Crise des matériaux de construction : le gouvernement et le bâtiment vont-ils s'entendre ?

Malgré une réunion entre les professionnels du BTP et les ministres de l'Economie et du Logement pour dénouer le problème de l'approvisionnement en matières premières, le président de la fédération française du bâtiment juge "insuffisant" les premières mesures annoncées. Le projet de loi de finances rectificative pour 2021 pourra-t-il mettre tout le monde d'accord ? Réponse avant l'été.
César Armand
(Crédits : Reuters:Benoit Tessier)

Drôle d'ambiance à Bercy le 14 juin dernier. A peine la réunion terminée entre le gouvernement et les industriels du BTP sur les difficultés d'approvisionnement en matériaux de construction que le président de la fédération française du bâtiment (FFB)  lâche à La Tribune : "Je pars le premier et ça veut tout dire". Visiblement énervé, Olivier Salleron refuse d'en dire davantage et quitte l'Hôtel des ministres sans même prendre le temps d'écouter le point presse des ministres concernés, à la différence de ses confrères et consœurs qui restent dans le hall.

La crise des matériaux du bâtiment s'explique par la flambée du coût des matières premières, entre une faible production en 2020 - Covid oblige - et une forte demande en 2021 du fait de la reprise économique, souligne le ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire. Avant d'annoncer trois décisions : l'envoi d'une circulaire à tous les acheteurs de l'Etat pour ne pas appliquer de pénalités de retard aux TPE-PME du BTP, la création d'un "comité de crise" pour faire remonter les "comportements anormaux" sous la houlette du médiateur des entreprises Pierre Pellouzet et l'instauration d'une "médiation de filière" pour amortir ce choc.

Une réunion "amicale et constructive" pour le gouvernement

A écouter le patron de Bercy - pour qui cela a été "une réunion extrêmement amicale et constructive où nous étudions toutes les propositions des acteurs de la filière" -  ces trois mesures semblent bien acceptées par les professionnels du secteur. Sa collègue ministre du Logement Emmanuelle Wargon assure que "les relations avec la Fédération française du bâtiment sont régulières et positives".

Il n'empêche: ce 22 juin 2021, le président de la FFB Olivier Salleron confirme à La Tribune être "parti d'un pas décidé" la semaine dernière car "déterminé à ce que ce choc plus grave que la Covid soit amorti. "Le bâtiment a montré a sa résilience alors qu'il n'a pas eu de plan de relance spécifique", dit-il encore. Il en oublierait presque le déblocage de 6,7 milliards pour la rénovation et d'1 milliard pour la construction neuve...

"Insuffisant" rétorque le patron du bâtiment

"La réunion s'est très bien passée mais cela reste totalement insuffisant", ajoute le patron du bâtiment. Il maintient ainsi que 20 à 30% des chantiers pourraient être suspendus à cause de cette crise des matériaux de construction, alors que le ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance considère qu'il faut "beaucoup de retenue sur les chiffres".

Olivier Salleron demande qu'en cas de rupture d'approvisionnement, l'Etat prenne en charge l'intégralité de l'activité partielle des salariés, comme du temps de la crise sanitaire, mais là encore Bruno Le Maire juge que cette dernière doit être réservée "à l'arrêt ou à la fermeture d'entreprises".

Malgré ces divergences, les deux parties continuent à discuter. "Les rendez-vous sont redevenus de plus en plus réguliers", déclare le président de la fédération française du bâtiment ce 22 juin. Aussi espère-t-il désormais peser sur le projet de loi de finances rectificative 2021 (PLFR2021) au cours d'examen au Parlement.

Par exemple, il demande d'imputer le déficit de l'exercice en cours sur les résultats positifs des années n-1, n-2 et n-3 sous forme de crédit d'impôt à "verser immédiatement". Le patron du de la FFB ne s'arrête pas là et espère aussi un crédit d'impôt proportionnel au poste "achat de matériaux" des entreprises. S'il veut être entendu, il doit transmettre ses amendements aux sénateurs, le PLFR2021 ayant déjà été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

Outre l'exécutif et le Parlement, Olivier Salleron souhaite un "accompagnement plus fort" de la part de ses fournisseurs.afin de partager "le risque et le choc sur les marges". Sollicités par La Tribune, aucun d'entre eux n'a souhaité s'exprimer à l'exception de Fabio Rinaldi, président de BigMat. Si ce dernier affirme être "obligé de répercuter les prix des matières premières" sur ses clients, il témoigne aussi de quotas qui lui sont imposés par les producteurs. ""La plaque de plâtre, qui est la baguette de pain du BTP, est normalement livrée en une semaine à dix à jours. Aujourd'hui, il faut un délai de 7 à 9 semaines. C'est complètement dingue !", affirme-t-il.

Si le gouvernement et les professionnels du bâtiment veulent s'entendre, ils ont intérêt à trouver des solutions par le haut. Le cas échéant, ce secteur, qui pèse au total 15% du PIB et 2 millions d'emplois avec celui des travaux publics, aura en outre du mal à appliquer la nouvelle réglementation environnementale dite "RE2020".

Censée entrée en vigueur le 1er janvier 2022, elle encourage le recours aux matériaux biosourcés type bois, géosourcés comme la pierre de taille, et aux matériaux plus usuels comme la brique et le béton qui se seront décarbonés ainsi que l'introduction de davantage de mixité de matériaux. Encore faudra-il que les matières premières soient au rendez-vous et ne partent pas aux acheteurs internationaux les plus offrants...

César Armand

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