Jura : un rachat public-privé va-t-il sauver la fonderie de Saint-Claude ?

Ni liquidation judiciaire, ni repreneur. Le verdict est tombé mardi dernier pour les quelques 300 salariés de la fonderie de Saint-Claude (Jura). Le tribunal de commerce de Dijon a décidé de donner un sursis à MBF Aluminium pour trouver un potentiel repreneur. L’État et la Région pourraient entrer au capital.
(Crédits : CGT)

« Ce serait une première pour moi ! », confie Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté. L'élue a obtenu l'autorisation d'envisager l'éventualité de  faire entrer  la Région au capital de MBF Aluminium, fabricant de pièces de moteur automobile. La semaine dernière, le 25 mai exactement, les salariés espéraient que le tribunal de commerce de Dijon retienne la proposition du seul repreneur privé qui s'était présenté dans ce dossier, un entrepreneur varois qui prévoyait de reprendre 229 salariés sur les 284 que compte l'entreprise.

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« Mais, l'État n'en veut pas pour des raisons fiscales », a confirmé Marie-Guite Dufay. Le tribunal de commerce de Dijon n'a toutefois pas exclu l'offre. Le potentiel repreneur a été auditionné et mis sur la touche pour l'instant. Une réflexion est en cours pour entrer des fonds publics au capital de la société.

« Il s'agit de trouver une alternative permettant d'attirer des investisseurs avec une sécurité publique. L'objectif est de redonner confiance aux investisseurs dans ce projet industriel afin qu'il redevienne un projet privé à terme », précise Marie-Guite Dufay.

Les syndicats, eux, s'interrogent sur ce nouveau modèle économique : quel format prendra-t-il ? quels investisseurs répondront présents ? Une chose est sûre, mobilisés depuis le 31 mars pour sauver leur entreprise, les salariés  ne peuvent pas être mis à l'écart.

« Nous l'avons écrit aux différents cabinets concernés : une centaine de salariés souhaitent faire partie du prochain actionnariat », souligne Nail Yalcin, délégué CGT de la fonderie. Cela pourrait prendre la forme d'un consortium entre investisseurs privés, salariés, État, et Région.

Les salariés mobilisés depuis le 31 mars

Le désengagement des constructeurs automobiles

Malgré toute la bonne volonté de créer un modèle économique atypique, l'avenir de MBF Aluminium se joue avec la position stratégique des constructeurs automobiles, en l'occurrence PSA et Renault, principaux clients de la fonderie jurassienne.

Seulement, « Ils font l'autruche », constate Nail Yalcin. « Jusqu'au 27 avril, nous échangions avec eux. Ils nous ont toujours dit qu'ils étaient satisfaits de notre travail mais que la problématique venait des actionnaires », confie Nail Yalcin.

Depuis que le tribunal de commerce de Dijon a mis de côté les actionnaires et donné la gestion de l'entreprise à l'administrateur judiciaire, plus de son, ni d'image de la part des constructeurs automobiles... Sollicités par les syndicats pour offrir des garanties aux repreneurs, ces derniers n'ont pas souhaité s'exprimer.

« Renault s'était engagé en 2017 sur un volume de 14 millions de chiffre d'affaires, mais les dirigeants ont préféré délocaliser deux tiers de ces volumes. Ce qui a engendré une perte de dix millions d'euros de chiffre d'affaires annuel pour notre entreprise. Même si nous avons eu aussi une gestion désastreuse, cette perte nous a mis en difficulté », rappelle Nail Yalcin.

Les salariés mobilisés depuis le 31 mars

Une crise sociale qui se déroule à bas bruit

En France, les fonderies représentent environ 14.000 emplois mais depuis quelques mois une crise sociale se déroule à bas bruit. Fin 2020, la fonderie du Poitou annonçait la fin de son activité (292 salariés), peu après c'est le sort de FVM de Villiers-la-montagne en Meurthe et Moselle qui inquiétait les 130 salariés, mêmes inquiétudes à la fonderie Sam de Viviez dans l'Aveyron (364 salariés) où les discussions avec un potentiel repreneur sont au point mort. Plus récemment, Renault, annonçait son souhait de vendre la fonderie de Bretagne (250 salariés), dont le constructeur est propriétaire. Pour Nail Yalcin, « elles ont toutes un dénominateur commun : Renault ».

MBF Aluminium ne fait pas exception. La fonderie a employé jusqu'à 3.000 salariés du temps où le Jura était l'un des bassins industriels les plus importants de l'Hexagone. Aujourd'hui, Saint-Claude, pourtant capitale mondiale de la pipe, perd chaque année entre 2.000 et 3.000 habitants et fait partie du top 30 des bassins industriels les plus sinistrés. « Cette usine est le poumon économique de notre bassin d'emplois ! », assure Nail Yalcin. « Si la fonderie ferme, ce sera un véritable choc, une catastrophe pour l'économie locale mais aussi pour la souveraineté nationale en termes de production industrielle », poursuit-il.

Les candidats à la reprise ont jusqu'au 9 juin pour déposer leur dossier. L'audience qui statuera sur l'avenir de MBF Aluminium se déroulera le 15 juin au tribunal de commerce de Dijon.

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Commentaire 1
à écrit le 31/05/2021 à 15:47
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Il y a une mise à jour à entreprendre, les voitures passent à l'électrique, ces moteurs avec leur réducteur ont besoin d'autant d'aluminium que ceux à essence, mais des pièces par contre de haute précision usinées au centième, tout du moins d'alu de...

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