Maritime : le port du Havre profite de l'engorgement de son rival d'Anvers, mais pour combien du temps ?

Après l’annus horribilis de 2020, Haropa, l’établissement public des ports de la Seine (Le Havre, Rouen, Paris) a vu son trafic maritime se redresser notamment sur le segment des conteneurs. Une partie des armateurs s’est détournée des terminaux embolisés d’Anvers au profit du Havre. Reste à les fidéliser.
Le trafic maritime des conteneurs a augmenté de 28% en 2021 au Havre quand il a très légèrement reculé à Anvers (-0,1%)
Le trafic maritime des conteneurs a augmenté de 28% en 2021 au Havre quand il a très légèrement reculé à Anvers (-0,1%) (Crédits : Haropa)

C'est un premier exercice sinon ébouriffant, du moins encourageant. Placé sur les fonts baptismaux en janvier et opérationnel depuis le mois de juin, le jeune groupement des ports de la Seine, Haropa (Le Havre, Rouen, Paris), a enregistré une augmentation de 12% de son trafic maritime (à 84 million de tonnes) en 2021. « C'est la plus forte hausse de la rangée Nord » soulignent ses dirigeants ce qui n'est pas faux. L'embellie la plus notable concerne l'activité -lucrative- des conteneurs (+ 28%) qui a franchi pour la première fois le cap des trois millions de « boîtes » dépassant ainsi le précédent record de 2018. « Ces bons résultats valident la pertinence du modèle. L'ensemble portuaire dispose maintenant de la bonne taille critique », en déduit Daniel Havis.

Le malheur des Belges...

Ce que le président du Conseil de surveillance ne dit pas, c'est que cette amélioration découle pour une bonne part des difficultés qu'a rencontré le port d'Anvers pour absorber un flux de conteneurs d'une ampleur inédite. Ses terminaux embolisés -à quoi il faut ajouter les défections des personnels touchés par le coronavirus- se sont trouvés saturés. D'où le déport d'un certain nombre d'armements vers Le Havre où le passage était plus fluide. En d'autres termes, le port normand a fait office d'alternative. Toute la question est maintenant de savoir si les compagnies maritimes lui resteront fidèles une fois passés les effets de la pandémie. Autrement dit, si l'avoir essayé peut conduire à l'adopter. C'est ce que veut croire Stéphane Raison, patron d'Haropa. « Le retour des armateurs vis à vis du service du Havre a été très positif » assure t-il.

La marque de confiance de MSC

Si l'intéressé s'autorise à être « prudent mais optimiste », c'est qu'il vient de recevoir une bonne nouvelle en provenance du premier armateur mondial : l'italo-suisse MSC. Et plus précisément de sa filiale spécialisée dans la manutention, T-I-L. Après avoir racheté la totalité des parts de deux sociétés de manutention opérant sur Port 2000 au Havre, Terminal Investment Limited a annoncé son intention d'investir puissamment pour moderniser ses installations de chargement et de déchargement. Le but ? Donner les moyens à ses terminaux d'accueillir les gigantesques porte-conteneurs (24.000 EVP de capacité et 400 mètres de long) commandés par les grandes alliances maritimes mondiales.

« La confiance que manifeste MSC est un signal éminemment important pour la place du Havre », commente Stéphane Raison qui cite aussi, en guise de marque de confiance, la poussée des investissements privés logistiques et industriels le long du fleuve « en croissance de plus 50 millions en 2021 et qui seront portés à 550 millions en 2022 (versus 240 en 2020 ndlr) ».

Lire aussi 8 mnHaropa : « Je ne me satisfais pas que la moitié du trafic conteneur français passe par les ports étrangers » (Stéphane Raison, président du directoire)

La pente est rude

Cela suffira t-il à Haropa pour regagner du terrain sur ses concurrents de la rangée Nord ? La marche est haute. Dernier des grands ports de cette façade maritime, il fait encore figure de petit joueur avec 6,7% des parts sur le marché du conteneur contre près de 35 pour Rotterdam et plus de 27 pour Anvers. Bien qu'étant le premier port touché par les marchandises en provenance d'Asie, Le Havre peine à le faire valoir malgré une légère augmentation des importations cette année. A titre d'exemple, rappelons que l'énorme marché de Rungis est approvisionné pour la plus grande part par ses rivaux belges et néerlandais. En cause, un hinterland étriqué trop circonscrit à l'Ile-de-France et une desserte multimodale très imparfaite où le camion se taille la part du lion. Le nouvel ensemble portuaire  devra en outre se désintoxiquer des trafics pétroliers appelés à décroître inexorablement comme en atteste l'arrêt du raffinage décidé par Total à Grandpuits (Seine-et-Marne) et acté avant Noël.

L'investissement public à la rescousse

Dans ces conditions, le milliard et demi d'investissement annoncé par Jean Castex pour la période 2021/2027 sur les ports de l'axe Seine ne sera pas de trop. Si les engagements sont tenus, un cinquième de cette enveloppe devrait être dépensé cette année. Premières priorités : l'augmentation des capacités de traitement des marchandises et le développement du transport par barge barge avec notamment le début des aménagements du port fluvial d'Achères (dit Port Seine Métropole Ouest), l'extension des quais de Port 2000 au Havre ou la modernisation du terminal de Radicatel à Rouen.

Haropa promet également d'accélérer la transition énergétique de ses installations avec en particulier la poursuite de l''électrification des quais (pour freiner le recours à la motorisation thermique lors des escales), l'accompagnement des usages de l'hydrogène mais surtout le projet « Carbone Capture » mené avec les cinq plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de la vallée de Seine (Air Liquide, Total, Exxon Mobil, Yara, Borealis). Objectif : capter et exporter depuis Le Havre 1,3 million de tonnes de CO2 d'ici 2027 puis 7,7 millions à horizon 2040 en y associant d'autres entreprises de l'axe. « La transformation du modèle des ports historiquement basés sur les recettes liées aux énergies fossiles est inéluctable » rappelle fort justement Stéphane Raison. Reste à bien négocier le virage.

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Commentaires 5
à écrit le 01/02/2022 à 19:21
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Bravo au port du Havre certainement le début d'une grande histoire

à écrit le 01/02/2022 à 2:12
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Va t'on transformer l'essai ,par un service irréprochable ou cela va t'il se transformer comme d'habitude en eau de boudin administrative ou sociale ?

à écrit le 01/02/2022 à 0:14
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La CGT docker va vite décourager les armateurs !

à écrit le 31/01/2022 à 22:21
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Meme les belges ont moins d impots que la France. Bravo. Les chiffres parlent d eux-memes. 0,1 % du traffic d anvers represente 28% du traffic du Havre. donc 0,4% du traffic d Anvers represente la totalite du traffic du Havre. On est tombe bien bas....

à écrit le 31/01/2022 à 21:20
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Connaissez-vous l'affaire "Koren" ? Comment les corrumpus du port de la Havre ont bloque l'arrive d'un societe de remorquage Neerlandais? Un port a eviter.

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