Les grèves pourraient menacer le programme de maintenance des centrales nucléaires, s’inquiète RTE

Les mouvements sociaux n'ont souvent pas d'impact immédiat pour la sécurité d'approvisionnement en électricité. En revanche, ils ont un impact différé en raison de leurs conséquences sur les opérations de maintenance des centrales nucléaires. Or, la situation du système électrique « ne nous permet pas de prendre du retard dans le programme de maintenance », pointe le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE. La trajectoire de la production nucléaire doit absolument être maintenue, même si une grande partie des risques de coupures appartient désormais au passé. Débutées hier, les baisses de production d'électricité organisées par des agents EDF se sont fortement intensifiées ce jeudi, atteignant au moins l'équivalent de deux fois la consommation de Paris, selon la CGT et RTE.
Juliette Raynal
(Crédits : Reuters)

Article mis à jour jeudi 19 janvier 2023 à 8h30

L'essentiel du risque de coupure d'électricité est derrière nous, mais gare au potentiel impact du mouvement social lié à la réforme des retraites sur les capacités de production. Voilà en somme ce que l'on peut retenir de la nouvelle actualisation des perspectives pour le système électrique, présentée ce mercredi par le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE.

« Sur l'ensemble de l'hiver, on a passé une grande partie des risques », a assuré Thomas Veyrenc, le directeur exécutif de RTE. Le gestionnaire maintient ainsi un niveau de risque moyen (3/5) de recourir à des coupures d'électricité programmées, que l'on appelle délestages, pour le mois de janvier et la fin de l'hiver. Ce niveau était passé de élevé à moyen le 20 décembre dernier, en raison d'une baisse structurelle de la consommation d'électricité, de l'accroissement de la disponibilité du parc nucléaire et du bon fonctionnement des interconnexions électriques avec nos voisins européens.

Risque moyen maintenu

Un mois plus tard, les trois mêmes facteurs expliquent le maintien du risque à un niveau moyen, alors que le parc nucléaire est désormais disponible aux trois quarts (proche de 45 gigawatts) et qu'une baisse structurelle de la consommation électrique se confirme (-8,5% au cours des quatre dernières semaines par rapport à la moyenne 2014-2019).

« Un risque moyen, ce n'est pas non plus un risque zéro », prévient toutefois Thomas Veyrenc, qui émet un point de vigilance sur la trajectoire escomptée de la disponibilité du parc nucléaire, qui pourrait éventuellement être affectée par les grèves prévues contre la réforme des retraites.

RTE table sur une disponibilité du parc nucléaire comprise entre 40 et 45 GW à la fin du mois de février, soit une légère baisse par rapport à la disponibilité attendue fin janvier qui devrait être de 47 GW. Cette baisse est liée au lancement de la campagne de maintenance 2023 conduisant à l'arrêt de neuf réacteurs nucléaires. En parallèle, six réacteurs, dont les travaux pour corrosion sous contrainte sont achevés, doivent être remis en service d'ici la fin du mois de février : il s'agit des quatre réacteurs de la tranche N4, c'est-à-dire les réacteurs les plus puissants du parc, et de deux réacteurs d'une puissance de 1300 mégawatts.

Mouvement social : pas un impact immédiat, mais différé

Les mouvements sociaux n'ont souvent pas d'impact immédiat pour la sécurité d'approvisionnement en électricité, mais un impact différé en raison de leurs conséquences sur les opérations de maintenance. En effet, dans les centrales nucléaires, les agents de conduite grévistes ont la possibilité de baisser le niveau de production. Toutefois, si cette baisse de charge observée de manière instantanée peut mettre en risque la continuité d'alimentation sur le territoire, RTE a la possibilité d'adresser un ordre d'arrêt de baisse de charge aux salariés grévistes, en vertu de dispositions réglementaires. De quoi garantir l'équilibre entre la production et la consommation électrique.

En revanche, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité n'a aucune marge de manœuvre sur le retard que pourrait engendrer la grève sur la réalisation des travaux de maintenance.

« On ne sait pas quel sera l'éventuel impact des mouvements sociaux sur la capacité de production », a reconnu le directeur exécutif. « Ce que l'on peut dire, c'est que la trajectoire sur le nucléaire est conditionnée à deux éléments : que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN, ndlr) donne bien l'autorisation de redémarrer les réacteurs qui ont fait l'objet de réparations (pour des problèmes de corrosion sous contrainte, ndlr) et que ce programme de maintenance se produise. (...) Des mouvements sociaux peuvent avoir un effet sur la date de redémarrage des réacteurs. Or, nous sommes dans une situation qui ne nous permet pas de prendre du retard dans le programme de maintenance », a-t-il pointé. « On a besoin que la trajectoire sur la production nucléaire soit maintenue », a-t-il encore insisté.

Une forte mobilisation attendue dans l'énergie

La journée de grève du 19 janvier contre la réforme des retraites pourrait être particulièrement suivie et reconduite dans le secteur de l'énergie et notamment chez EDF, qui compte de nombreux salariés ayant le statut IEG (industries électriques et gazières). Or ces salariés sont farouchement opposés à la suppression annoncée de leur régime spécial, permettant à certains d'entre eux de partir à la retraite avec cinq années d'avance en raison de la pénibilité de leur travail. Dans le cadre de cette journée de mobilisation, la fédération CGT des mines et de l'énergie (FNME-CGT), première organisation syndicale de l'électricité et du gaz, envisage notamment de procéder à des coupures d'électricité ciblées contre les élus qui soutiendraient la réforme des retraites. La CGT réfléchit également à retarder les travaux sur des stockages de gaz, ou d'empêcher le déchargement des méthaniers.

Mercredi, les agents d'EDF ont procédé, dans les barrages, à de premières baisses de production d'électricité en lien avec le mouvement contre la réforme des retraites, occasionnant la perte sur le réseau de l'équivalent d'un réacteur nucléaire, sans provoquer de coupures de courant. EDF a confirmé cette baisse de production dans un message d'information sur son site :  « Perte de puissance disponible en cours sur le parc hydraulique EDF : 1.210 MW. Cette indisponibilité est liée au mouvement social en cours. » Les barrages du Cheylas (Isère), de Pied-de-Borne (Lozère) ou des Salelles (Ardèche) étaient notamment concernés par ces baisses de production, selon Fabrice Coudour.

Ce jeudi, les baisses de production d'électricité organisées par des agents EDF se sont fortement intensifiées, atteignant au moins l'équivalent de deux fois la consommation de Paris, selon la CGT et du gestionnaire des lignes à haute et très haute tension RTE. La fédération CGT Mines Energie fait état de plus de 7.000 MW de baisse de production « sans aucun impact sur les usagers ». Le gestionnaire du réseau électrique français RTE observe pour sa part « une baisse de 5.000 MW, environ l'équivalent de deux fois la consommation de Paris » au point d'envoyer aux grévistes « un message qui demande l'arrêt des baisses ».

« Cela ne devrait pas baisser plus bas », a précisé à l'AFP RTE, entreprise de service public chargée d'assurer la sécurité de l'approvisionnement en électricité

Juliette Raynal

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 6
à écrit le 19/01/2023 à 15:41
Signaler
Sabotage.

à écrit le 19/01/2023 à 11:09
Signaler
S'il y a le moindre risque supplémentaire, le Gouvernement devrait prendre des mesures ad hc.

à écrit le 18/01/2023 à 22:14
Signaler
Je ne comprend pas la tri.bune, il y a peu un article nous expliquait qu' edf avait du mettre à "l'arret" une tranche nucléaire par manque de consommation, et maintenant vous vous inquiétez du retard pris pour 12 h de grève ??????

à écrit le 18/01/2023 à 20:33
Signaler
Bonjour, Pour éviter toute grève, ils faut faire une réforme équitable pour tout le monde... Avant toute chose les parlementaires et politique doivent donner l'exemple , donc ils doivent rentrée dans la réforme des régimes spéciaux.. Ensuites, ...

à écrit le 18/01/2023 à 20:20
Signaler
"Les grèves pourraient menacer le programme de maintenance des centrales nucléaires" Ce qui fallait surtout pas faire c’était d'en arrêter vingt en même temps pour 2mm de corrosion sur une cuve ,absurde.

à écrit le 18/01/2023 à 14:57
Signaler
Qui s'inquiète? RTE ou le pouvoir en place? ;-)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.