PSA : Carlos Tavares "espère faire plus et mieux que prévu"

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1244  mots
Carlos Tavares, nouveau patron de PSA
Trop prudent, le plan de redressement de PSA? "J'espère faire plus et mieux que prévu", rétorque Carlos Tavares, lors d'un déjeuner informel au salon de Pékin. Le patron du groupe va marteler ses objectifs pour redresser PSA en crise, lors de l'assemblée des actionnaires, vendredi. Celle-ci doit avaliser l'augmentation de capital tant attendue de 3 milliards d'euros..

Trop prudent, le plan de redressement de PSA, "Back in the Race", annoncé le 14 avril dernier? "J'espère faire plus et mieux que prévu", nous rétorque Carlos Tavares, lors d'un déjeuner informel en marge du salon de Pékin. Le nouveau président du directoire de PSA laisse entendre, en bon politique, qu'il vaut toujours mieux surprendre positivement que prendre le risque de décevoir. La frilosité des objectifs de rentabilité n'a-t-elle pas déçu la bourse?  Mais non, au contraire: "tous  les investisseurs à Paris, Londres, New York, ont été très positifs sur notre plan", souligne le dirigeant après une tournée pour présenter "Back in the Race" (de retour dans la course) aux investisseurs sur les grandes places financières mondiales.

Assemblée des actionnaires

Connu pour son impatience, Carlos Tavares va de nouveau marteler les leviers de son plan de redressement vendredi prochain, lors de l'assemblée générale des actionnaires du groupe, à partir de 14 heures au siège parisien du constructeur automobile, 75 avenue de la Grande-Armée. Une assemblée cruciale - même s'il n'y a aucun doute sur son acquiescement - qui doit donner l'ultime feu vert à l'augmentation de capital tant attendue de trois milliards d'euros, laquelle sera lancée dans la foulée, la semaine prochaine,

La première tranche de 1,048 milliard d'euros sera réservée à l'Etat français et au groupe national chinois Dongfeng. Le prix sera de 7,50 euros par action. La seconde portera sur un montant de 1,95 milliard et sera ouverte à l'ensemble des actionnaires du groupe, Dongfeng et l'Etat compris. Le prix ne sera fixé qu'en début de semaine prochaine. La famille Peugeot devrait mettre, elle, moins de 100 millions.

Arrivée de l'Etat et Dongfeng

L'Etat et Dongfeng détiendront chacun 14% du groupe, au terme des accords finalisés le 26 mars dernier.  La famille fondatrice Peugeot - aujourd'hui actionnaire à hauteur de 25,4% du capital et 38,1% des droits de vote - devrait redescendre elle-même à parité avec l'Etat et le  consortium public chinois. Cette augmentation de capital pourrait par la suite être portée à 3,8 milliards courant mai à travers le jeu des bons de souscription d'actions.

La composition du conseil de surveillance sera revue à l'occasion de cette assemblée générale.  Louis Gallois, homme de confiance de l'Etat actionnaire, remplacera Thierry Peugeot à sa tête. Une vraie révolution au sein du groupe. Le constructeur chinois sera représenté au conseil par son propre président, Xu Ping, et son directeur général adjoint Liu Weidong.

L'augmentation de capital et les changements au sein du conseil de surveillance parachèveront le grand chamboulement du groupe tricolore, qui vient de porter à la tête de son directoire Carlos Tavares, l'ex-bras droit de Carlos Ghosn chez Renault.

"Une véritable culture du résultat"

Si les conditions sont réunies pour la relance de la firme automobile française, celle-ci sera longue et périlleuse. Le nouveau patron opérationnel de PSA  Peugeot Citroën ne promet d'ailleurs pas du sang, de la sueur et des larmes... mais presque. Le plan "Back in the race" doit permettre au constructeur en crise, qui a cumulé plus de 7 milliards d'euros de pertes en 2012 et 2013, de dégager un flux de trésorerie opérationnel... "au plus tard d'ici à 2016". Le groupe français vise officiellement une "marge opérationnelle de 2%"  pour sa division automobile... "à l'horizon 2018", avec un "objectif de 5% lors du prochain plan à moyen terme, 2019-2023". 

"Le groupe doit développer une véritable culture du résultat et une approche mondiale pour pouvoir accélérer son retour à la rentabilité", avait insisté Carlos Tavares lors de l'annonce dudit plan à la mi-avril. Carlos Tavares veut "réduire drastiquement le nombre de modèles", pour ne pas dilapider l'argent. La gamme passera de "45 modèles actuellement à 38 en 2016, 26 en 2022", selon le plan. Peugeot descendra "de 25 à 17 en 2016, 13 en 2022, Citroën de 15 à 14, puis à 7". La gamme compte en effet aujourd'hui nombre de modèles non rentables.

Réduction du nombre de modèles

Cette réduction passera notamment par une mondialisation de chacun des modèles, permettant d'éviter deux véhicules différents dans le même segment, selon les régions du monde. Le nombre de plates-formes lui-même "passera de 7 à 2 en 2022", histoire d'améliorer les économies d'échelle. PSA supprimera des modèles mais ajoutera en revanche des véhicules qui lui manquent cruellement, notamment hors d'Europe, comme des vrais  4x4  "SUV".

"Nous allons maintenir le niveau de recherche et développement ainsi que d'investissements industriels de la division automobile entre 7 et 8% du chiffre d'affaires, contre 8 à 10% chez nos principaux concurrents", reconnaissait le patron opérationnel du groupe. Pour pallier ce handicap d'un pourcentage d'investissements inférieur, PSA compte être toutefois plus efficace avec moins de modèles, certes, mais aussi via la poursuite des coopérations avec GM, Toyota, Fiat, Ford ainsi qu'avec... le chinois Dongfeng.

Croissance rentable en Russie et Amérique du sud

Carlos Tavares veut par ailleurs "une croissance rentable à l'international". Rude gageure. Des patrons de zones vont être nommés, qui se partageront six régions du monde. Il vise notamment le "retour à l'équilibre au plus tard en 2017 en Russie et en Amérique du sud", deux régions structurellement déficitaires. En Chine, avec l'aide de son partenaire chinois Dongfeng, PSA compte, au travers des deux-co-entreprises DPCA et CAPSA, "vendre 970.000 véhicules en 2016 (557.000 en 2013), 1,19 million en 2018". Notamment à partir d'une exportation de Chine, PSA compte aussi "augmenter ses volumes en Asie-Pacifique, en Indonésie, en Thaïlande"

En troisième lieu, PSA doit "améliorer la compétitivité en Europe". Carlos Tavares fait un triste constat: "le groupe a vendu 2,3 millions d'unités hors Chine l'an dernier, pour un point mort à 2,6 millions! Il faut arriver à un point mort de 2 millions pour être rentables". En France, "les sites sont âgés souvent de quarante ou cinquante ans. Ils faut les moderniser. Car les logistiques internes sont trop compliquées. On a fait d'énormes progrès depuis". Il a confirmé 1,5 milliard d'investissement d'ici à 2016 dans la modernisation des sites tricolores. Il a cependant insisté sur la nécessité d'une "amélioration de l'efficacité pour assurer l'avenir de ces sites".

DS sera une marque indépendante

Enfin et surtout, le constructeur veut positionner les marques différemment. "Le développement de DS en tant que marque premium à part entière sera accéléré". En Chine, c'est d'ores et déjà une marque indépendante. En Europe, "ça sera un phénomène progressif". Le dirigeant souhaite en outre un positionnement "plus haut de gamme pour Peugeot". Quant à Citroën, il devra "répondre aux attentes des clients au meilleur coût possible", ce qui est une façon indirecte d'avouer que Citroën sera positionné plus bas! Au dernier salon de Pékin, Carlos Tavares confirmait que que "Citroên sera la marque la moins chère du groupe en prix net".

L'an dernier, les activités automobiles de PSA, au coeur des activités du groupe,  ont affiché un chiffre d'affaires en baisse de 4,8% à 36,5 milliards et une perte opérationnelle supérieure à un milliard (1,042 exactement). Cela représente une diminution, certes, à comparer avec le 1,49 milliard de 2012. Mais il n'empêche, le taux de marge restait négatif de 2,9% pour la division automobile en 2013! Même divisée par deux, la perte nette du constructeur reste immense, à savoir 2,31 milliards d'euros! La dette nette de PSA au 31 décembre 2013 était encore de 4,15 milliards.