La voiture connectée au coeur d'une bataille technologique

Le marché de la voiture connectée fait l’objet d’un féroce bras de fer sur le Vieux Continent, où deux standards rivaux s’affrontent.
Pierre Manière
Le temps passé par les Français au volant (7 heures par semaine) devrait être consacré
à consommer des services si la voiture devenait .totalement autonome.
Le temps passé par les Français au volant (7 heures par semaine) devrait être consacré à consommer des services si la voiture devenait .totalement autonome. (Crédits : DR)

Aux yeux des constructeurs automobiles, l'arrivée de la voiture connectée va constituer une sacrée révolution. Aujourd'hui, de nombreuses applications existent déjà. Beaucoup de véhicules embarquent des systèmes de guidage, ou des écrans permettant d'accéder à Internet ou de visionner des films. Mais demain, les voitures ont vocation à être connectées directement entre elles et aux infrastructures routières. Cette innovation doit permettre l'éclosion de moult usages nouveaux, destinés à améliorer la circulation, la sécurité ou le confort du conducteur. Mais pour arriver à cette ère du tout connecté pour les voitures, encore faut-il qu'émerge « un écosystème fédérateur entre les véhicules, les réseaux de communication et les réseaux routiers », a récemment souligné dans une note l'Arcep, le régulateur français des télécoms.

Or, les acteurs européens de la voiture connectée, et en particulier les constructeurs automobiles, ne sont pas sur la même longueur d'onde. En coulisses, à Bruxelles, une bataille fait rage. En toile de fond, une question cruciale : quelle technologie va s'imposer pour connecter les voitures ? Deux camps s'opposent. D'un côté, certains militent pour une technologie dérivée du Wi-Fi. Baptisée « ITS-G5 » (Intelligent Transport System - G5), ce standard a l'avantage d'être relativement mature et de permettre des communications directes et rapides entre les véhicules ainsi qu'avec les infrastructures routières. L'idée est notamment de permettre aux voitures de se connecter à des bornes, ou « unités de bord de route », qui ont vocation à être déployées, par exemple, à certains carrefours jugés dangereux. Ce qui permettra, in fine, de prévenir le véhicule et de limiter les accidents.

Des technologies "non-interopérables"

Le standard ITS-G5 est conçu pour ne fonctionner qu'avec une bande de fréquences hautes particulière, celle des 5,9 GHz. Le bémol, par conséquence, est que ce standard ne permet que des communications directes courtes, jusqu'à 1 kilomètre au maximum. Cette technologie est aujourd'hui soutenue par de nombreux « cadors » de l'automobile et de la tech, à l'instar de Volkswagen, Renault, Toyota ou du géant des semi-conducteurs NXP.

Mais en face, d'autres poids lourds défendent un standard différent. Daimler, Ford, PSA, BMW, Deutsche Telekom ou l'équipementier télécoms suédois Ericsson militent pour le « C-V2X » (Cellular Vehicule-to-Everything). Celui-ci permet d'utiliser le réseau cellulaire des opérateurs mobiles, et donc leurs fréquences dites « basses », ce qui permet des communications à longue distance. Ce standard est aussi capable d'utiliser la bande des 5,9 GHz pour les communications de courte portée. De plus, le C-V2X est calibré pour intégrer la future 5G, qui offre des performances très supérieures en termes de débit et de rapidité.

La Chine a choisi le C-V2X

Il va donc falloir trancher, et vite, entre ces deux technologies. D'autant que celles-ci ne sont pas aujourd'hui « intéropérables ». Cela signifie qu'« un véhicule équipé d'une technologie ne pourra pas communiquer avec un véhicule équipé de l'autre technologie », souligne l'Arcep dans sa note. Le camp de l'ITS-G5 et celui du C-V2X mènent un intense lobbying à Bruxelles pour imposer leur standard fétiche. Chacun a ses arguments et ses considérations propres. Répondant La Tribune, El Khamis Kadiri, responsable des véhicules connectés chez PSA estime que le C-V2X est sans conteste plus performant que l'ITS-G5. À ses yeux, bénéficier des réseaux nationaux des opérateurs constitue un énorme avantage, surtout dans les territoires dépourvus d'infrastructures pour les communications courtes. El Khamis Kadiri argue aussi que la Chine a fait le choix du C-V2X.

« La Chine est un de nos principaux marchés, poursuit-il. On ne peut pas se permettre de développer deux technologies, l'une pour l'Europe, et l'autre pour le reste du monde. » Au regard des atouts du C-V2X, pourquoi des groupes comme Volkswagen défendent-ils alors l'ITS-5G ? Certains expliquent que ces industriels ont déjà consacré beaucoup d'argent pour développer cette technologie. Pas question, donc, de jeter aux orties leur savoir-faire chèrement acquis pour repartir de zéro avec un standard nouveau. Ainsi, Volkswagen a prévu de sortir cette année ses premiers véhicules intégrant l'ITS-G5. L'Union européenne, elle, n'a pas encore pris position pour l'une ou l'autre de ces technologies. En avril, le Parlement européen a choisi de s'aligner sur une proposition de la Commission européenne, qui privilégiait l'ITS-G5. Mais au début de l'été, 21 États membres (dont la France, l'Allemagne et l'Italie), sont montés au créneau et ont voté contre. Le bras de fer technologique est loin d'être terminé.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 11/09/2019 à 10:01
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La société marchande adore faciliter la tâche des terroristes et autres malfaiteurs, parfois franchement on peut et doit se poser des questions ! "Le commerce est l'école de la tromperie" Nicolas Machiavel

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