"Ici, nous construirons pour de vrai ! " : le port de Nantes-Saint-Nazaire mise sur l’éolien off-shore

Dépendant à 70% des énergies fossiles, le Grand Port Maritime de Nantes-Saint-Nazaire se cherche un nouveau modèle économique. Entre reconversion et transition écologique, le chemin passe par un équipement, hors normes, sans équivalent en France, pour accompagner le déploiement des champs éoliens off-shore.
Le Grand Port Maritime de Nantes-Saint-Nazaire ambitionne d'investir 100 à 150 millions d'euros pour se doter, à l'horizon 2026, d'une base d'intégration capable d'accompagner le développement de la filière de l'éolien off-shore en France.
Le Grand Port Maritime de Nantes-Saint-Nazaire ambitionne d'investir 100 à 150 millions d'euros pour se doter, à l'horizon 2026, d'une base d'intégration capable d'accompagner le développement de la filière de l'éolien off-shore en France. (Crédits : GPMNSN)

« Ici, nous croyons aux énergies marines renouvelables (EMR) et à l'off-shore. Nous serons, cet été, le premier site français à accueillir le premier champ d'éoliennes en mer. Et ici, nous les construisons pour de vrai !», martèle David Samzun, maire de Saint-Nazaire et vice-président du conseil de surveillance du Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire.

Pour lui, dans ce bastion de la construction navale, capitale mondiale des « géants des mers » qui accouchera bientôt du premier paquebot à gaz, l'enjeu est là : avec une industrie support de la transition écologique au service de l'accompagnement des filières EMR et de l'éolien off-shore en France.

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Le Grand Port de Nantes-Saint-Nazaire vient d'ailleurs de lancer une étude pour la construction d'une base d'intégration industrielle de cinq à six cents mètres de long, réunissant des moyens de levage exceptionnels, capables de lever des colis de 700 à 800 tonnes, à cent mètres de hauteur...

« Un équipement hors normes, comme on peut en voir au Japon ou aux Etats-Unis et qui se comptent sur les doigts des mains dans le monde. Aucun des ports de l'Arc Atlantique n'est aujourd'hui équipé, c'est donc un investissement à faire», justifie Olivier Trétout, directeur général du Grand Port Maritime de Nantes-Saint-Nazaire (GPMNSN).

L'investissement porterait sur 100 à 150 millions d'euros pour une mise en service à l'horizon 2026. Ce projet pourrait permettre à l'établissement portuaire de devenir L'Ecoport National du Grand Ouest comme l'ambitionne le projet stratégique 2021-2026, adopté en décembre dernier.

La fin d'un modèle

Au-delà, de cette diversification d'activité, à l'aune de la transition écologique, c'est tout le modèle portuaire qui doit être restructuré. Un modèle, bâti depuis cinquante ans autour du pétrole, du gaz et du charbon, aujourd'hui, tributaire à 70% des énergies fossiles, et fragilisé par le réchauffement climatique, la transition écologique et la compétition internationale.

« On ne peut se cacher la vérité, ce n'est pas simple », admet Christèle Morançais, Présidente de la région des Pays de la Loire et présidente du conseil de surveillance du Grand Port, dont « les ressources - fossiles - seront remises en cause au cours des dix ou vingt prochaines années », observe Olivier Trétout.

En 2021, déjà, le trafic portuaire, (19 millions de tonnes) est revenu au niveau des années quatre-vingt. « C'est un avertissement ! Nous devons vérifier le modèle économique», ne cache pas Olivier Trétout, même si un rebond est attendu en 2022 avec l'objectif de revenir à 32 millions de tonnes et que le recul est en grande partie imputable à l'arrêt « conjoncturel » de la raffinerie Total Energie depuis novembre 2020, et aux tensions survenues sur le marché international du GNL (Gaz Naturel Liquéfie).

Les hydrocarbures ont accusé une baisse de 62% par rapport à 2020. Si cette même année, l'embellie du trafic gazier avait permis de juguler les effets de la pandémie, en 2021, le terminal méthanier (Elengy) n'a, cette fois, enregistré que 78 escales de navires contre 127 l'année précédente. Moitié moins d'opérations de transbordements ont également été réalisées. Au final, le trafic de gaz naturel a chuté de 40%.

Quid des 3O hectares de Cordemais

Sollicitée depuis l'automne dernier pour assurer la sécurité de l'approvisionnement en électricité du Grand Ouest, la centrale thermique d'EDF à Cordemais, a vu ses approvisionnement passés de 200.000 à 800.000 tonnes. Même si l'arrêt de celle-ci, initialement programmée pour 2022, a finalement été reportée 2024 par le ministère de la transition écologique en juillet dernier « pour subvenir aux besoins du Grand Ouest », fondamentalement, il faudra trouver autre chose.

«Faut-il relancer le projet Ecocombust (1)- abandonné l'été dernier par EDF et le gouvernement, y accueillir les mini centrales nucléaires SMR en kit, un lieu dédié aux métaux rares, y développer des projets liées à l'hydrogène ou autres, toutes les solutions doivent être étudiées pour une reconversion du site, mais ce qui nous manque, c'est de la visibilité », indique Christèle Morançais.

L'élue s'était prononcée la première pour accueillir les fameux SMR, suite à l'annonce d'Emmanuel Macron et se dit favorable au développement d'un mix énergétique pour réindustrialiser les 30 hectares de Cordemais.

Elargir l'hinterland et créer des alliances

La volatilité des trafics a révélé la fragilité de l'acteur portuaire. Tout en retrouvant le niveau d'avant la crise, les trafics agroalimentaires ont eux aussi été en baisse par rapport à 2020. Tout comme les conteneurs, en recul -8,7%. Le trafic roulier a progressé de 4,4% mais reste loin de l'activité d'avant la crise, en raison de l'impact du secteur aéronautique.

Seuls les vracs solides portés le BTP et le recyclage sont en croissance (+20% sur le sable de mer, +21% sur le ciment...). Bref, ça ne tourne pas très rond pour celui qui veut être la vitrine des enjeux économiques et écologiques du territoire.

« Nous sommes face à des enjeux sociétaux, économiques et environnementaux et à une vive concurrence des ports du nord de l'Europe avec qui nous discutons, comme nous avons besoin d'échanger avec nos voisins bretons et de Nouvelle Aquitaine pour créer des alliances, élargir l'hinterland pour capter davantage de conteneurs et gagner en visibilité», rappelle la présidente de région

Elle veut convaincre les entreprises réticentes de transiter par un port, à qui certaines reprochent un « manque de fiabilité ». Pour cela, le port de commerce, étendu sur 2.700 hectares dont 1200 d'espaces naturels, qui dispose d'un foncier de 200 hectares à Montoir de Bretagne et quelques dizaines à Nantes entend développer un ensemble d'espaces de stockage et d'entrepôts frigorifiques pour satisfaire aux exigences des entreprises exportatrices.

Il vient d'ailleurs d'achever dans deux espaces de stockage de 3.000 m² à Montoir pour accompagner le stockage et le pré-assemblage de modules et de nacelles d'éoliennes de General Electric. Un investissement qui sera suivi par une autre plateforme logistique 15.000 m².

Des renforts pour accompagner la transition énergétique et écologique

En 2022, le GPMNSN prévoit d'investir 41 millions d'euros pour poursuivre sa modernisation et développer de nouvelles solutions, « Plug & Play » et personnalisées pour les industriels de manière à limiter leurs coûts de transports et leur empreinte carbone.

Signe des besoins grandissants, le quatrième port français, premier port de la façade Atlantique, a singulièrement réorganisé et renforcé ses effectifs. Cinquante-trois postes ont été ouvert dont 36% pour la mobilité interne. Le reste fait appel à des compétences extérieurs venues d'horizons très divers (Port de Dunkerque, Ernst &Young, Hop, Idea group, port de la Ciotat...).

Au lendemain de l'ouverture d'une première station au bioGNV (gaz naturel pour les véhicules) en juillet dernier pour réduire l'émission de gaz à effets de serre et de l'appel à manifestation d'intérêt destiné à valoriser son foncier dans le cadre de l'évolution de son modèle économique, le port a confié neuf hectares à Engie qui, d'ici la fin de l'année, installera deux centrales photovoltaïques au sol. Parallèlement, le port a confié une mission d'audit écologique à l'association France Nature Environnement qui devrait faire émerger le bilan carbone du port de Nantes-Saint-Nazaire. De quoi ajuster les curseurs.

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Commentaires 2
à écrit le 02/02/2022 à 8:08
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Port marchand on se doute que le lobby de la pèche doit y être moins implanté permettant ainsi d’envisager de déployer des éoliennes offshore, ou bien ils sont plus évolués dans la région. "qui accouchera bientôt du premier paquebot à gaz" Par contre...

le 02/02/2022 à 15:38
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"interdire toutes les marchandises débarquant dans les ports français en porte containers". On décharge les bateaux comment, avec un sac sur le dos ? Ça va créer de l'emploi en tout cas. à moins que les containers se contentent de rentrer par les por...

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