Petroplus : pourquoi les raffineries européennes sont condamnées

Les raffineries géantes du Moyen-Orient viennent donner le coup de grâce à une industrie européenne en pleine crise dont le naufrage de Petroplus à Petit-Couronne est l'un des plus criants exemples. En témoignent les coûts de production imbattables de la nouvelle raffinerie géante que Total va inaugurer à Jubail, en Arabie Saoudite. Et qui pourra alimenter l'Europe avec des prix compétitifs.
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Ce mardi, les 470 salariés de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne retiennent leur souffle dans l'attente de la décision du tribunal de commerce qui doit statuer à 10h sur leur sort: désignation d'un des deux candidats repreneurs, liquidation ou nouveau report d'audience. Tous les scénarios sont évoqués. Si les salariés se sont battus comme des lions pour susciter des dossiers de reprise, le raffinage français, et européen, n'en reste pas moins dans une situation structurellement quasi désespérée. Et la concurrence des installations géantes d'Asie et du Moyen-Orient sont en train de leur porter le coup de grâce.

10 raffineries en France contre 24 en 1975. Bientôt 8?

En France, une douzaine de raffineries ont fermé depuis 1975. Il n'en reste que 10. Pour l'instant. La capacité de production a plongé de 18% entre 2007 et 2012, de 100 à 82 millions de tonnes. Elle passerait à 70 millions de tonnes si Petroplus et LyondellBassell, en arrêt «provisoire» à Berre, fermaient. En Europe, les experts tablent sur une nouvelle diminution de 10% des capacités dans les toutes prochaines années. Les pétroliers expliquent depuis des années ce phénomène qu'ils jugent inéluctable: surcapacité face à une demande qui décline, en particulier la consommation d'essence qui plonge en France face au diesel, alors que les raffineries produisent quasiment la même proportion des deux, outils industriels anciens, taxes innombrables ...

Des raffineries au Moyen-Orient capables d'alimenter l'Europe

Tant et si bien que dorénavant, les pétroliers préfèrent investir en Moyen-Orient (et dans une moindre mesure en Asie) dans des installations géantes capables de produire à moindre coût. Et avec lesquelles ils comptent alimenter l'Europe: grâce à un point mort très bas, leurs produits restent compétitifs même en ajoutant les frais de transport vers l'Europe. Exemple de Total avec sa raffinerie de Jubail (Arabie Saoudite), construite et détenue avec Saudi Aramco, qui va démarrer progressivement en 2013.

Un seuil de rentabilité deux fois moins élevé

«Le point mort de Jubail est deux fois moins élevé qu'en Europe», explique Patrick Pouyanné, patron du raffinage et de la chimie chez Total. Or, coincé entre une matière première aux cours fluctuants et des prix de vente très volatils, le raffinage voit sa marge brute soumise à de très fortes variations. De 39 euros la tonne en 2008 en France, elle est passée à 15 euros en 2009, pour un point mort compris entre 20 et 25 euros. De 14 euros en 2011, la marge brute rebondit en 2012 avec une moyenne de 31 euros sur les six premiers mois. «Face à ces à-coups, la seule marge de man?uvre du pétrolier, c'est de maîtriser les coûts, dont la moitié porte sur les salaires en Europe», conclut Patrick Pouyanné.

Du brut lourd, produit sur place, moins cher
A Jubail, le pétrolier va être servi. Les coûts sont en effet imbattables. Pour plusieurs raisons. Pas parce que le brut est moins cher. Produit sur place par Saudi Aramco à environ 3 dollars le baril, il va néanmoins être vendu à la raffinerie au prix du marché (entre 80 et 100 dollars en ce moment). En revanche, le baril de brut local, plus lourd, est 5 à 10 dollars moins cher que le baril standard, et surtout sa qualité est stable. Son traitement nécessite certes des investissements plus importants (12 milliards de dollars pour le site de Jubail), mais il permet d'éviter des réglages fréquents de l'usine pour s'adapter à des qualités différentes de pétrole.

Un effectif inférieur de moitié
Ensuite, les énormes quantités d'énergie nécessaires au process sont disponibles sur place à bas prix. Et Total et son partenaire construisent sur place une plate-forme intégrée avec un puissant complexe pétrochimique qui permet «d'optimiser» les productions. Enfin, Jubail produira presque deux fois plus de produits que la raffinerie de Normandie de Total, avec un niveau d'effectif identique, de 1.000 personnes. Total réfléchit déjà à une «suite» avec Saudi Aramco: ériger une usine pétrochimique juste à côté de ce géant qui déploie ses tuyaux sur un carré de deux kilomètres sur deux.

Total se concentre sur deux plates-formes en Europe
En Europe, le pétrolier a décidé de se concentrer sur deux «plates-formes»: l'usine de Normandie, en Seine Maritime, où il investit un milliard d'euros, notamment pour baisser sa capacité.... Et Anvers (Belgique) où un investissement du même ordre doit être décidé d'ici à la fin de l'année. Quant aux quatre autres raffineries que Total exploite en France, «il n'y aura pas d'autres investissements que ceux liés à la maintenance», déclare Patrick Pouyanné. Ce qui revient à une condamnation à terme.
 

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Commentaires 19
à écrit le 16/10/2012 à 22:05
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Vivement la fermeture de toutes les raffineries, la sidérurgie, le papier, l'automobile, le textile et... Enfin ce qu'il reste à ce jour. Et oui, pourquoi ? Louis XVI on lui a coupe la tête lorsque le peuple n' avait plus de pain... La machine es...

à écrit le 16/10/2012 à 15:38
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Pétroplus tiens donc, çà me rappelle que Peugeot annonce des pertes net ainsi qu'une purge juste après que la société ai perdu un contrat de 450 000 véhicules par an pour l?Iran vous savez à qui vous en prendre, droite ou gauche ce sont les lobbys q...

à écrit le 16/10/2012 à 14:50
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intégration totale dans les pays producteurs.... moins de coût d'inter-médiations.... le produit fini est fabriqué sur place (y compris dans le futur complexe petro chimique... )...donc coût de transport optimisé..) le pétrole est le même donc simpli...

à écrit le 16/10/2012 à 12:14
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c'est surtout la fin de l'innovation et donc le début d'un recul technologique au niveau mondial. Si nous n'avons plus de capacité industrielle dans nos pays, nous n'aurons plus la capacité de développement technologique qui nous a enrichi. Qui dével...

le 16/10/2012 à 13:59
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Ce n'est pas parce que les raffineries sont construites au Moyen-Orient qu'il s'agit d'un recul technologique et la fin de l'innovation. La France et l'Europe gagnent énormément de marchés pour pouvoir créer les raffineries au Moyen-Orient, en Chine ...

à écrit le 16/10/2012 à 11:36
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Il existe une raffinerie en Loire Atlantique ou les salariés sont habillés des pieds à la tete par l'employeur, ou ce meme employeur a son propre autocar pôur aller chercher et ramener chez eux des salariés très correctement payés.Dans ce lieu le syn...

le 16/10/2012 à 12:07
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Qd vous aurez mis ces gens au chomage au profit de raffineries situees au moyen orient, vous vous sentirez mieux? Ou vous faudra t il encore denoncer votre facteur, nanti parmi les nantis, ou l'insituteur de votre fils fils ou encore le 13eme mois de...

le 16/10/2012 à 15:06
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Burnouf à pourtant raison, même si DRRW n'a par tort non plus. La questions des avantages acquis se mesure à l'aune de la conjoncture ACTUELLE, pas à l'époque où ses avantages (justifiés ou pas, on s'en fout) étaient possibles. Aujourd'hui, ne devrai...

à écrit le 16/10/2012 à 11:33
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je pense que nos gouvernants (droite et gauche) et le haut patronat sont appatrides... ils ne sont ni incompétents ni tout ce que vous voudrez... ils font tout simplement leur business !!!

à écrit le 16/10/2012 à 11:33
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T comme Tribune ? Mais surtout comme Terroriste Culturel censurant l'avis du peuple

le 16/10/2012 à 11:48
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Mettez le message d'avant qui consistait à vous dire que Petroplus aavaiyt été concu pour rafiner du petrole iranien et que l'état l'a tué sous les griffes des lobbies divers en Europe :-)

à écrit le 16/10/2012 à 9:49
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Il est grand temps de passer à l'électrique et de modifier notre rapport à la mobilité (voitures électrique pour la semaine, partagée ou en location et hybride pour le we) pour ne plus dépendre à ce point des dictatures du moyen orient qui nous pomp...

le 16/10/2012 à 11:47
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Oui mais on a quand meme une belle équipe de foot à Paris!

à écrit le 16/10/2012 à 9:10
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Patrick Pouyanné n'est plus responsable de la distribution (mais de la branche Raffinage Chimie)

à écrit le 16/10/2012 à 8:47
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et on va continuer à augmenter notre dépendance vis-à-vis de la Chine, de l'Arabie, ou autres, pour des raisons de rentabilité à court terme. Mais l'Europe, quoi qu'en disent nos gouvernants, va crever si on poursuit dans cette voie. Nous ferons bien...

à écrit le 16/10/2012 à 8:27
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"pourquoi les raffineries européennes sont condamnées" ? Parce que l'Europe sous sa forme actuelle est morte, il n'y a pas d'issue car après le pétrole ce sera le reste (auto avec la Chine sur SON marché) Avion la chine sur SON marché ... pourquoi ac...

à écrit le 16/10/2012 à 8:15
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Toujours la meme litanie, sans aucune hauteur de vue, sans reflexion. On recrache le discours rode de tel ou tel lobby. Mais la solution est dans l'article. 1 on ferme les raffineries en France 2 on ouvre des raffineries dans les pays producteurs. De...

le 16/10/2012 à 8:54
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En France, on n'a plus d'idées, on n'a que des incapables... Exit, please, quittez le pays, venez vous installer là où ça bouge, en Russie, par exemple !!!

le 16/10/2012 à 11:10
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c'est rigolot ! c'est là où se fournissent les iranien quii ont été empeché d'acheter Petroplus !!!

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