Renault-Nissan : la justice française émet un mandat d'arrêt international contre Carlos Ghosn

La justice française a délivré un mandat d'arrêt international contre Carlos Ghosn, ancien patron de l'alliance Renault Nissan (RNBV), dans le cadre d'une enquête instruite à Nanterre (Hauts-de-Seine) notamment pour abus de biens sociaux et blanchiment.
(Crédits : MOHAMED AZAKIR)

Nouveau rebondissement dans l'affaire Carlos Ghosn. La justice française a émis des mandats d'arrêt internationaux à l'encontre de Carlos Ghosn et de quatre autres personnes qui auraient aidé l'ancien patron de Renault-Nissan à détourner des millions d'euros, a annoncé jeudi soir le Wall Street Journal (WSJ) dans son édition en ligne, citant des sources au fait de la question. La justice française a délivré un mandat d'arrêt international contre l'ancien patron de l'alliance Renault Nissan dans le cadre d'une enquête instruite à Nanterre (Hauts-de-Seine) notamment pour abus de biens sociaux et blanchiment, a indiqué vendredi le parquet de Nanterre, contacté par l'AFP. Le Franco-Libano-Brésilien, qui devait être jugé à Tokyo pour malversations financières, vit à Beyrouth depuis sa fuite rocambolesque du Japon fin 2019. A Nanterre, les enquêteurs s'intéressent à près de 15 millions d'euros de paiements considérés comme suspects entre RNBV et le distributeur du constructeur automobile français à Oman, Suhail Bahwan Automobiles (SBA). La porte-parole de Carlos Ghosn s'est abstenue de tout commentaire auprès du Wall Street Journal/

Trois magistrats de Nanterre à Beyrouth fin février

Fin février, trois magistrats de Nanterre s'étaient rendus à Beyrouth pour poursuivre leurs investigations. Ce voyage ouvrait aussi la voie à un changement éventuel de statut de Carlos Ghosn puisque la justice française pouvait demander au procureur libanais la "notification des charges" à Carlos Ghosn - l'équivalent d'une mise en examen en France - ou encore prononcer un mandat d'arrêt à son encontre.

Il s'agissait du second déplacement de magistrats français dans cette affaire: en juin dernier, Carlos Ghosn avait été entendu en audition libre pendant cinq jours, pour les enquêtes le visant à Nanterre, mais aussi à Paris, dans le cadre d'une commission rogatoire internationale. A l'issue de cette audition, ses avocats l'avaient dit "heureux" d'avoir pu "expliquer sa position". Il avait toutefois refusé de répondre aux questions basées sur un disque dur, qu'il estime avoir été "volé au Liban par Nissan" et "peut-être modifié", a-t-il déclaré dans une interview au Parisien le 12 février. A l'issue de son audition en juin, ses avocats avaient assuré espérer que leur client obtienne un changement de statut, telle qu'une mise en examen, pour pouvoir soulever la nullité de la procédure à cause.

L'ancien magnat de l'automobile est visé en France par deux procédures judiciaires: à Paris, pour les prestations de conseil conclus par RNBV, filiale néerlandaise incarnant l'alliance Renault-Nissan, avec l'ancienne ministre française de la Justice Rachida Dati et le criminologue Alain Bauer; et à Nanterre, notamment pour abus de biens sociaux et blanchiment. A Nanterre, les enquêteurs s'intéressent vivement à près de 15 millions d'euros de paiements considérés comme suspects entre RNBV et le distributeur du constructeur automobile français à Oman, Suhail Bahwan Automobiles (SBA).

"Ils n'ont pas trouvé un seul flux financier provenant de Renault ou Nissan qui m'incrimine", a récemment rétorqué Carlos Ghosn, au Parisien.

La justice soupçonne également Carlos Ghosn d'avoir tiré un bénéfice personnel d'une convention de mécénat entre Renault et l'établissement qui gère le Château de Versailles, en y organisant deux soirées, ce qu'il conteste.

Âgé de 67 ans et visé par un mandat d'arrêt d'Interpol, l'ancien homme d'affaires, qui a les nationalités libanaise, française et brésilienne, est contraint de rester au Liban depuis sa fuite rocambolesque du Japon en décembre 2019. Il a précisé y donner des cours, à l'université de Beyrouth. Arrêté en novembre 2018 à Tokyo, il avait justifié son évasion en assurant avoir voulu "échapper à l'injustice", dénonçant un "complot" des autorités japonaises. Il a par la suite cosigné un livre "Le temps de la vérité". Plus récemment, il a de nouveau dénoncé plusieurs "coups de poignard". "Le premier coup de poignard est venu des Japonais, mais le coup de poignard mortel a été porté par le gouvernement français et le conseil d'administration de Renault", Renault s'étant constitué partie civile dans ce dossier, a-t-il dit au Parisien.

Nissan demande des dommages-intérêts à Greg Kelly

Cette annonce intervient alors qu'il y a un mois, Nissan a réclamé, selon plusieurs médias japonais 1,4 milliard de yens (10,7 millions d'euros) de dommages-intérêts à Greg Kelly, ancien collaborateur de Carlos Ghosn ayant récemment écopé au Japon de six mois de prison avec sursis pour malversations financières. Ce juriste américain de 65 ans a été condamné début mars par le tribunal de Tokyo à six mois de prison avec sursis, alors que le parquet réclamait deux ans ferme à son encontre.

Les procureurs l'accusaient d'avoir aidé l'ancien président de Renault-Nissan à dissimuler entre 2010 et 2018 aux autorités boursières japonaises un total de 9,1 milliards de yens (environ 70 millions d'euros au cours actuel) de rémunérations différées de la part du constructeur nippon.

M. Kelly qui, comme Carlos Ghosn, clame son innocence depuis le début de l'affaire fin 2018 n'a été déclaré coupable que sur l'exercice 2017/18. Le parquet de Tokyo a fait appel de ce jugement, comme M. Kelly.

Également jugé lors de ce procès, Nissan, qui avait plaidé coupable, a écopé d'une amende de 200 millions de yens (1,5 million d'euros) et n'a pas fait appel.

Greg Kelly avait été arrêté le même jour que Carlos Ghosn à son arrivée à Tokyo en novembre 2018, avant d'être placé en liberté sous caution.

Il s'était brusquement retrouvé en première ligne après la fuite de Carlos Ghosn au Liban fin 2019, avant l'ouverture de leur procès.

Nissan réclame déjà l'équivalent de plusieurs dizaines de millions d'euros de dommages-intérêts à Carlos Ghosn dans une autre procédure au civil à Yokohama "pour le tort et les pertes financières subis par l'entreprise" du fait des "pratiques corrompues" de son ancien patron qui, lui, dénonce depuis le début un complot fabriqué de toute pièce pour le faire tomber.

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Commentaires 5
à écrit le 23/04/2022 à 4:56
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La Tribune peut-elle nous éclairer sur l'avenir d'une entreprise comme Renault sans sa stature et sa taille Ghosn? L'État nation France et l'entreprise Renault multi-nation qui à besoin de marchés mondiaux, est-ce bien compatible ou finalement du bri...

à écrit le 22/04/2022 à 13:29
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La photo est excellente: bravo.

à écrit le 22/04/2022 à 13:21
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La presse nous vendait à la tonne Carlos imperator là ou les gens de la rue étaient plus que septique... encore une magnifique " vision " éclairée des médias.

à écrit le 22/04/2022 à 10:20
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Si même les requins se mangent entre eux, le monde est sur la mauvaise pente. Les sommes incriminées sont tellement ridicules au regard de l'enjeu économique, que cette agitation internationale masque certainement d'autres intérêts plus profonds. L'o...

le 22/04/2022 à 11:51
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@ PAFO , je pense comme vous dans la même analyse , cet homme est exceptionnelle et peut rendre des services à son pays dans la crise à venir banquaire ( la bulle de l'usure) les banqiers se sont donnés à coeur joie et maintenant c'est à nous d'en pa...

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