"Il y aura un printemps de l'automobile, mais ce sera rock and roll" (Herbert Diess)

INTERVIEW. Herbert Diess, le PDG du groupe Volkswagen, premier constructeur automobile mondial, répond aux questions de La Tribune, alors que l'industrie automobile traverse une période financière complexe et se prépare au big bang de la voiture électrique.
Nabil Bourassi
Volkswagen traverse une période transitoire qui demande énormément d'investissements dans les nouvelles technologies, explique le PDG du groupe allemand.
Volkswagen traverse "une période transitoire qui demande énormément d'investissements dans les nouvelles technologies", explique le PDG du groupe allemand. (Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE - Depuis quelques semaines, les journaux spéculent sur une fusion entre le groupe Fiat et des groupes automobiles français... Pensez-vous que c'est le signe qu'une consolidation est en cours ?

HERBERT DIESS - Je dirais que oui, une consolidation est probablement en train de se faire. Nous voyons bien que certains de nos concurrents sont sous pression et qu'ils doivent réagir. Dans certaines régions cela fait réellement sens notamment sur le marché chinois qui reste toujours très fragmenté avec des petites entreprises. Et mon opinion c'est que dans la prochaine décennie, il sera encore plus question du volume qu'actuellement. Les voitures dans le futur vont se différencier à travers les logiciels, les ordinateurs, et notre industrie ressemblera de plus en plus à l'industrie du smartphone sur le long terme, enfin pas exactement similaire, mais on aura certaines de ses caractéristiques. Ainsi, l'effet d'échelle va devenir une réponse industrielle adéquate pour certains constructeurs.

Que compte faire Volkswagen ?

Nous construisons déjà à peu près 10 millions de voitures à travers le monde, nous sommes très forts dans le domaine des technologies en Chine et nous pensons que nous avons déjà une bonne empreinte territoriale mondiale. Nous ne recherchons pas d'opportunités de consolidation.

Le groupe Volkswagen est également soumis à une pression sur sa marge opérationnelle...

Nous traversons une période transitoire qui demande énormément d'investissements dans les nouvelles technologies. Si nous réussissons à maintenir ce niveau de profitabilité, je pense qu'on s'en sortira bien. Mais je reste surtout attentif à la génération de cashflow, et dans ce domaine, nous sommes satisfaits de notre performance.

Tout le monde n'est pas aussi optimiste que vous, notamment pour le secteur dans son ensemble...

Il y aura une période où effectivement, le groupe Volkswagen devra investir des sommes très importantes d'argent pour réussir le changement de paradigme en cours dans notre industrie. Pour construire une voiture électrique, il faut tout changer, de nos produits jusqu'à notre chaîne d'approvisionnement. Il faut investir dans la production, les accessoires... Tout cela aura nécessairement un impact. Les prochaines années seront très difficiles pour le secteur automobile. Volkswagen est capable d'investir tout en continuant à générer de la trésorerie. Si nous faisons les choses comme il faut, alors nous aurons probablement un nouveau printemps de l'automobile. En attendant, ce sera « rock and roll ».

Faut-il que l'Europe se dote de sa propre production de batteries électriques ?

La transition énergétique et industrielle que va imposer la voiture électrique va tout changer avec nos fournisseurs, et les batteries vont jouer un rôle incroyablement important car cela demande beaucoup d'investissements. On parle de 20% à 40% de ventes de voitures électriques. Ce qui correspond à plus de 10 giga-usines pour fournir le seul marché européen. La question n'est pas de savoir s'il faut le produire ici, mais si nous avons besoin de ces capacités de production, alors nous travaillerons avec les fournisseurs, tous les fournisseurs, pour être assurés d'être livrés.

Soutenez-vous l'initiative franco-allemande de constituer une filière européenne ?

Oui absolument ! Mais il y a déjà actuellement trois usines en construction en Europe qui devraient assurer la production jusqu'en 2023. Nous pensons que l'initiative lancée par les gouvernements français et allemands aura surtout un intérêt pour la génération de batteries suivante.

Comment vous préparez-vous pour le Brexit ?

Le Brexit ne se gère pas. Nous avons une usine et une marque au Royaume-Uni, Bentley. Pour elles, ce sera un grand challenge, parce qu'il faudra homologuer de nouveau leurs voitures. Pour le reste du groupe, le sujet se posera si on a un Brexit dur, non régulé. Ce sera un sujet pour Seat qui est très présent sur ce marché. Il y aura sûrement un impact sur notre rentabilité, mais nous survivrons.

Quelle est votre position sur les objectifs de réduction des émissions de CO2 ?

Je demande toujours aux politiques s'ils sont sérieux sur leurs objectifs. Parce que si j'applique la situation d'aujourd'hui aux règles qui seront imposées en 2021, l'industrie automobile paierait plus de 30 milliards d'euros d'amende...

L'objectif de 2030, vous paraît-il plus raisonnable ?

C'est un changement très rapide à l'échelle de notre industrie. Imaginez qu'il faudra vendre entre 20% et 50% de voitures électriques... Autrement dit, il faudra abandonner 10 usines de moteurs et fermer la moitié de nos usines de boîtes de vitesses. C'est un vrai challenge ! Est-ce que c'est faisable ? Oui ! À condition que les gouvernements fassent ce qu'il faut pour soutenir ces changements et investissent dans les énergies renouvelables et ainsi respecter les accords de Paris.

Nabil Bourassi

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Commentaires 3
à écrit le 12/04/2019 à 9:44
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Bon ça passera jamais parce que nous sommes dans une grande démocratie qui exulte la liberté expression c'est bien connu mais peut-il nous dire pourquoi avant l'arrivée de Trump les constructeurs allemands en étaient à gazer des cobayes pour leurs di...

à écrit le 11/04/2019 à 10:25
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"Le dirigeant du premier constructeur mondial" quand fera-t-on enfin la différence entre constructeur ou marque automobile et groupe automobile ? En plus de VW le groupe Volkswagen comprend des marques comme Audi, Skoda, Seat, Porsche, Bentley, Buga...

à écrit le 11/04/2019 à 10:00
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Bon ça passera jamais parce que nous sommes dans une grande démocratie qui exulte la liberté expression c'est bien connu mais peut-il nous dire pourquoi avant l'arrivée de Trump les constructeurs allemands en étaient à gazer des cobayes pour leurs di...

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