PSA : les quatre défis de Carlos Tavares

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1116  mots
Carlos Tavares, ancien numéro 2 de Renault, prendra la tête de PSA l'an prochain
PSA pâtit de quatre faiblesses structurelles majeures : manque d'alliances efficaces, intercontinentalisation insuffisante, coûts trop élevés, rentabilité aléatoire des véhicules pour pays émergents. Un gros programme pour le nouveau patron de PSA, Carlos Tavares.

Carlos Tavares prendra donc la tête de PSA en 2014. Le groupe français a annoncé lundi soir que l'ancien bras droit de Carlos Ghosn chez Renault remplacerait Philippe Varin comme Président du directoire de PSA Peugeot Citroën. Cette arrivée d'un fin connaisseur de l'industrie automobile, mondialement réputé, est plutôt une bonne nouvelle pour un constructeur plongé dans une crise grave.

 Le groupe français joue en effet actuellement sa survie en tant que grand constructeur automobile. Confronté à des pertes record en 2012, PSA devrait encore brûler 1,5 milliard d'euros de cash cette année. En manque d'argent frais, il doit procéder prochainement à une augmentation de capital pour avoir de quoi poursuivre ses investissements et renouveler sa gamme. D'où les négociations avec le chinois Dongfeng, afin que ce dernier apporte du des fonds en prenant une participation au sein du constructeur familial.

Au-delà d'une mauvaise conjoncture due à la chute du marché automobile européen et notamment français, le groupe tricolore est confronté à des faiblesses structurelles graves. A priori, Carlos Tavares a l'expérience et les compétences requises pour aider PSA à y remédier. Bien sûr, un homme ne fait pas tout. Mais, voici en détail les quatre défis majeurs que devra relever le futur patron et ses atouts pour réussir.

Un manque cruel d'alliances

 Après le ratage de l'alliance négociée avec le japonais Mitsubishi et le semi-échec du mariage avec GM paraphé début 2012, PSA doit conclure impérativement une nouvelle alliance stratégique. Il négocie actuellement un vaste rapprochement avec le consortium chinois Dongfeng, en vue d'une augmentation de capital jusqu'à trois milliards d'euros. Cette opération verrait l'État français et Dongfeng prendre chacun une participation de l'ordre de 20-30% dans le constructeur, d'après l'agence Reuters. "Une lettre d'intention entre PSA Peugeot Citroën et Dongfeng pourrait être signée avant Noël", affirmait récemment une source interne du groupe français. 

Pour gérer une telle alliance, voire l'élargir ultérieurement, Carlos Tavares a pour lui l'expérience de l'alliance Renault-Nissan (achats, ingénierie et plates-formes communes), le seul mariage dans l'automobile de ces deux dernières décennies qui ait vraiment prouvé sa réussite à ce jour. Cet homme qui a fait sa carrière Renault est effectivement parti en 2004 chez… Nissan au Japon. Il connait donc parfaitement les rouages internes d'une telle opération.

 Longtemps homme lige du double PDG de Renault et Nissan Carlos Ghosn, il a notamment été responsable de la stratégie et du planning des produits au sein de l'allié nippon du groupe français, un poste au cœur même de l'Alliance. Il est ensuite devenu le patron de la zone Amérique (du nord et du sud) de Nissan.

Une "intercontinentalisation" insuffisante

 PSA est insuffisamment intercontinentalisé. C'est même son talon d'Achille. L'Europe absorbe encore 58% des ventes du groupe. En Chine, la firme envisage certes une progression d'un quart des ventes sur l'année 2013 à plus de 550.000 unités. Mais, pour un groupe qui avait été, avec Volkswagen, le premier étranger à s'y implanter dans les années 80, c'est encore peu, avec une pénétration insuffisante (3,8% au premier semestre) et des profits encore très faibles.

En Russie, PSA a vu ses ventes reculer sur huit mois, avec une part de marché de 2,4% à peine... Les volumes sont trois fois inférieurs à ceux de Renault, malgré deux marques au lieu d'une. Au Brésil, PSA chute de 18% sur huit mois et y vend 40% de véhicules de moins que Renault. Sa pénétration de 4,2% seulement reste tout aussi dérisoire. Le groupe y perd de l'argent.

PSA a par ailleurs renoncé à l'Inde. Il est marginalement présent en Asie du sud-est et demeure absent d'Amérique du nord. A la demande de son allié GM, PSA a dû par ailleurs abandonner l'Iran, son deuxième débouché mondial.

Carlos Tavares peut apporter ici son expérience d'un groupe comme Nissan, dont la production est sans doute la plus internationalisée parmi les constructeurs nippons. En tant que patron opérationnel de Renault, il détient aussi les recettes du savoir-faire de la firme au losange, qui cartonne en Russie où il réalise de fortes marges, progresse au Brésil et doublera cette année ses ventes en Inde.

Des coûts trop élevés

De l'aveu même des ingénieurs, PSA pâtit de coûts trop élevés, avec des prix de revient en fabrication sensiblement supérieurs en moyenne à ceux de Renault. Or, Carlos Tavares a l'expérience du travail sur leur réduction chez Nissan dans les années 2000. La rentabilité moyenne par véhicule du groupe nippon est bonne, même si elle a baissé dernièrement.

Nissan dispose notamment des usines parmi les plus productives du monde, comme celle de Sunderland en Grande-Bretagne ou d'Aguas Calientes au Mexique. Renault a pour sa part à son actif une pratique de dix ans des voitures à « bas coûts » de la gamme « Entry » (Logan, Sandero, Duster…). Un domaine où il excelle. Les marges sur un 4x4 Duster sont supérieures à 10% !

Nul doute toutefois que l'internationalisation comme la baisse des coûts devront passer par une plus grande délocalisation de PSA hors de France. Le construteur produit encore 33% de ses véhicules dans l'Hexagone alors quue Renault ne fabrique plus, lui, que 18,7%.de ses modèles dans son pays d'origine. Ce qui figure dans les taux les plus bas parmi les constructeurs mondiaux.

Des véhicules pour pays émergents peu rentables

Les modèles à prix bas pour pays émergents de PSA sont produits à Vigo en Espagne pour les marchés méditerranéens et d'Europe de l'est, à Wuhan (Chine) pour le marché local. 60.000 ventes ont été réalisées au premier semestre selon PSA, avec une prévision de plus de 100.000 sur l'année. Un chiffre… ridiculement faible par rapport au plus d'un million de Logan, Sandero et autres Duster que Renault compte écouler en 2013 !

Autre écueil : dérivées de la Peugeot 208, les Citroën C-Elysée et Peugeot 301 restent relativement onéreuses à produire. "Les marges sont quasi-nulles. Ce n'est pas sûr qu'on puisse gagner un jour de l''argent", nous expliquait dernièrement une source interne chez PSA. Ce ne sont donc pas des voitures à bas coûts.

Le problème, c'est qu'elles doivent être  vendues à des tarifs proches des Dacia Logan! Il manque donc à PSA une vraie plate-forme à bas coûts. C'est l'un des volets, justement, des négociations en cours avec le chinois Dongfeng. Les recettes de Renault avec sa marque roumaine Dacia seront donc les bienvenues.