Michelin : le plan de Florent Menegaux pour transformer Bibendum

Le pneumaticien clermontois a présenté un ambitieux plan de transformation à l'horizon 2030. Le patron de Michelin Florent Menegaux met l'accent sur le "tout durable", et veut diversifier ses activités pour porter son chiffre d'affaires hors pneus à 70% des ventes totales d'ici 10 ans. Il promet également de générer d'importants profits et dividendes.
Nabil Bourassi
(Crédits : Philippe Wojazer)

C'est un plan très attendu, et très ambitieux qu'a présenté ce jeudi le président de Michelin Florent Menegaux. Un plan de transformation majeur du numéro deux mondial du secteur, qui vise d'ici 2030 à permettre au pneumaticien français de tirer un tiers de ses revenus d'activités nouvelles qui ne seront pas directement liées à la production de pneus. Le successeur de Jean-Dominique Senard, parti chez Renault, travaille dessus depuis sa prise de fonction à la tête du groupe clermontois en mai 2019.

La crise sanitaire a renforcé sa conviction que Michelin devait accélérer sa transformation sans toutefois changer son modèle économique fondé sur l'innovation et une forte proposition de valeur. Ce modèle résilient lui a permis de traverser l'année 2020 en limitant la casse, et surtout en saisissant toutes les opportunités de rebond dès le second semestre.

Le Michelin plus durable de demain

"Notre conviction, c'est que le Michelin de demain sera entièrement fondé sur des activités soutenables et responsables", n'a cessé de répéter, en substance, Florent Menegaux, pour résumer l'état d'esprit de ce plan de transformation. Cette stratégie dite "tout durable" à horizon 2030 repose sur trois dimensions: une approche sociale renforcée au bénéfice des salariés du groupe, une ambition environnementale très forte et des ratios financiers tout aussi exigeants.

Lire aussi : Michelin : un modèle résilient avant le chantier de sa transformation

Des équipes plus engagées (85% de taux d'engagements) et plus féminisées, des émissions CO2 largement baissées, des matériaux durables dans l'ensemble des produits... Le manufacturier, qui mène un plan de suppression de 2.000 postes en France, a certes besoin de continuer à améliorer sa compétitivité. Mais il veut cultiver une nouvelle culture d'entreprise fondée sur la responsabilité sociale et environnementale. Sur la dimension sociale, Florent Menegaux ne fait que poursuivre le sillon creusé par ses prédécesseurs mais surtout porté par la famille fondatrice. Mais il a tenu à ajouter une dimension environnementale afin d'anticiper des réglementations plus restrictives, comme étant dans l'ordre des choses.

Le pneu reste au coeur du projet de croissance

Si le grand thème de ce plan stratégique est la diversification, Michelin ne compte pas pour autant négliger le pneu, son produit historique, dont il estime qu'il est encore un produit à forte valeur ajoutée pour aujourd'hui, mais également pour demain avec la voiture électrique et autonome.

"Cela fait 130 ans que nous innovons, on n'a pas encore fini d'innover dans le pneu", expliquait récemment un porte-parole du groupe. "Le pneu restera le coeur de notre activité", avait-il rappelé.

Ainsi, la voiture électrique et autonome apportent de nouveaux usages qui sont autant d'opportunités d'innovations dans la conception des pneus. En outre, le groupe estime qu'il existe d'importantes opportunités commerciales en montant sa part dans les portefeuilles de leurs clients actuels.

Une diversification dans tous les sens

Mais pour Florent Menegaux, Michelin a développé des connaissances uniques autour des matériaux mais également autour des usages, qui sont des filons à exploiter. Ainsi, pour développer ses pneus hauts-de-gamme, Michelin a énormément investi dans la recherche autour des composants, pas seulement dans le latex (le caoutchouc) mais également dans des matériaux thermo-collants ou tirés de dérivés de pétrole. De là, Michelin veut accroître sa présence sur le marché "très dynamique" des composites flexibles: courroies, tissus enduits, joints, convoyeurs...).

Autre relais de croissance, les services et solutions. Cette fois, Michelin entre dans un autre type de business en quittant la sphère purement industrielle pour proposer des services. Ceux-ci seraient axés sur les solutions pour flottes. La firme de Clermont-Ferrand veut capitaliser sur son expertise autour des usages pour trouver des solutions fondées sur la data et les objets connectés, notamment à destination des flottes automobiles.

L'impression additive est un autre relais de croissance identifié par Michelin. C'est en s'intéressant à de nouvelles méthodes de production pneumatique que le groupe s'est fortement intéressé à cette technologie encore émergente dite de fabrication 3D. Elle a complété son savoir-faire en créant une coentreprise avec Fives. Dans le secteur médical, Michelin estime également avoir des opportunités de business qu'il souhaite saisir.

L'hydrogène: objectif leadership mondial

Mais c'est dans l'hydrogène que le groupe compte porter sa transformation en visant le titre de leader mondial des systèmes de piles à hydrogène. Il agira à travers la société Symbio, rachetée en 2017 et devenue une coentreprise avec Faurecia en 2019. Là aussi, Michelin tire la logique de cette initiative par sa maîtrise des matériaux composites dont on retrouve d'importants éléments dans la pile à combustible, comme la membrane.

Avec ce plan, Michelin fait une nouvelle révolution en appuyant sa diversification sur des partenariats. "Il faut accepter que nous ne pouvons pas tout faire nous-mêmes", justifie un haut cadre de l'entreprise.

Pour séduire les investisseurs, Michelin a inscrit ce plan "tout durable" dans une démarche de rentabilité financière avec des objectifs, cette fois, à très court terme.

Des profits et des dividendes

Le groupe s'engage à économiser 320 millions d'euros par an entre 2020 et 2023, plus 125 millions dans les frais généraux à horizon 2025. Michelin promet de retrouver son chiffre d'affaires d'avant-crise en 2023 à 24,5 milliards d'euros, assortie d'un retour à une marge opérationnelle de plus de 12%. En 2020, celle-ci avait fortement reculé à 9%, soit un niveau somme toute remarquable. Le ROCE (ou rentabilité des capitaux investis) devrait être supérieur à 10,5%. Enfin, cerise sur le gâteau pour les investisseurs, Michelin promet un taux de distribution de dividendes de 50%.

Avec ce plan de transformation, Michelin acte une nouvelle page de l'histoire industrielle récente. "Notre environnement concurrentiel a changé, il y a 30 ans, trois manufacturiers se partageaient 60% du marché mondial... Aujourd'hui, il existe 200 fabricants de pneus en Chine", partage un haut cadre du groupe avant d'ajouter que les trois manufacturiers historiques ont perdu énormément de parts de marché sous cette pression concurrentielle "pas toujours équitable". "Mais il y a une prise de conscience environnementale y compris en Chine", observe notre interlocuteur, apercevant une nouvelle opportunité de croissance dans un pays où 90% des clients connaissent la marque Michelin.

Nabil Bourassi

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Commentaires 2
à écrit le 10/04/2021 à 9:09
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que michelin se diversifie ok mais la transformation est un suicide a court therme avec une vente de l'entreprise en pieces detaché encore un pdg qui ne connait rien a l'entreprise

à écrit le 09/04/2021 à 10:27
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Attention, il y a une grosse erreur dans le chapeau. Les activités hors pneus représenteront entre 25% et 30% du CA dans 10 ans, en aucun cas 70% !

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