
C'est un acronyme barbare qui s'est invité dans le débat politique depuis une dizaine de jours : les ZFE pour zones à faibles émissions, des espaces routiers déjà lancés dans les onze plus grandes métropoles françaises, et, au plus tard fin 2024, dans les quarante-trois agglomérations de plus de 150.000 habitants. Et ce afin de limiter la circulation des véhicules les plus polluants au nom de la lutte contre la pollution de l'air.
Une politique publique renforcée par la loi « Climat & Résilience » de 2021 que le groupe Rassemblement national de l'Assemblée nationale veut, purement et simplement, supprimer via une proposition inscrite à l'ordre du jour du 12 janvier.
« Dès le 1er janvier 2025, les véhicules dotés des vignettes Crit'Air 5, 4 et 3, qui représentent 40% du parc automobile actuel, ne pourront accéder à plus d'une quarantaine d'agglomérations. Il convient également de préciser que [les ZFE] impacteront les véhicules ayant passé avec succès le contrôle technique et s'appliqueront à tous y compris à ceux qui n'habitent pas ces zones ou y vont dans le cadre de déplacements professionnels. Ainsi, directement ou indirectement, la quasi‑totalité de nos compatriotes seront concernés par cette mesure », est-il écrit dans l'exposé des motifs de ce texte porté par le député (RN) du Gard, Pierre Meurin.
Des exceptions à la réglementation qui sont déjà légion
Une affirmation qui a fait bondir le cabinet du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. « C'est faux ! », s'est-on exclamé chez Christophe Béchu dans la matinée du 10 janvier. « Ce n'est pas du tout une obligation d'interdire les Crit'Air 3 à cet horizon. Cette obligation ne concernera que les agglomérations en dépassement des seuils européens, c'est-à-dire principalement Paris, Lyon et Marseille », a-t-on ajouté lors d'un « brief » avec la presse.
A date, certes les véhicules essence et diesel non-classés ou étiquetés Crit'Air 4 et 5, soit près 14,4% de la flotte en circulation, ne peuvent plus rouler dans les villes concernées, mais les exceptions à la réglementation nationale sont déjà légion. Prévu par la loi, un décret publié au Journal officiel le 24 décembre précise en outre que les collectivités ne seront pas obligées de mettre en place des zones à faibles émissions dès lors que leurs concentrations moyennes annuelles en dioxyde d'azote seront inférieures ou égales à 10 μg/m3.
Une grande campagne de communication nationale au 2ème trimestre
« Les agglomérations ont jusqu'à mi-2023 pour en faire la demande, mais aucune ne l'a fait jusqu'à présent, et moins d'une dizaine devrait être concernée », a poursuivi l'entourage du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
Lors d'un débat au Sénat dans l'après-midi du 10 janvier, Christophe Béchu lui-même a reconnu un « défaut de pédagogie » et annoncé le lancement d'une grande campagne de communication nationale « au deuxième trimestre 2023 ». « Nous ne voulons pas entraver mais protéger ; toutes les accélérations de calendrier sont des décisions territoriales », a-t-il ensuite martelé à l'adresse du sénateur (LR) des Alpes-Maritimes, Philippe Tabarot, rapporteur du volet « Se déplacer » lors de l'examen de la loi « Climat & Résilience » et à l'origine de cette joute républicaine.
L'objectif des 100.000 points de charge atteint au premier trimestre 2023
Dès la fin octobre 2022, à l'issue d'une réunion avec les élus locaux concernés, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires avait, en outre, annoncé des bonus, des prêts, des primes et des surprimes pour les automobilistes. La garantie de l'Etat pour le prêt à taux zéro de 30.000 euros est « une question de quelques jours », a-t-il répondu à Jacques Fernique, sénateur écologiste du Bas-Rhin. Tous les autres leviers ont été inscrits dans la loi de finances 2023, avant d'être publiés au Journal officiel, assurait, un peu plus tôt dans la journée, son cabinet.
Par exemple, le bonus écologique à l'achat d'un véhicule moins polluant, rehaussé de 6.000 à 7.000 euros, cible ainsi les cinq premiers déciles de revenus, c'est-à-dire les contribuables au revenu fiscal de référence par part inférieur à 14.700 euros. En complément de la prime à la conversion existante de 5.000 euros, la surprime de 1.000 euros est, elle, entrée en vigueur pour tous ceux qui habitent ou travaillent dans une ZFE. L'objectif des 100.000 points de recharge sera, lui, atteint « au premier trimestre 2023 », a dit Christophe Béchu à Joel Guerriau, sénateur Horizons de Loire-Atlantique.
Des enveloppes de 1 à 15 millions pour les édiles
S'agissant des trois groupes de travail promis par le ministre, deux se réuniront le 12 janvier, « jour de nomination du coordinateur interministériel », présenté par son entourage comme l'interlocuteur unique de toutes les parties prenantes. Le premier groupe sur l'harmonisation des règles, orienté vers le transport de marchandises, sera piloté par Anne-Marie Jean, vice-présidente de l'Eurométropole de Strasbourg et spécialiste de la logistique urbaine. Le second sur l'acceptabilité sociale sera, lui, chapeauté par Jean-Luc Moudenc, maire et président de Toulouse Métropole.
D'ici à la fin des travaux de concertation, c'est-à-dire en juin prochain, le fléchage de 150 millions d'euros depuis le « Fonds vert » de 2 milliards d'euros du budget 2023 a également été confirmé par Christophe Béchu à Michel Savin, sénateur (LR) de l'Isère. Les édiles pourront ainsi demander des enveloppes de 1 à 15 millions d'euros auprès des préfets de département pour financer des parkings-relais en entrée ou en sortie de ville, des panneaux de signalisation ou des études d'impact.
Des dispositifs de contrôle confirmés pour le second semestre 2024
Quant aux dispositifs de contrôle, ils ne seront instaurés qu'au second semestre 2024, comme promis par le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. D'abord, l'Etat va assurer « budgétairement et financièrement » le développement de ce nouvel outil, continuer à construire un marché public « en cours », avant de le lancer « dans les prochains mois ». Ce n'est qu'après que les édiles auront « la responsabilité et le pouvoir » d'acquérir et de placer, « où ils le souhaitent », les mécanismes de lecture des plaques d'immatriculation.
In fine, le produit des amendes - 68 euros - sera bel et bien, « rétrocédé » aux villes concernées. Car il y a urgence : rien qu'en 2021, 47.000 Français sont morts du fait des particules fines et des oxydes d'azote, selon Santé publique France.
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