L'histoire débute dans la carrosserie familiale en banlieue de Caen. En 2013, Monsieur Marie père appelle à la rescousse ses deux filles - Laura, la cadette, agente immobilière, et Lucie, l'aînée, infirmière. L'affaire bat de l'aile. Elle risque de perdre l'agrément d'un assureur qui externalise sa gestion de sinistres, ce qui menace 40% de son chiffre d'affaires. Pour conserver le précieux sésame, le garage se voit imposer des conditions tarifaires plus sévères. De quoi lester un bilan déjà déficitaire. Pour les sœurs âgées d'à peine plus de vingt ans à l'époque, c'est une douche froide.
« À ce stade, nous n'avions que deux options, soit quémander des agréments auprès d'autres compagnies d'assurance, soit nous réinventer pour redonner de la valeur à notre travail », raconte Laura.
Une pierre dans le jardin des assureurs
De cette mésaventure, naît l'idée de se passer des agréments des assureurs que les deux jeunes femmes accusent d'avoir « tué le métier ». Elles pensent possible de regagner les marges que les compagnies ont raboté au fil du temps contre la promesse d'un gros volume d'affaires aux carrossiers agréés.
« Les tarifs qu'imposent les assureurs plafonnent autour de 40 euros de l'heure, alors qu'une juste rémunération tourne autour de 70 euros de l'heure », s'insurge l'aînée.
Le garage familial coupe donc les ponts pour redevenir indépendant.
Par chance, au même moment, la loi Hamon de 2014 confirme la règle non écrite qui veut que les assurés soient libres de recourir aux réparateurs de leur choix. Pour autant, nos entrepreneuses se trouvent face à un écueil de taille : comment, sans agrément, convaincre les automobilistes de leur confier leur véhicule accidenté ?
À force de calculs, elles trouvent la parade. Le garage sacrifiera environ 10% de ses marges retrouvées pour « consentir des cadeaux » à ses clients. Il leur remboursera tout ou partie de leur franchise ou, à défaut, leur offrira une carte carburant pouvant atteindre 250 euros. Bien vu.
Démarrage sur les chapeaux de roues
Le modèle testé in situ rencontre un succès immédiat. Au bout d'un an, l'entreprise familiale, rebaptisée Zecarrossery pour plus de visibilité, est remise en selle au prix d'un vigoureux effort de communication digitale. « Nous avons gagné sur tous les plans : plus de clients, plus de notoriété, plus de trésorerie, plus de bénéfices et plus de plaisir à faire notre métier », constate Laura. En 2016, sollicitées par d'autres carrossiers séduits par leur recette, les sœurs Marie franchissent une nouvelle étape en proposant leur concept sous licence de marque. Le réseau est né.
Six ans plus tard, 85 garages ont rejoint l'enseigne. Laquelle assume le marketing et le déploiement de logiciels moyennant un droit d'entrée compris entre 3.000 et 6.000 euros auquel s'ajoute un forfait mensuel. Outre le remboursement de la franchise, le réseau promet une qualité de service impeccable. Pour l'ancienne agente immobilière, son succès en dépend. « Etre indépendant des assureurs oblige les adhérents à construire eux-mêmes leur clientèle et leur notoriété. Ils n'ont donc pas d'autre choix que de faire de l'excellent travail », détaille-t-elle. Pendant ce temps, les « carrossœurs » négocient un nouveau virage.
L'offre de services s'étoffe
Depuis quelques mois, une seconde marque de réparation de vitrage (Zepare-brise, forte de 35 adhérents) a rejoint la première en usant des mêmes recettes. Avec pour ambition de regagner les clients perdus par les garagistes indépendants au profit des spécialistes Carglass et consorts. Côté cour, la maison mère du réseau vient de poser la première pierre d'un futur centre de formation dans la banlieue caennaise. Sa vocation ? Former les artisans carrossiers à la réparation des nouvelles générations de véhicules bardées de capteurs.
Son ouverture programmée l'an prochain tombera à point nommé. Il y a peu, une grande compagnie d'assurance a blacklisté les adhérents Zecarrossery de l'un des établissements de formation dont elle est actionnaire. Pas de quoi pousser Laura Marie à lever le pied.
« Quelques-uns essaient de nous barrer la route de plusieurs manières, mais cela ne nous freinera pas », prévient-elle. On est tenté de la croire sur parole.
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