A Strasbourg, un catalogue de dérogations et un recours menacent déjà la ZFE

Avec la loi Climat et Résilience, l’Eurométropole de Strasbourg va interdire tous les véhicules diesel, même plus récents, en 2028. Mais la mise en œuvre de la première phase de sa zone à faibles émissions (ZFE) a été assortie d'une quantité d'exceptions. La mobilisation des acteurs économiques ajoute à la confusion face à des mesures pas toujours comprises par les Strasbourgeois.
L'entrée en vigueur de la zone à faibles émissions n'a pas entraîné de changement des comportements des automobilistes à Strasbourg. Mais elle a généré des craintes, des incompréhensions et la défiance des socio-professionnels.
L'entrée en vigueur de la zone à faibles émissions n'a pas entraîné de changement des comportements des automobilistes à Strasbourg. Mais elle a généré des craintes, des incompréhensions et la défiance des socio-professionnels. (Crédits : Olivier Mirguet)

A Strasbourg, l'entrée en vigueur des premières interdictions de circulation des voitures polluantes n'a pas révolutionné les habitudes des automobilistes. Depuis le 1er janvier, les véhicules démunis de vignette Crit'Air ou classés Crit'Air 5, soit 3 % du parc en circulation, sont légalement exclus de l'agglomération. Mais la mise en œuvre de la première phase de sa zone à faibles émissions (ZFE-m) a été assortie d'une telle quantité d'exceptions et de propositions divergentes jusqu'en 2028 que les automobilistes ont eu du mal à s'y retrouver.

« En théorie, 12.000 salariés ne peuvent plus se rendre au travail depuis le 1er janvier parce que leur voiture n'est plus conforme », déplore Olivier Klotz, président du Medef Alsace. Pour apaiser les esprits, les campagnes de verbalisation n'ont pas été lancées. « Les moyens automatisés par lecture de plaque d'immatriculation ne seront pas déployés avant mi-2024 au plus tôt », a déjà prévenu Pia Imbs, présidente de l'Eurométropole.

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Des dérogations pour presque tous

Sur tout le territoire de l'Eurométrople (33 communes), la ZFE-m prévoit 19 dérogations locales qui s'additionnent aux dérogations nationales (véhicules d'intérêt général, ministère de la Défense, véhicules possédant la carte « mobilité inclusion » ou véhicules de collection) prévues par la loi. Rédigée après concertation avec les acteurs socio-professionnels, la liste strasbourgeoise des dérogations relève d'un inventaire à la Prévert : les véhicules d'approvisionnement des marchés, affectés à la distribution des denrées alimentaires en circuit court, utilisés dans le cadre d'événements ou de manifestations festives, économiques, sportives ou culturelles, restent autorisés, même dépourvus de la vignette Crit'Air. Les véhicules des associations d'utilité publique à but non-lucratif, les camping-cars, les camions-citernes, véhicules frigorifiques, bétonnières, camions bennes, porte-engins, camions-citernes à eau peuvent continuer de rouler. Les poids lourds récents, conformes à la norme Euro 6, pourront circuler jusqu'en 2031. Les véhicules de plus de 2,6 tonnes immatriculés après novembre 2022 bénéficieront de la même dérogation. L'Eurométropole accorde en outre le droit de circuler 24 jours par an à toutes les autres voitures mal classées. Cette dérogation, valable par tranche de 24 heures, s'obtient après déclaration préalable sur un site administré par la collectivité. « Ce dispositif permettra aux habitants, professionnels, visiteurs occasionnels dont le véhicule ne serait pas aux normes d'accéder à l'Eurométropole de façon ponctuelle », justifient les services de la collectivité.

Une autre exception locale, prévue par arrêté, prévoit l'exclusion en 2028 de tous les véhicules diesel y compris les plus récents (Crit'Air 2) dans quatre communes (Holtzheim, Ostwald, Schiltigheim, Strasbourg) administrées par des maires de sensibilité écologiste.

« Comment voulez-vous qu'on s'y retrouve ? Faudra-t-il contourner ces communes quand on ira livrer ? Avec tous ces trous dans le gruyère, ce n'est pas tenable », tonne Jean-Luc Heimburger, président de la chambre de commerce et d'industrie d'Alsace et de l'Eurométropole.

En juillet 2022, le Medef et la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) ont déposé un recours administratif pour obtenir l'annulation de cette disposition. Six mois plus tard, l'administration de l'Eurométropole n'a pas encore réagi. « Le juge a mis en demeure la métropole de nous répondre avant le 7 février », rapporte Sophie Schwendenmann, déléguée générale du Medef Alsace.

Les entreprises consultées

La collectivité avait pourtant anticipé les difficultés des entreprises, en organisant dès la fin de l'année 2021 des groupes de travail thématiques sur la logistique longue distance, les carburants, la mobilité des salariés, l'amortissement des véhicules. « Je sais qu'il n'y aura pas de solutions de transports en commun performantes pour tout le monde », reconnaît déjà Anne-Marie Jean, adjointe à la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian et vice-présidente de l'Eurométropole en charge de l'économie durable. « On ne pourra pas faire rouler des tramways pour ceux qui effectuent des horaires décalés, notamment dans la zone du port du Rhin qui s'étend sur 10 kilomètres du nord au sud », admet l'élue, qui promet une réflexion sur une offre de transport à la demande dans ces zones d'activités économiques.

« En surtransposant à Strasbourg la loi Climat et résilience, l'Eurométropole a défini un objectif politique qui n'est pas tenable », attaque Sophie Schwendenmann. « On fixe des objectifs trop ambitieux et ensuite, on multiplie les dérogations. Pour les professionnels et les entreprises, cela ne va pas dans le bon sens. Nous n'avons ni le matériel disponible, ni les capacités d'avitaillement ».

« Depuis le début, nous avons annoncé des évaluations intermédiaires en 2024 et en 2026, qui pourront conduire à des aménagements de nouvelles mesures d'accompagnement », répond Anne-Marie Jean. « Un quart du parc de véhicules utilisés par les professionnels est déjà compatible avec les exigences de l'échéance 2028 », a observé l'élue.

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Pas d'impact sur les ventes de voitures

« La mise en œuvre de la ZFE n'a pas eu d'impact immédiat sur les ventes de véhicules neufs », a pourtant observé Paul Kroely, à la tête de plusieurs concessions automobiles dans l'agglomération et dans la région, dont Mercedes à Strasbourg. « Les clients gros rouleurs, à partir de 25.000 kilomètres par an, continuent d'acheter du diesel. Ces modèles restent les plus avantageux en termes de consommation. Les clients estiment qu'ils ne rencontreront pas de difficultés à la revente dans trois ans », rapporte Paul Kroely, qui prévoit toutefois un impact négatif de la ZFE sur les petites entreprises. « Les artisans qui roulent très peu devraient bénéficier de dérogations supplémentaires. Avec un diesel, ils ne pourront plus rentrer dans Strasbourg. Avec un véhicule électrique, l'autonomie ne suffira pas. Seuls les grands groupes pourront se permettre d'acheter plusieurs véhicules pour aller partout. Résultat, les petites entreprises vont encore être perdantes ».

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Commentaires 2
à écrit le 10/01/2023 à 21:06
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on incrimine l'automobile .... par contre le tout "numérique" vers lequel on se dirige .... c'est marrant on ne parle pas du tout de pollution et de gaspillage d'énergie ....si nous avions des dirigeants honnêtes et avec un peu de franchise on s'ape...

à écrit le 10/01/2023 à 19:35
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Bonjour , habitant dans la zone de Strasbourg , cette zfe est un non sens total , une usine à gaz , et une gifle directe pour tout ceux qui ne peuvent pas changer de véhicule . J accepterai le système critair quand il sera juste , et mesuré sur le...

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