Immobilier : les résidences gérées, une arme à double tranchant pour décrocher un permis de construire

Trois ans jour pour jour après le premier tour des élections municipales 2020, les résidences seniors, étudiantes, de tourisme... apparaissent comme le nouvel eldorado des promoteurs immobiliers. Faut-il encore convaincre les maires ? Ces nouvelles formes de logement suscitent-elles l'appétit des investisseurs ? Explications.
César Armand
(Crédits : Colonies)

Alors que le logement post-Covid peine à sortir de terre trois ans après le premier confinement national, l'immobilier géré tire son épingle du jeu. Avant l'ouverture officielle, le 14 mars, du Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim), les résidences étudiantes, seniors - à ne pas confondre avec les EHPAD -, de tourisme... ont eu droit à leur propre journée, le 13, au Palais des Festivals de Cannes. Et pour cause : les ventes, au détail et en bloc, de ces formes d'habitat avoisineraient les 20.000 unités en 2022, selon les données de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) transmises à La Tribune.

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 Le nouvel eldorado des promoteurs immobiliers ?

Au regard des résultats annuels annoncés ici et là, ce produit immobilier apparaît comme le nouvel eldorado des professionnels du logement neuf. Premier à présenter son bilan 2022 le 31 janvier dernier, le groupe Kaufman & Broad - numéro 3 du secteur - a fait savoir que les résidences gérées représentaient 25% de son volume de ventes. Suivi de près par le directeur financier du groupe Vinci, Christian Labeyrie, qui a témoigné, le 9 février, de « la forte demande » et de « la montée en puissance » de ces logements avec 37 résidences en exploitation et 22 en cours de travaux. Ou encore Véronique Bédague le 23 février. Si la Pdg de Nexity a décidé de se « recentrer sur le marché français », elle s'est dite prête à « bouger » dans ce domaine, d'autant que sa branche services a affiché un chiffre d'affaires en hausse de 10%.

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 « La résidence étudiante et le coliving offrent une solution d'hébergement après le lycée (résidence étudiante) et pendant la vie professionnelle (coliving). La résidence senior finalise ce parcours résidentiel pour les habitants de la commune qui vont trouver une offre mieux adaptée à leurs nouveaux besoins notamment de sociabilisation et de sécurisation. Le senior consomme beaucoup de services de proximité, mais il faut aussi sensibiliser les élus aux résidences étudiantes. Seuls 6% des étudiants y sont logés en France », analyse Florence Semelin, directrice du résidentiel chez JLL, conseil en immobilier d'entreprise.

Elle ne croit pas si bien dire. Les maires ont tendance à voir les étudiants « comme des habitants non-pérennes » contrairement aux familles, et par conséquent « pas forcément des électeurs », pointe Arnaud Guennoc, directeur général d'AG Real Estate France chargé de la promotion immobilière. « Les étudiants peuvent être perçus potentiellement comme une source de nuisances, tandis que les jeunes actifs, avec un pouvoir d'achat plus élevé, peuvent participer à la vie économique de la collectivité », poursuit-il.

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 Faut-il encore convaincre les maires ?

Aussi faut-il convaincre les élus locaux. « Nous sommes entré dans un urbanisme négocié qui doit recevoir l'aval de tous les acteurs. L'heure est à la concertation », souligne le directeur général adjoint de Linkcity chargé du logement multi-produit.

A Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), David Marquet et son équipe ont certes acquis des terrains de l'ancienne faculté, accompagné l'aménagement et posé un raisonnement sur la problématique du secteur : ramener des espaces verts et répondre à la gestion de la jeunesse. Et ce, avant d'être lauréats de la réalisation d'un ensemble seniors-étudiants-centre aquatique pour ne pas être mono-usages et apporter de l'activité. La commune, elle, a pensé la rue commerçante et le stationnement avec un parking public pour tout le quartier. « Malgré tout, obtenir le permis dans le respect des exigences de la ville a été compliqué... », ajoute le promoteur.

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Toujours est-il que ces résidences peuvent pousser les édiles à valider un projet plutôt qu'un autre. « Oui, si et seulement s'il n'y a pas de blocage de l'acte de construire, cela peut aider pour pousser un maire à accepter un dossier, car il sait que cela va apporter des services à une population donnée - étudiants ou seniors », estime Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). « L'immobilier géré est de nouveau à la mode du côté des élus car les besoins sont là. C'est la reprise d'un cycle qui va durer 4-5 ans. Les investisseurs sont friands de ce produit et cela répond à un besoin démographique », appuie Olivier Bokobza, président des activités de Promotion de BNP Paribas Real Estate

« Ce sont des opérations plus faciles à insérer dans des programmes mixtes, ne serait-ce que pour le partage des risques, par exemple dans des zones hospitalières. Des opérateurs doivent construire des logements pour les internes, des crèches pour les enfants du personnel, mais ce sont des niches de valeur », relève ainsi David Habrias, directeur général du groupe Kardham chargé de l'architecture, associé-fondateur.

« Nous faisons des résidences intergénérationnelles. Cela permet de répondre aux besoins des étudiants en fac de médecine qui prennent l'engagement de créer des interactions avec les seniors », confirme Virginia Bernoux, présidente du directoire d'Ogic.

Certains, comme Christophe Hervy, revendiquent même d'apporter - depuis dix-sept ans ! - 3 à 4 résidences seniors, chaque année, dans les sous-préfectures bien desservies en trains. « Cela s'est renforcé avec ''Action Cœur de ville'' », assure le directeur général du groupe Lamotte, en référence au programme gouvernemental de revitalisation des villes moyennes. Labellisé « Entreprise d'aide à la personne », il affirme y apporter 20 équivalents temps plein - ETP - par résidence, tout comme il déclare y construire autour des logements « un peu plus grands qu'en centre-ville et un peu moins cher » et des bureaux.

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 Suscitent-elles l'appétit des investisseurs ?

En réalité, le retour sur investissement de ces formes d'habitats est tel qu'il profite à tous les fabricants de la ville. « Quasiment tous les promoteurs nationaux ont désormais en interne des structures d'exploitation de résidences (seniors, étudiantes, ou hôtelières) leur permettant de vendre des logements gérés plus chers, avec la garantie d'un certain rendement pour l'acquéreur », reconnaît, sans détour, Samuel Gerulbin, président du groupe Terrot.

« Installer une activité en immobilier géré doit répondre à des besoins (étudiants, tourisme) qui correspondent aux besoins du territoire. Plus qu'une arme, c'est désormais un choix possible et même un moyen pour augmenter ou maintenir sa population », juge Jean-Luc Guitard, directeur général de Consultim groupe.

« L'installation d'une résidence gérée dans une ville a comme conséquence la création d'emplois liés à l'activité créée. Cela correspond à une demande économique, écologique et sociétale », insiste ce spécialiste de l'investissement dans l'immobilier géré.

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Un positionnement qui laisse sceptique les architectes Yann Daoudlarian et Gabriel Franc. « Ce sont des logements profitables pour les promoteurs, mais après de multiples lois de défiscalisation pour soutenir la production de logements neufs qui ont conduit à une inflation et à des constructions dans des zones détendues, nous venons désormais à consommer du bon territoire pour ces produits financiers », s'étonnent les président et directeur général du groupe Franc ArchitecturePersonne ne se pose en effet la question de la réversibilité de ces résidences et encore moins de leur devenir à terme...

Laurent Sablayrolles, le retour du phénix de l'immobilier

C'est un quinquagénaire - 55 ans en septembre - natif de Toulouse que les promoteurs immobiliers connaissent bien. Pendant vingt-cinq ans, il s'est positionné comme « développeur, marketeur et performeur », accompagnant les professionnels du logement neuf dans la quête du foncier jusqu'au permis de construire purgé de tout recours. Constructeurs, exploitants, gestionnaires..., tous ou presque lui font confiance jusqu'en 2008 où face à la crise financière, ce consultant perd sa société.

Aujourd'hui, Laurent Sablayrolles revient avec son entreprise 10-LS et sa filiale Direct Ô Foncier et se présente à ses interlocuteurs comme « le leader de la valorisation et de la performance immobilière en France ». Adossé à des investisseurs, l'autoproclamé « autodidacte » entend bien se développer « sur tout le territoire national ». Sa formule : créer des concepts et des marques qui « redonnent vie » à des actifs bloqués, faute d'accords municipaux ou de financements. Son terrain préféré : l'immobilier géré, mais à ce jeu, il n'est pas seul à jouer...

César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 15/03/2023 à 14:06
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"nouvel eldorado des promoteurs " ça c'est sûr mais pour les investisseurs et les occupants c'est une autre affaire , entre les frais de copro et surtout les frais de gestion pour les occupants un vrai gouffre car c'est bien beau d'avoir accès à des ...

à écrit le 15/03/2023 à 11:06
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la photo laisse songeur!!!!!!!!! des voisins amis, chez lesquels tout va bien, qui rigolent joyeusement dans la cuisine partagee et le salon partagee ou un gars travaille sur une table bien propre.......he ben la realite, c'est que c'est toukours les...

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