyear remet alors le couvert avec un nouveau PSE qui intègre la reprise de l'activité agricole par Titan. En février 2011, le TGI de Nanterre saisi par la CGT, suspend ce PSE au motif que les informations fournies par Titan ne sont pas assez détaillées.

Un plan de départs volontaires à la veille des élections législatives

La direction tente alors de jouer la carte du Plan de départs volontaires avec la CGT, qui y était jusqu'alors farouchement opposée. Quelques jours avant le premier tour des élections législatives, Mickael Wamen, le leader CGT qui est par ailleurs candidat aux législatives dans la Somme (sur une liste de communistes dissidents) crie victoire à la une du Courrier picard. «On a fait plier la direction. On a gagné une bataille. Goodyear enterre son PSE!» Après un bras de fer de 5 ans avec la CGT, la direction, de son côté, publie un communiqué confirmant son projet de plan de départs volontaires en précisant que les discussions se déroulent dans un «climat de sérénité». Bonne mère, elle va même aller jusqu'à fermer les yeux sur le fait que plusieurs délégués syndicaux CGT seront payés pour faire à temps plein, la campagne de Mickael Wamen, battu premier tour. La direction espère que la CGT signera l'accord sur le plan de départs volontaires qui prévoit des formations, des reclassements, des aides à la mobilité et des indemnités de départ allant de 100.000 euros pour les jeunes à 200.000 euros pour les plus âgés. Mais patatras! A quelques heures de la date butoir pour la signature -fin août 2012- la CGT refuse de signer l'accord au motif que Titan ne s'engage que sur deux ans. Titan proposait en effet de reprendre les 500 salariés correspondant à cette activité, de les maintenir dans leur poste pendant 2 ans; et d'investir plusieurs dizaines de millions d'euros pour faire du site d'Amiens sa plateforme européenne et son centre de R&D européen. La direction parle alors «d'irréalisme social et d'irresponsabilité de la part de la CGT».

«Ils ont toujours voté CGT comme on prend une assurance»

Les syndicats minoritaires (SUD et CFE-CGC) n'ont pas manqué de critiquer la ligne dure d'une CGT conseillée par Me Rilov. «Les salariés sont abasourdis aujourd'hui, mais ils ont toujours été tenus à l'écart. Ils ont toujours voté CGT comme on prend une assurance. Ils ont délégué leurs problèmes» explique Virgilio Mota Da Silva, délégué du syndicat Sud. Il est convaincu que «seule l'activité agricole était viable étant donné que la direction avait saboté l'activité tourisme pour la rendre inutilisable». Il en veut à la CGT de s'être opposée à une reprise partielle du site par Titan: «si l'on avait vraiment accepté de discuter avec Titan, on aurait pu obtenir un engagement de sa part sur 5 ans. Sauver une usine de 500 personnes, ce n'est pas rien et c'est mieux que de tout fermer».
Son collègue Marc Jonet, le délégué CFE CGC, évoque, lui, un «blocus orchestré par le syndicat majoritaire» sur le projet de reprise par Titan. Il rappelle que ce dernier a déjà racheté les activités agricoles de Goodyear aux Etats-Unis et au Brésil. Hier encore, il croyait à un avenir possible d'Amiens Nord. «Lorsque M. Taylor est venu nous voir, il nous a dit que notre outil de travail était utilisable du jour au lendemain. C'est un site intéressant pour Titan car on peut y produire des pneus de grandes dimensions».

Tout a commencé avec l'organisation en 4 X 8

Tout a commencé avec la décision du groupe Goodyear de faire signer aux salariés de ses deux usines -Amiens nord et Amiens sud- un accord relatif à une nouvelle organisation du travail, le 4 X 8. Cette organisation qu'il a mise en place dans tous ses sites industriels va dans le sens d'une plus grande flexibilité, supprime la coupure entre semaine et week-end et réduit la masse salariale. La signature de l'accord était assortie d'une promesse d'investissement sur chaque site. L'accord sera signé par les syndicats CGT, FO et CFTC du site Dunlop d'Amiens sud; sur ce site, le groupe a par la suite investi dans des équipements pour fabriquer des pneus à forte valeur ajoutée. Quant à la section CGT, elle a été reniée par la Confédération et son responsable a rejoint l'UNSA.
A Amiens nord, les syndicats ont refusé de signer l'accord. Têtue, la direction organise en 2008 un référendum pour s'adresser directement aux salariés avec cette question: «pour la sauvegarde de votre emploi, acceptez-vous le changement d'organisation du temps de travail en 4 X 8 et ses contreparties? Oui ou non.» La réponse a été «oui» à 75,8 % avec un taux de participation de 54 %. Pourtant Goodyear n'a jamais pu mettre en place son organisation en 4 X 8 dans son usine d'Amiens nord, qui le paye aujourd'hui très cher. Comme le dit Virgilio Mota Da Silva du syndicat Sud, «quand une décision est prise à Akron -siège social de Goodyear dans l'Ohio- elle est toujours irréversible».
 

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Commentaires 45
à écrit le 31/01/2013 à 18:38
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Là où les syndicats passent les emplois trépassent.

à écrit le 31/01/2013 à 18:03
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Quel entrepreneur veut maintenir une entreprise en France de nos jours?, après avoir été soulagé par l'URSAFF , les charges, les prélèvements, les impôts divers et les différentes tracasseries administratives, les entrepreneurs doivent passer l'épreu...

à écrit le 31/01/2013 à 17:59
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Les bolcheviques ont fait tomber la Wehrmacht à l'Est, les communistes Français sont bien de taille à faire tomber les entreprises à l'ouest!.

à écrit le 31/01/2013 à 16:58
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Je suis étonnée par cet article, certes plutôt bien écrit, mais totalement à charge contre un syndicat, en l'occurence la CGT. Il aurait été intéressant que le journaliste essaye de les contacter ou, à tout le moins, ne donne pas la parole qu'aux opp...

le 31/01/2013 à 17:09
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Les journalistes ont raison si la CGT n'avait pas refusé de signer l'accord avec Titan il y aurait au moins 500 emplois de sauver.

le 31/01/2013 à 17:29
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Le journaliste a bien fait son travail, c'est bien la faute de la CGT si aucun accord n'a été conclus.Il ne faut pas nier l'évidence, et ce n'est pas prendre partie que de dire la vérité.

à écrit le 31/01/2013 à 15:54
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Merci la CGT au lieu de sauver 735 emplois sur les l200 elle a tout fait pour n'en sauver aucun.

le 31/01/2013 à 18:04
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c'est exactement le but que ces saboteurs recherchent!.

à écrit le 31/01/2013 à 14:09
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Avec la CGT impossible de résoudre un problème, ces gens ne veulent rien entendre et leur entétement aboutit toujours à des catastrophes dans les entreprises.

à écrit le 31/01/2013 à 14:02
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L'usine va fermer, mais la CGT a "gagné" son bras de fer. Ils seront chômeurs, mais fiers et droits dans leurs bottes. Génial, quelle victoire...

le 31/01/2013 à 14:34
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Ils ont bien raison, ils ne font que gagner, regardez à Marseille, ils ont mis le port à genoux, et ils en sont fiers, regardez à Calais, ils ont coulé SeaFrance, et ils en sont fiers. Au passage ils démolissent aussi toute l'économie qu'il y a autou...

le 31/01/2013 à 14:49
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Avec la concurrence du rail la SNCF grace à la CGT ne tardera pas à tomber.

à écrit le 31/01/2013 à 14:01
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Je croyais avoir entendu dire Montebourg qu'il se faisait fort de faire reprendre une partie de l' exploitation de pneus pour le matériel agricole par TITAN . Beaucoup de paroles mais toujours pas d'actes.

à écrit le 31/01/2013 à 13:05
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Un cas d école à méditer dans toutes les écoles de management quand on est confronté à des syndicalistes de base. La CGT est en train de tuer la France

le 31/01/2013 à 13:45
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La C.G.T. est en train de tuer la France dites vous?? mais visiblement, ils sont nombreux les beubeux cégétistes candidats au licenciement!! A croire que ça peut rapporter gros!!

à écrit le 31/01/2013 à 13:00
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Le jour où les ouvriers, employés et surtout syndicalistes auront compris que pour avoir du travail , il faut d?abord un marché où l?on peut vendre les produits fabriqués et vendre à profit, la France aura enfin des employés intelligents qui prendron...

à écrit le 31/01/2013 à 12:56
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Encore des chômeurs qui doivent leur situation aux syndicats et a l aveuglement des juges. Goodyear a une usine de moins en France. Quelle Chance

à écrit le 31/01/2013 à 12:41
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Cela paraît bien difficile de gérer une usine de 1000 employés efficacement en France. Les salariés refusent la subordination qui est le principe même du contrat de travail salarié. Ce ne sont donc plus des salariés à proprement parler, en mesure de ...

à écrit le 31/01/2013 à 12:12
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avant je changeais mes pneus regulierement, il faut dire qu'avant, j'avais une voiture.

à écrit le 31/01/2013 à 12:09
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Ce n'est pas la première usine qui ferme à cause de la bêtise (pour être gentil) de représentants syndicaux enfermés dans des logiques complètement irrationnelles et imperméables à des réalités pourtant simples à comprendre..

à écrit le 31/01/2013 à 12:04
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C'est toujours la faute de la direction en France. Étrange à l'étranger les entreprises font de bonnes affaires !

à écrit le 31/01/2013 à 12:03
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Quand la CGT est là, c'est l'échec assuré. Comment se fait-il que les salariés ne s'en rendent toujours pas compte ? Comment se fait-il que les salariés se fassent manipuler à ce point-là ? Reste que le résultat est toujours le même : quand la CGT s...

le 31/01/2013 à 12:46
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Ben non, regardez, à la SNCF, la CGT est là. Et la SNCF est toujours vivante. Enfin, pour l'instant !

le 31/01/2013 à 15:55
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Suite à votre question je vais vous répondre: parce que les salariés de good year (qui vivent la situation, rappelons le) n'ont pas votre intelligence d'esprit, votre sens de la soumission (Oh pardon, du dialogue social) et qu'ils sont stupides (évid...

le 31/01/2013 à 17:04
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+1 POUR VOTRE COMMENTAIRE. On peut ajouter que parmi tout ceux fustige la CGT et les ouvriers pas un ne sait ce qu'est de TRAVAILLER en 4X8...et peut etre meme de travailler tout court.....

à écrit le 31/01/2013 à 11:44
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Et surtout les employés peuvent remercier les syndicats C.G.T. en tête, qui continuent par leurs rigidités et leurs engagements politiques à couler les emplois en France. Lorsque l' industrie aura entièrement été coulée, le parti de gauche, le parti ...

le 31/01/2013 à 12:55
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Si ça pouvait au moins servir à un déclic dans la tête de certaines personnes...

à écrit le 31/01/2013 à 11:43
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Merci la CGT !!!!

le 31/01/2013 à 17:10
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Je vous en prie. Le problème de Good Year c'est qu'ils n'ont pas trouvé de salariés comme vous: près à travailler en 4X8 (le 3X8 étendus au week end.. testez le vous aller voir, un vrai délice......,), au smic, à Amiens. A moins que les donneurs de...

le 01/02/2013 à 0:11
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En tout cas, aujourd'hui, ils testeront TOUS le 0x8 (qu'ils aient acceptés ou non ce principe des 4x8). C'est mieux ? Si une entreprise doit changer; suite à des réalités économiques, ceux qui le refusent sont libre de quitter le bateau si un terrai...

à écrit le 31/01/2013 à 11:34
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Dans ce cas particulier, le ministre ne pouvait pas troquer sa marinière rayée contre un déguisement de Bibendum, m?

le 31/01/2013 à 11:53
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Avec les pieds ailés de Goodyear, il pourrait nous faire des petites pirouettes et des petits sauts dansants, comme cela le spectacle qui a pris un goût ranci, continuera.

à écrit le 31/01/2013 à 11:34
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Dans ce cas particulier, le ministre ne pouvait pas troquer sa marinière rayée contre un déguisement de Bibendum, même si c'est temps de carnaval....

à écrit le 31/01/2013 à 11:12
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Envoyer le pompier de service qui a l'expérience du feu, celui des hauts fourneaux de Florange, pour nationaliser le site de good-year !!! Pas de problème pour un pays en faillite financière, mais pas en conneries!!!!!

à écrit le 31/01/2013 à 10:59
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Subvention et Montebourg, Nationalisation et Montebourg, la Direction de Goodyear et Montebourg; pas d'insultes(?!), pas de projets de nationalisation, même pas de subventions (pas assez français; trop satanique les versets de l'oncle Goodyear) "l'us...

à écrit le 31/01/2013 à 10:52
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merci à la CGT destructeur d'emplois et d'entreprises

le 31/01/2013 à 11:15
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la cgt a toujours tout refusé ainsi que la justice voila le bilan .......................continuez le combat .........................

à écrit le 31/01/2013 à 10:40
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lutte a mort entre la CGT et la direction de l'usine. comment voulez vous qu'un chef d'entreprise normal puisse développer ses activités en France dans un contexte de lutte des classes. Que Goodyear aille planter ses choux ailleurs est basta. Une en...

à écrit le 31/01/2013 à 9:59
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Cette histoire est symptomatique de l' INCULTURE ÉCONOMIQUE des français, en particulier, de leurs juges...

le 31/01/2013 à 10:48
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plus ca va , plus il y a effectivement un problème avec certaines juridictions, dont les interprétations - certes souveraines - de la réalité économique devient illisible, incompréhensible et surtout, contre- productive. Ce positionner sur un nivea...

à écrit le 31/01/2013 à 9:06
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Au moins, ils ne manqueront pas de matières premières pour faire leurs braseros aux entrées de l'usine ! Le leader de la CGT se recasera toujours en cumulant un poste dans son syndicat et un autre d'élu PC, comme le nouveau patron de la CGT qui a lai...

à écrit le 31/01/2013 à 8:51
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Encore un trophée pour le ministre du redressement !

le 31/01/2013 à 10:46
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Pour les soutenir, il va aller en Zoé à l'usine d'Amiens Nord et faire changer ses 4 pneus !

à écrit le 31/01/2013 à 7:46
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Après avoir développé une auto phobie par tous les moyens, en traitant les conducteurs de pollueurs et en les brimants sans arrêt, après une avalanche de taxes et de radars, on s'étonne que l'industrie automobile ( et ses sous-traitants) s'effondre!

le 31/01/2013 à 8:14
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bilan fermeture du site , la cgt a refusé tout plan de licenciement et toute restructuration ; la justice a annulé tous les plans de la direction le bilan 1250 employés dehors et l'usine qui ferme bravo et continuez !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ...

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