Fiat : quel bilan pour le puissant Sergio Marchionne ?

Le charismatique patron de Fiat Chrysler Automobiles, a annoncé son départ pour des raisons de santé. Son bilan fait l'objet de longs débats entre ses remarquables réussites et les faiblesses structurelles persistantes d'un groupe qu'il aura dirigé 14 ans. Sa patte restera néanmoins fondatrice pour l'industrie automobile mondiale, même s'il est encore difficile d'anticiper la suite, dans un contexte très incertain.
Nabil Bourassi
Sergio Marchionne sera remplacé par le patron de Jeep, la poule aux oeufs d'or du groupe.
Sergio Marchionne sera remplacé par le patron de Jeep, la poule aux oeufs d'or du groupe. (Crédits : REBECCA COOK)

« Gouverner, c'est choisir », disait Pierre Mendès-France. Cette maxime peut illustrer le bilan de près de 14 années de "Marchionnisme" à la tête du groupe Fiat, devenu Fiat Chrysler Automobile (FCA). Pour le meilleur et pour le pire. Sergio Marchionne quitte le groupe américano-italien avec un bilan qui fera longtemps débat entre ceux qui estiment qu'il a brillamment sauvé ce qui pouvait l'être et ceux qui jugent que les énormes sacrifices consentis n'ont pas levé toutes les hypothèques sur l'avenir du groupe. L'histoire du verre à moitié plein et à moitié vide.

Un bilan financier remarquable

Comptablement, le bilan est factuellement remarquable. FCA a, cette année encore, publié des résultats financiers d'une insolente qualité : des profits qui doublent, une marge opérationnelle qui atteint les 6%, une dette totalement effacée... Mais, le verre à moitié vide nous oblige à remarquer que le chiffre d'affaires, lui, a baissé et que les ventes en volume, elles, ont stagné. C'est du Marchionne tout craché : excellent financier, ce manager mondialisé (né en Italie, il a passé une partie de sa vie au Canada avant de cumuler les diplômes à Genève) a déployé tout son talent pour améliorer les ratios de rentabilité, mais il a échoué à remettre en route la machine à vendre des voitures.

Car si ses talents de financier sont reconnus de tous, Sergio Marchionne n'a pas réussi à imposer l'image d'un visionnaire. Sa capacité de négociation hors-pair comme la sortie de General Motors du capital de Fiat au début des années 2000 pour 2 milliards d'euros, a été confirmée par le spectaculaire rachat de Chrysler automobiles en pleine crise financière pour quasiment rien. Cette opération fera de lui un des patrons les plus respectés de l'industrie automobile mondiale. Elle transforme également deux groupes à la dérive qu'étaient Fiat et Chrysler en une seule entité qui, d'un coup, accèdent à une autre dimension en termes de volumes et d'implantations géographiques.

Un manque de vision

Mais encore fallait-il en faire quelque chose, et ce n'est pas l'importation de grosses Chrysler sous la marque Fiat, comme le Freemont, qui a changé quoique ce soit. Car la nouvelle entité dispose d'un portefeuille de marque très riche, mais dont la diversité est un véritable casse-tête industriel pour dégager des synergies : des voitures 100% américaines comme Dodge, aux énormes RAM, en passant par la très généraliste mais très berline Chrysler, le 100% SUV Jeep, le spécialiste des petites voitures Fiat, et les marques premium très latines Alfa Romeo et Maserati.

Quelques collaborations heureuses voient le jour comme le Jeep Renegade bâti sur la même plateforme que la Fiat 500X et fabriqué dans une usine Fiat en Europe. Mais les synergies restent limitées. Même le Levante de Maserati ne partage pas sa plateforme avec d'autres marques du groupe. À l'heure où les marques du monde entier se rapprochent justement pour mutualiser et amortir les plateformes, cette décision peut surprendre.

D'autant que FCA a besoin d'énormément d'argent pour relancer ses marques dont les gammes sont vieillissantes. Le repositionnement d'Alfa-Romeo et Maserati, dont les ventes ont été relancées par l'arrivée de SUV, a lancé de nombreuses rumeurs sur un nouveau spin-off d'un pôle dit premium-luxe. En attendant, le renouvellement de la gamme Fiat se fait toujours attendre, tandis que Chrysler continue de plomber les ventes en Amérique du Nord.

Jeep, la poule aux oeufs d'or

Heureusement... Il y a Jeep ! Le spécialiste américain des 4X4 est la pépite du groupe. Excellemment bien positionné sur le segment des SUV grâce à sa gamme complète (pas moins de 5 modèles) mais également grâce à sa solide légitimité dans le domaine, Jeep s'internationalise à vitesse grand V et pourrait bien réaliser la moitié des volumes du groupe. Mieux, la marque engrange déjà 70% des profits de FCA, si l'on en croit une note de Morgan Stanley.

Enfin, FCA a également accumulé beaucoup de retard dans le développement de technologies. Pas seulement autours des motorisations, il y a également toutes les technologies liées à la connectivité, à l'autonomie, ou encore sur les usines 4.0, un critère de compétitivité essentiel.

Dernièrement, Sergio Marchionne a déroulé un nouveau plan stratégique pour le groupe. Celui-ci se veut plus offensif sur le volet industriel en allant plus loin sur les synergies. Il prévoit ainsi de passer de 16 à 12 plateformes pour 80% des modèles, contre 60% actuellement. L'accent sera mis sur les SUV pour toutes les marques. Alfa Romeo va ainsi voir arriver plusieurs nouveaux modèles dont un SUV compact et un grand SUV. La marque italienne verra ainsi sa gamme couvrir 71% du marché, là où celle-ci ne représentait moins de 30% il y a peu (avant le SUV Stelvio).

Mais ce plan stratégique qui court jusqu'en 2022 restera encore celui des choix puisqu'il met l'accent sur les marques les plus rentables puisque d'après les projections, Jeep, Alfa Romeo, Maserati et RAM, représenteront 80% du chiffre d'affaires contre 65% aujourd'hui. Au détriment de Fiat ? La nomination de Mike Manley, le patron qui a multiplié par quatre les ventes de Jeep, à la place de Sergio Marchionne consacre la priorité donnée à cette marque. Ce sera alors à son tour de faire des choix.

Nabil Bourassi

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Commentaire 1
à écrit le 24/07/2018 à 16:23
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Scénario possible.Mike Manley est un vendeur.Alors il va vendre.C'est un anglosaxon,il va donc favoriser les marques américaines de FCA et laisser mourir ou vendre le reste.En cela il sera aidé par John Elkan,qui en digne héritier du play-boy Gianni ...

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