Philippe Varin : les grands échecs du président sortant de PSA

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1236  mots
Philippe Varin, patron sortant de PSA
Carlos Tavares doit très prochainement remplacer Philippe Varin à la tête du groupe auto français en crise. Ce sera le septième président depuis la naissance du groupe PSA Peugeot Citroën. Il est attendu comme le messie.

Le groupe PSA Peugeot Citroën aura 38 ans cette année. Et le nouveau patron qui se profile, Carlos Tavares, sera le septième président depuis la constitution du consortium, par fusion de Peugeot et Citroën en 1976. Arrivé au directoire du constructeur automobile français au début de l'année, l'ex-bras droit de Carlos Ghosn chez Renault porte sur ses épaules tous les espoirs de survie d'un PSA en crise profonde. Sera-t-il l'homme providentiel, comme le fut son lointain prédécesseur Jacques Calvet, qui sauva le groupe d'une quasi-faillite au début des années 80?

PSA Peugeot Citroën décidera bientôt à quelle date Carlos Tavares succédera à Philippe Varin à la tête du constructeur automobile, a déclaré ce samedi le président du conseil de surveillance Thierry Peugeot dans un entretien au Figaro. "Le conseil devra prendre la décision de la date de nomination à la présidence du directoire de Carlos Tavares prochainement", a-t-il expliqué. En tous cas, Carlos Tavares devrait prendre la tête d'une vieille firme qui ne s'est jamais trouvée depuis la guerre dans une situation aussi dramatique. Pire même, dans une économie mondialisée, qu'au creux de la vague il y a trente ans suite alors au rachat désastreux des activités de Chrysler Europe.

Philippe Varin a cruellement déçu

La profonde dépression des marchés européens, Philippe Varin, le président sortant de PSA Peugeot Citroën, n'y est évidemment pour rien. Mais, ce diplômé de l'École polytechnique et de l'École des mines de Paris qui a occupé différents postes au sein du groupe Péchiney puis a été nommé à la tête du groupe sidérurgique anglo-néerlandais Corus, a cruellement déçu la famille Peugeot et les cadres du groupe. Pourtant, lorsqu'il rejoint PSA en avril 2009, dont il deviendra le président du directoire en juin de la même année, son arrivée est unanimement saluée.

Présenté comme le patron idéal, après la tumultueuse et anarchique présidence de Christian Streiff, l'homme séduit par sa rigueur, son côté rassurant, son calme. Avec qui plus est une image de discrétion en accord avec les valeurs traditionnelles de la famille Peugeot. Au 75 avenue de la Grande-Armée, siège parisien du groupe, c'est un réel soulagement.

Tentative ratée avec Mitsubishi

Las, cet homme de méthodes et de process, mais qui ne connaît rien à l'automobile, va progressivement décevoir. Quand il relance le projet d'une alliance intercontinentale avec le japonais Mitsubishi, une idée en l'air depuis le milieu des année 2000, les experts prédisent, après le rapprochement réussi entre Renault et Nissan, un nouveau succès franco-japonais. Mais, rapidement, les discussions traînent, s'enlisent, trébuchant notamment sur le cours de bourse trop élevé du groupe nippon mais aussi l'absence de conviction de la famille Peugeot.

L'estocade finale est portée au salon de Genève 2010. Alors que Philippe Varin, lénifiant, assure prudemment que les négociations suivent leur cours, son homologue de Mitsubishi Motors affirme brutalement dans une interview à La Tribune qu'"une alliance capitalistique n'est pas à l'ordre du jour". Pris par surprise, le service de presse de PSA se voit obligé de concocter in extremis, dans une chambre d'hôtel, un communiqué embarrassé reconnaissant que, effectivement, "les conditions d'une alliance ne sont pas réunies". Un premier couac sérieux dans la présidence que l'on prédisait brillante de Philippe Varin.

Une annonce en grande pompe

Deuxième tentative : une négociation avec GM. Dans le plus grand secret, Philippe Varin se rend à Detroit à l'occasion du salon américain en janvier 2012. La Tribune dévoile ces tractations le 21 février de cette année-là. Une grande alliance franco-américaine est scellée en grande pompe fin février 2012. Et sus aux sceptiques ! La direction de la communication du groupe excommunie impitoyablement ceux qui osent émettre des doutes sur la pertinence d'un tel mariage - nous en avons subi les conséquences. Pourtant, petit à petit, cette alliance stratégique, tant vantée par le président de PSA Philippe Varin, trouve ses limites.

PSA est obligé sous la pression de GM, soucieux de se conformer à la politique de Washington contre l'Iran, doit se retirer de ce pays, son deuxième marché traditionnel derrière la France. Inexorablement, ce rapprochement présenté comme mondial se réduit à l'Europe, unique préoccupation de GM soucieux de trouver une solution pour sa filiale allemande Opel structurellement déficitaire. En revanche, pas question pour le consortium de Detroit, qui a raté jusqu'ici toutes ses alliances, d'aider PSA hors du Vieux continent où le français avait espéré trouver des appuis. GM, qui a pris 7 % de PSA, dicte ses conditions.

Le 12 décembre dernier, la super alliance fait finalement… pschitt. GM annonce dans un communiqué laconique qu'il se débarrasse de ses 7 % de PSA, prenant les dirigeants du groupe tricolore par surprise. Il est vrai que la courtoisie et la diplomatie n'ont jamais figuré dans les méthodes de management du consortium du Michigan ! GM avait déjà laissé entendre auparavant qu'il ne souhaitait pas participer à une nouvelle augmentation de capital de PSA. Difficile, il est vrai, pour l'américain de laisser PSA négocier avec le chinois Dongfeng, alors que GM est allié dans l'ex-Empire du milieu avec SAIC, un groupe rival.

Echec de l'alliance avec GM

La coopération entre PSA et GM, ou plutôt avec Opel, se bornera finalement à une production d'un futur monospace compact Opel chez PSA à Sochaux, la fabrication des minispaces des deux groupes chez General Motors à Saragosse (Espagne). Ces deux familles de véhicules seront développées "sur des plates-formes PSA". Les premiers véhicules issus de l'alliance devraient être commercialisés à partir de 2016. Un  programme portant sur une nouvelle génération de véhicules utilitaires légers est également lancé. Mais c'est tout. La montagne accouche d'une souris. Après presque cinq ans de mandat, Philippe Varin n'a donc toujours pas réussi à construire la véritable alliance internationale qui permettrait à la firme tricolore de mettre fin à son isolement et son européocentrisme excessif !

Un bilan bien maigre pour Philippe Varin, alors que PSA a vu ses finances plonger dramatiquement. Après une perte nette historique de plus de 5 milliards d'euros en 2012, le déficit net s'est encore monté au premier semestre 2013 à 426 millions. Dans l'activité automobile, le déficit opérationnel atteint 510 millions, soit une marge négative de 2,7 %. PSA devrait avoir brûlé 1,5 milliard d'euros environ en 2013, suite à trois milliards en 2012. Philippe Varin ne confirme d'ailleurs plus son engagement précédent d'un retour à l'équilibre fin 2014 !

PSA a dû annoncer du coup la fermeture de l'usine à problème d'Aulnay, en région parisienne, la cession de son siège social et du contrôle de sa branche logistique Gefco ainsi que la suppression de plus de 11.200 postes dans l'Hexagone entre mi-2012 et mi-2014. Dernière tâche, ingrate, pour Philippe Varin, avant de céder le pouvoir : négocier en position d'extrême faiblesse une troisième alliance, avec le consortium public chinois Dongfeng et l'Etat français. Mais, cette fois, PSA, dont les parts de marché s'amenuisent en Europe même, ne se cache pas d'être le solliciteur. Pour sauver les meubles in extremis.