"Ne cherchez pas... Vous n'en tirerez rien ! Yves Bonnefont, directeur général de DS, refuse de se soumettre à l'exercice des volumes de ventes et à celui des objectifs... « Notre démarche n'est pas celle-là... », répète-t-il alors qu'il reçoit la presse internationale pour essayer la nouvelle DS3 Crossback, un petit SUV, et qui arrive en concession. Il s'appuie d'ailleurs sur le cahier des charges confié par Carlos Tavares, patron de PSA depuis juin 2014 et à l'origine de la création de la marque.
Celui qui jouit d'une stature internationale pour le redressement spectaculaire de PSA avait donné vingt ans pour faire de DS une marque aussi forte que légitime sur le segment premium que peuvent l'être les Audi, Mercedes et BMW. L'enjeu est de positionner le groupe sur le marché juteux du premium, les volumes viendront après, selon la doctrine Tavares. Yves Bonnefont a rappelé que le marché du premium va croître de 35 % entre 2017 et 2023, soit davantage que les 21 % attendus sur le marché total. À cet horizon, le premium devrait également peser plus du tiers des profits de l'automobile, contre 11 % en moyenne pour l'ensemble du marché.
DS3 a aussi fini par vieillir
Pourtant, DS, la marque premium du groupe PSA, née de l'exfiltration d'une gamme distinctive de Citroën, a subi ces dernières années une vertigineuse chute des volumes. Passés de 130.000 voitures vendues à son plus haut en 2012 à 52.000 voitures en 2018. La DS3, la voiture iconique de la marque lancée en 2009, a fini par voir elle aussi ses volumes s'effondrer, au terme d'une belle carrière (500.000 voitures vendues depuis son lancement). L'année 2018 a néanmoins vu les ventes arrêter leur dégringolade grâce au lancement de la DS7 Crossback. Sur huit mois, ce grand SUV a été vendu à 28.000 exemplaires, soit déjà 55 % des ventes totales de la marque.
La DS3 Crossback devra confirmer cette dynamique, mais il faudra faire mieux sa grande soeur en matière de volumes. Il s'agira de remplir les lignes de l'usine PSA de Poissy (Île-de-France), qui vient de se voir retirer la Peugeot 208. Ce site a une capacité de 260.000 voitures par an, et la sous-utiliser coûterait très cher au groupe, même si d'autres modèles y sont attendus, comme un petit SUV Opel, et qu'en outre, les lignes seront flexibles. En tout état de cause, Yves Bonnefont n'envisage pas que la DS3 Crossback ne soit pas un succès.
De la rentabilité avant les volumes
Mais Yves Bonnefont dit s'intéresser d'abord à la qualité de vente. Sur la DS7 Crossback, il s'est déclaré « très très content » des premiers résultats de 2018, l'année de lancement. « Nous sommes numéro un du segment des SUV de segment C en France », a-t-il annoncé, sans être dupe de cette performance encore trop franco-française. Mais le très bon mix produit des ventes a conduit à réaliser un prix de vente moyen de 48. 100 euros, ce qui traduit une belle percée dans une perception premium. En d'autres termes, les consommateurs ne vont pas dans une concession DS pour acheter les versions d'entrée de gamme. C'est peut-être la première victoire de DS, celle d'avoir assis son positionnement à travers un produit.
Sur la DS3 Crossback, un cadre de la marque estime qu'une moyenne de vente autour de 35 000 euros est à portée de main, soit une bonne performance comparée au prix d'appel catalogue de 23500 euros du modèle. En outre, la DS3 Crossback doit également accomplir une mission de conquête client. Le pire, pour PSA, ce serait que DS récupère des clients historiques à Citroën, Peugeot et désormais Opel. DS veut donc aller chercher des clients lassés des Audi, BMW et Mercedes. Pour Yves Bonnefont, il s'agira de prouver que DS est bien positionné et qu'il ne cannibalise pas les autres marques du groupe. C'est chose faite sur la DS7 Crossback, dont 69 % des clients ont été « conquis ».
Mais Carlos Tavares a établi un autre indicateur contraignant. DS doit bénéficier d'une valeur résiduelle élevée, sans quoi elle perd de la compétitivité produit face à ses concurrentes historiques. Yves Bonnefont juge être dans les clous : « Les loueurs de longue durée sont actuellement en train de réévaluer la valeur à la revente de la DS7 Crossback », se félicite-il.
L'électrification, une opportunité à saisir
Dernier acte de cette stratégie de positionnement, l'électrification. DS vient de lancer son label E-tense, qui équipera la DS3 Crossback d'une version 100 % électrique et la DS7 Crossback d'une version hybride rechargeable. Il considère l'électrification comme une opportunité pour réduire l'écart avec ses rivales allemandes en se positionnant très tôt sur cette thématique, tandis qu'Audi et Mercedes en sont encore au démarrage de leur label électrifié (e-tron et EQ).
Rentable, bien positionné et avec une bonne valeur résiduelle, DS a posé les jalons d'une stratégie haut de gamme que semble avoir confirmé la DS7 Crossback. Même si la direction de DS s'en défend, la DS3 Crossback ne pourra toutefois pas décevoir sur les volumes de vente sans impacter ce triptyque. Si elle rate la marche des ventes, les conséquences seront désastreuses pour la rentabilité et pour la valeur à la revente. Cela entravera sévèrement la trajectoire de la marque vers les cieux bénis du premium.
D'ailleurs, DS accélère le redéploiement de son réseau commercial. Après avoir passé 2017 à le restructurer en sortant du réseau Citroën, DS est passé à 376 points de vente 2018 et vise les 700 d'ici deux ans. L'arrivée d'un troisième modèle (DS commercialise un nouveau modèle par an) va étoffer un catalogue encore étroit (deux modèles, sans parler de la vieille DS3).
Pour Yves Bonnefont, il ne reste plus que l'épineuse question de l'internationalisation de la marque à régler, où la question chinoise reste un chantier majeur et sensible. Mais avec une stratégie rodée et un plan produit offensif, DS semble armé pour obtenir des résultats sur ce front. Car, qu'il le veuille ou non, les analystes et observateurs auront les yeux rivés sur les volumes de vente de la DS3 Crossback...
Sujets les + commentés