En région parisienne, le coworking entre en gare

Veuillez-vous éloigner de la bordure du quai s’il vous plaît : le train du coworking entre en gare. Il sera sans arrêt jusqu’à la révolution de l’immobilier de bureaux.
César Armand
La gare-cathédrale de 3.000 m² Saint-Omer accueille 300 m² de coworking et de fablab.
La gare-cathédrale de 3.000 m² Saint-Omer accueille 300 m² de coworking et de fablab. (Crédits : ®CAPSO)

L'Ardèche, l'Aveyron, le Calvados, la Creuse, la Dordogne, les Hautes-Pyrénées, l'Hérault, l'Indre, l'Orne, la Manche, la Moselle, les Pyrénées-Atlantiques, le Vaucluse et les Vosges comptent plus de gares fermées qu'en fonction, relève un rapport de l'Institut Sapiens de novembre sur la ''santé territoriale''. "La réanimation de ces endroits de proximité est primordiale pour recréer de l'activité économique et du tissu social", écrivent les auteurs de cette étude.

Lire aussi : La Station, à Saint-Omer, une locomotive !

200 sites de microworking en Île-de-France

Pourtant, le refrain du coworking est si connu qu'il pourrait résonner dans les hauts-parleurs de la SNCF : il réduit les temps de déplacement des salariés, augmente leur efficacité et désature les transports en commun. Depuis 2016 et sans aucun retard au départ, la locomotive du microworking rafle la mise, avec déjà 200 sites financés à 100% par l'autorité organisatrice de transports Île-de-France Mobilités. Sous la marque Work & Station, des espaces de 2 à 50 mètres carrés, gratuits et accessibles à tous, se déploient : du kit XS qui se résume à une multiprise au kit L avec des tables hautes, des fauteuils voire une bibliothèque.

"Pour rendre l'attente confortable et permettre de travailler sur le pouce quelques minutes en attendant son train, un mobilier adapté à différentes superficies de microworking a été conçu", souligne la directrice de l'expérience client et des services en gare de Gares & Connexions Carole Tabourot.

"On en voit fleurir mais ça reste assez spartiate", estime pour sa part Philippe Morel, de Dynamic Workplace, qui conseille les entreprises sur le coworking. "Il y a des tables et des chaises mais ce ne sont pas forcément des lieux conviviaux."
Carole Tabourot s'en défend :"Une nouvelle gamme de mobilier fournira bientôt encore plus de confort pour nos voyageurs."

Quand coworking rime avec proworking ou corpoworking...

Les wagons du coworking mesurent, eux, entre 70 et 250 mètres carrés et sont loués à des gestionnaires de bureaux via une convention d'occupation temporaire de maximum dix ans et une redevance. En échange, le porteur de projet doit réaliser des travaux de décoration, acheter son mobilier et louer les surfaces disponibles à des entrepreneurs, à des startuppeurs ou à des télétravailleurs.

Dans ce domaine, la concurrence est rude. La filiale d'Accor et de Bouygues, Wojo (ex-Nextdoor), propose des corners ou des spots, plus petits, dans les hôtels à proximité des gares. Idem avec la foncière Covivio et sa propre marque Wellio qui détient 5.000 m² de proworking en face de Paris-Lyon. Dans la jungle des concepts, figure encore le corpoworking, des postes de travail internes au groupe BNP Paribas à réserver via l'application Be Nomad.

"Le temps du déplacement n'est désormais plus un temps mort mais est devenu un temps de travail comme les autres", confirme Virgine Houzé, directrice des études et des recherches chez JLL, conseil en immobilier d'entreprise.
"Qui ne s'est jamais retrouvé en rade l'ordinateur sur les genoux avec le téléphone déchargé ?" renchérit son homologue chez Cushman & Wakefield Magali Marton. "D'autant que l'entreprise aime bien maîtriser le cadre de son salarié, quel que soit l'endroit."

380 tiers-lieux dans les gares franciliennes

En réalité, la solution viendra sans doute des 380 tiers-lieux prévus dans l'ensemble des gares franciliennes. Il s'agit de pièces vacantes, souvent les premiers étages, synonymes d'anciens logements du personnel. Le premier, un bâtiment de 1.100 m² sur deux étages, sera inauguré à Brunoy (Essonne) le 20 décembre prochain. Devraient suivre Poissy (Yvelines), Houilles-Carrières (idem) et Saint-Michel-sur-Orge (Essonne). Un appel à manifestation d'intérêt pour une vingtaine d'autres sites sera également bientôt lancé.

Le promoteur Série Flex, filiale du groupe Hoche et de Pitch Promotion, ne possède pas le foncier mais a signé des conventions d'occupation temporaire de 40 ans.

"Les groupements candidats ont testé plusieurs modèles économiques, mais le niveau relativement bas de location des espaces ne permettait pas à l'investisseur d'amortir intégralement ses investissements", relève Jacques Peynot, directeur des gares Île-de-France chez Gares & Connexions. ''Ils ont enfin trouvé le bon modèle en optimisant les coûts de construction", en l'occurrence la construction hors-site.

Le directeur délégué du groupe Hoche, Frédéric Perdriau, y trouve un intérêt économique primordial : "Cela nous permet d'étendre notre prospection foncière en dehors des grandes villes et d'équilibrer financièrement nos opérations", assure-t-il. Avec Pitch Promotion, il joue le rôle d'investisseur pour les deux premiers sites Stop & Work, elle-même branche de Regus, d'Orange et de la Caisse des Dépôts.

Il ne suffit pas de déployer cette typologie d'espaces dans les gares, il faut poursuivre l'effort dans les trains eux-mêmes. "Dans toutes les études que nous réalisons, ce n'est pas la durée qui compte mais la qualité du temps de transport", insiste Philippe Morel de Dynamic Workplace. Par exemple, de la connectivité à tous les étages, même dans le métro, sachant que 90 à 95% des voyageurs ont le nez collé à leur écran."Cela prépare en effet le collaborateur à arriver dans de bonnes conditions sur son lieu de travail et contribue à améliorer la qualité de sa journée", poursuit-il.

Lire aussi : Travailler autrement, est-ce travailler mieux ?

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ENCADRÉ

Les exemples de la gare du Nord et de la gare Montparnasse

Avec 250 millions de voyageurs par an, Paris-Nord est la première gare de France et d'Europe. Depuis deux ans, la société de coworking Regus y administre l'espace Grands Voyageurs équipé de ports USB et de prises et traversé par 1.000 passagers quotidiennement.

Elle y gère aussi un centre d'affaires de 80 bureaux privatisés, pour lesquels des entreprises abonnent leurs salariés pour 89 euros par mois sur des durées allant d'un à trois ans. Avec ce service, ils peuvent également accéder aux 3.500 espaces du groupe, y compris ceux situés dans les gares d'Amiens, d'Amsterdam, de Bruxelles Midi ou de Lille Flandres, desservies par la gare du Nord.

« 54% de nos clients passent trois jours par semaine en dehors de leur site principal », explique son directeur général Christophe Burckart. « Les gares constituent un excellent levier de croissance. Avec la possibilité de se restaurer ou de se faire ses courses, on casse les silos et on appartient à un écosystème. »

Au sud de la capitale, Multiburo vient, elle, de prendre possession de 1.600 mètres carrés de locaux gare Montparnasse (55 millions de voyageurs annuels). Présente gare de Lyon depuis 2004 et à Saint-Lazare depuis l'an dernier, la PME lyonnaise y a installé 35 espaces de bureaux, 30 places de coworking, 11 salles de réunion, trois ''bulles'', une salle d'exposition-bibliothèque ainsi qu'une salle de créativité.

La directrice générale Stéphanie Auxenfants mise en outre sur ses services d'assistance administrative pour attirer de nouveaux clients. Elle prend en effet les appels, grâce à un logiciel qui affiche le nom des entreprises hébergées, réceptionne le courrier et les recommandés et peut écrire des rapports. Elle parie aussi sur les primes des métropoles pour le coworking. Ainsi, la région de Bruxelles-Capitale, où règne la voiture de fonction, offre 450 euros par an pour désengorger les routes. Cela tombe bien : en périphérie de la capitale belge, dix jours de coworking par mois coûtent 180 euros.

Lire aussi : Coworking : Multiburo, IWG et WeWork, trois modèles économiques différents

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 04/12/2019 à 18:00
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Dans "cow" il y'a vache ... voir à lait .... slaughterhouse . Méfiance !

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