
Le projet Hercule verra-t-il le jour ? Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, a été longuement interrogée ce matin par les députés sur le projet Hercule, qui consiste à réorganiser EDF pour lui donner les moyens de financer ses investissements dans le nucléaire et les énergies renouvelables.
Largement contesté en interne, mais aussi par des associations et des partis politiques de tout bord qui craignent un démantèlement, ce projet fait l'objet d'intenses et longues négociations avec la Commission européenne. Cette dernière souhaite s'assurer que la hausse du prix du nucléaire régulé en France (qui permettrait à EDF d'accroître ses revenus) ne porte pas préjudices à ses concurrents.
Le projet, s'il abouti, pourrait alors se traduire par la séparation d'EDF en trois entités distinctes : un EDF bleu 100% public pour le nucléaire, un EDF vert, dont le capital serait ouvert à des investisseurs privés, pour les énergies renouvelables, le réseau de distribution (Enedis) et les services, et, enfin, un EDF Azur pour les activités hydrauliques. Objectif : isoler le nucléaire du reste de l'entreprise et ainsi répondre aux exigences anticoncurrentielles de Bruxelles.
Devant les commissions des affaires économiques et du développement durable, Barbara Pompili a reconnu un risque d'échec des négociations, la nécessité d'avoir un plan B et a réaffirmé les lignes rouges sur lesquelles le gouvernement ne cédera pas. Objectif : faire preuve de plus de transparence, alors que salariés et parlementaires regrettent de ne pas avoir été associés aux négociations.
Voilà ce qu'il faut retenir de cette première audition à l'Assemblée nationale, qui sera suivie de celles de Jean-Bernard Lévy, le PDG d'EDF, et de Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, les 10 et 11 février prochains.
1 - Le projet Hercule pourrait ne pas voir le jour
Alors que les doutes sur le succès des négociations auprès de Bruxelles grandissent au fur et à mesure de leur prolongation, Barbara Pompili a reconnu la possibilité que ces négociations puissent échouer. « A ce jour, nous n'avons pas même la certitude de parvenir à un accord », a-t-elle déclaré aux députés.
« Si les conditions d'un accord conduisaient à une forme de démantèlement du groupe, nous ne l'accepterons pas. Si le tarif de l'énergie nucléaire régulée ne permet pas de couvrir les coûts de sa production nous ne l'accepterons pas », a-t-elle affirmé.
C'est bien sur ces grands principes que les négociations semblent bloquer. Or, Barbara Pompili a assuré qu'il n'était question « ni de dépeçage, ni de démantèlement ». « EDF est un groupe public et intégré et il le restera. C'est un engagement », a-t-elle déclaré, soulignant qu'il n'était pas question de privatisation. « On a des grands principes qui feront l'objet de garanties dans une éventuelle réforme. Les parcours professionnels seront préservés, la mobilité encouragée et le statut d'IEG ne sera pas remis en cause. EDF restera une marque commune à l'ensemble des activités d'EDF », a-t-elle promis. Quelque soit l'organisation, toutes les activités du groupe auront vocation à rester détenues majoritairement par l'Etat, a-t-elle insisté.
2 - Un plan B nécessaire, la renationalisation d'EDF étudiée
« Si on ne fait pas le projet Hercule, on fera le projet Hector », a résumé Barbara Pompili, reprenant la formule utilisée par Elisabeth Borne, alors ministre de la Transition écologique. « Si nous ne trouvons pas un accord, évidemment nous ne resterons pas les bras croisés », a-t-elle affirmé. Selon elle, « le statu quo n'est pas tenable dans la durée », en raison de « l'énorme problème sur l'hydroélectrique » [les barrages hydroélectriques font l'objet d'un vieux contentieux avec la commission qui demande à la France d'ouvrir à la concurrence ses concessions échues] et de « l'énorme problème sur le financement d'EDF ».
« Il va falloir trouver un plan B. Ce n'est pas si évident que ça à trouver », a-t-elle reconnu.
Interrogée sur la possibilité de nationaliser l'énergéticien, dont 84% du capital est déjà détenu par l'Etat, Barbara Pompili a répondu que « les modalités de savoir si on peut nationaliser ou pas, elles ne sont pas encore définies. On le fera en fonction de l'issue des négociations. Tout ça est en train d'être regardé. On ne se ferme aucune piste ».
En revanche, l'option de la recapitalisation d'EDF semble être écartée. « C'est une solution conjoncturelle. Moi je veux une solution structurelle. C'est un choix qui est assumé », a expliqué la ministre de la Transition écologique.
4 - Des schémas de réorganisation toujours inconnus
Quel visage aura le nouveau EDF ? Quel impact sur l'organisation interne ? Ces questions restent, elles, toujours en suspens et aucun schéma des différentes organisations envisagées par le gouvernement n'a été transmis aux députés.
« Aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure de décrire un schéma précis de ce que sera cette réforme et ses impacts sur l'organisation interne du groupe EDF, pour une raison très simple: les négociations avec la Commission européenne sont toujours en cours », a déclaré la ministre devant les députés.
« Les détails techniques je ne peux pas vous les donner, mais sur les principes et sur ce qui nous guide vous avez tout », a assuré la ministre. Interrogée sur le sort du pôle R&D transverse au groupe, Barbara Pompili a indiqué que son positionnement dans la nouvelle structure faisait partie des « détails pas arrêtés". Elle a, en revanche, assuré qu'il sera positionné « de manière à bénéficier à l'ensemble du groupe et pas à une seule partie ».
4 - Une loi spécifique débattue au Parlement
Projet Hercule ou non, l'avenir d'EDF passera par un débat parlementaire.
« On ne touchera pas à EDF sans que vous y soyez associés car il faudra revoir la loi. Une réorganisation ne se fera qu'après en avoir débattu avec vous », a assuré Barbara Pompili aux députés, qui étaient nombreux à déplorer ne pas avoir été associés aux négociations menées auprès de la Commission européenne.
« Cette loi ne sera pas intégrée à un projet de loi plus large. Cela laissera toute sa place au débat », a précisé la ministre. Le gouvernement explique vouloir mener cette réforme législative avant la fin du quinquennat. Mais ce calendrier n'est absolument pas garanti d'être tenu.
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