Electricité : un fonds de garantie de 70 millions d’euros pour inciter les industriels à faire appel aux énergies renouvelables

Le gouvernement va encourager les industriels à nouer des contrats d'approvisionnement en électricité sur le long terme directement auprès des développeurs de parcs éoliens et de parcs solaires. Pour dérisquer ce type de relation contractuelle, l'exécutif propose un mécanisme garantissant aux producteurs d'énergies renouvelables qu'ils seront payés, même si l'industriel fait faillite. Ce dispositif vise aussi à accélérer le développement des énergies renouvelables en France, qui est en retard sur ses objectifs.
Juliette Raynal
(Crédits : Juliette Raynal pour La Tribune)

Le gouvernement mise sur la création de fonds de garantie pour donner un coup de pouce au développement des contrats d'électricité à long terme, que l'on appelle, dans le jargon, des PPA pour power purchase agreement.

Ce mécanisme, encore peu développé en France, permet à un gros consommateur d'électricité, en général un industriel, de nouer directement un contrat d'approvisionnement avec un développeur de parcs éoliens ou solaires. Ce contrat, d'une durée de 15 à 25 ans, lui permet de s'assurer d'une certaine quantité d'électricité à un prix déterminé à l'avance.

Visibilité sur l'approvisionnement et le coût

« L'intérêt de ces contrats d'approvisionnement de long terme c'est que cela permet de donner aux deux parties de la visibilité sur l'approvisionnement en électricité et sur le coût de cet approvisionnement bas carbone », fait valoir Bercy. « C'est aussi très positif pour dynamiser le développement des énergies renouvelables car cela donne aux développeurs [des parcs éoliens terrestres, offshore et solaires, ndlr] des nouveaux marchés et une visibilité avec un prix prédéfini de leur électricité", ajoute-t-on au cabinet du ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire.

Autrement dit, ce type de contrat permet au producteur de construire un parc solaire ou éolien en étant assuré de pouvoir vendre sa production d'électricité à un prix fixe sur une longue période, et ainsi rentabiliser son investissement.

Une enveloppe de 68 millions d'euros

Reste que jusqu'à présent, les développeurs d'énergies renouvelables préféraient répondre aux appels d'offres organisés par l'Etat, qui garantissent, eux aussi, un prix de vente de l'électricité dans la durée. Les producteurs privilégient l'Etat car ils ont « confiance dans le fait que l'Etat va tenir son engagement, là où si le contrat est conclu avec un acteur privé, il y a un risque de défaut », explique-t-on.

Pour gommer ce risque de défaut, ou en tout cas lui donner une moindre importance, le gouvernement est venu corriger le marché en mettant en place un fonds de garantie. « Ce mécanisme de garantie publique assure aux producteurs d'énergies renouvelables qu'ils seront payés, y compris si l'industriel fait faillite », souligne Bercy.

Ce fonds, doté d'une enveloppe initiale de 68 millions d'euros, sera géré par Bpifrance. Ce mécanisme est toutefois « économe en finances publiques », assure Bercy « car cette garantie sera payante à un prix de marché pour les producteurs d'énergie et pour les industriels. Et le montant de cette garantie sera défini de telle sorte que l'équilibre du fonds de garantie soit atteint ».

Améliorer la compétitivité des industriels

Très concrètement, si un industriel ne peut honorer son contrat, deux cas de figure sont possibles. Dans le premier cas, les prix de l'électricité sur le marché de gros sont plus élevés que ceux prévus dans le contrat. Alors, l'Etat ne paye rien tandis que le producteur d'électricité reverse la différence au fonds de garantie. En revanche, si lorsque l'industriel fait défaut, les prix sur le marché de gros sont inférieurs au prix prévu dans le contrat, alors c'est l'Etat qui compense le producteur d'énergies renouvelables pour lui assurer un niveau de revenus conforme à ce qui était prévu dans son contrat de long terme.

Ce mécanisme est « l'aboutissement d'un très beau travail interministériel », font valoir les ministères concernés. « L'enjeu maintenant, c'est d'utiliser ce modèle comme un levier pour donner de la compétitivité au tissu économique dans la durée », pointe-t-on au ministère de la Transition énergétique. De fait, compte tenu du prix actuel de l'électricité sur le marché de gros (environ 500 euros le mégawattheure), ce mécanisme devrait être très attractif pour les industriels.

Rattraper nos voisins européens

« Ce qu'il faut noter c'est qu'en France, ces contrats de long terme sont très peu développés, beaucoup moins que dans la plupart des pays européens », relève le ministère de l'Economie et des Finances. Dans l'Hexagone, le marché des PPA représente aujourd'hui environ 600 MW. Le gouvernement vise un quasi doublement de ce volume grâce au fonds de garantie, qui est dimensionné pour pouvoir prendre en garantie des contrats représentant jusqu'à 500 MW de puissance installée cumulée, soit un volume de production équivalent à la consommation d'une ville comme Bordeaux.

Le manque de données ne permet pas de comparer directement les volumes avec nos pays voisins, mais on souligne au ministère de la Transition énergétique une très forte tendance en dehors de nos frontières. « Chez nos voisins, ce qui est intéressant de regarder, ce sont les annonces des acteurs industriels. BASF, par exemple, a récemment pris une participation dans un projet d'éolien offshore avec ce modèle de PPA », étaye le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher. En Espagne, Arcelor a fait une annonce similaire.

Réflexion sur le nouveau nucléaire

Cette approche pourrait être étendue au développement du nouveau nucléaire. Le gouvernement étudie, en effet, avec EDF comment « on pourrait mieux associer des gros consommateurs au financement » du nouveau parc nucléaire. Pour mémoire, la création du consortium Exeltium, regroupant plusieurs industriels, au début des années 2000 avait une vocation similaire. En 2008, ces industriels très gourmands en électricité avaient versé à EDF quelque 1,75 milliard d'euros (correspondant à l'usage d'une tranche nucléaire durant 24 ans) en échange de droits de tirage sur le parc nucléaire à des coût très compétitifs sur une longue durée.

Juliette Raynal

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Commentaires 10
à écrit le 12/11/2022 à 10:18
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Il est ici question que le gouvernement serve d'assurance gratuite en cas de défaillance de leur client industriel. On ne parle pas du cas inverse, c'est à dire ce qui se passe quand l'industriel manque de courant parce que le vent ou le soleil ne ...

à écrit le 11/11/2022 à 21:38
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Il est pour le moins curieux que le gouvernement propose ce type de montages pour des énergies qui n'ont jamais eu difficultés à trouver des financements, puisque les profits sont assurés à long terme par les mécanismes d'accès prioritaire au réseau ...

à écrit le 11/11/2022 à 14:46
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On ne devrait garantir le paiement qu'à des sociétés installées en France et qui y payent leurs impôts. Sinon c'est encore de l'argent pour les paradis fiscaux.

à écrit le 10/11/2022 à 21:59
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Ca marche comment quand il n'y a pas de vent ?

le 12/11/2022 à 0:08
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il faudrait alors que les parcs d'éoliennes fasse aussi des parcs de panneaux solaires : il n'y aura alors plus d'agriculture et les ponctionnaires mourrons de faim : là est la bonne nouvelle !!!

le 12/11/2022 à 10:27
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C'est bien l'absurdité de ce système : la réponse est évidente. On garde une liaison avec le réseau EDF et ses centrales pilotables (nucléaire et hydraulique), qui servent de secours. Mais là, pas besoin de prendre un abonnement : c'est gratuit !

à écrit le 10/11/2022 à 16:30
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Vive le développement du renouvelable qui augmente notre empreinte carbone !!!

à écrit le 10/11/2022 à 16:10
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C'est un pas en avant mais il faut aussi changer la règlementation sur les boucles d'autoconsommation. Le projet le plus important en France à Nantes ne s'étend que sur 1 km! « Techniquement, on aurait pu créer une boucle sur une zone d'autoconsomma...

le 10/11/2022 à 16:51
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C'est vrai qu'en Allemagne, le développement tout azimut des énergies renouvelables intermittentes et tout particulièrement de l'éolien est une complète réussite! La crise de l'énergie actuelle, qui touche particulièrement l'Allemagne, démontre les t...

le 11/11/2022 à 21:30
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@jardinier - C'est exactement le même phénomène qu'en URSS : l'échec du communisme réel à tous les niveaux n'empêchait pas les convaincus de continuer à le défendre, en expliquant comme ici que s'il ne marche pas c'est qu'il n'a pas encore été mis en...

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