Énergie : pleins gaz pour GTT

Le regain du gaz et l'élimination, en 2020, des carburants les plus polluants dans le transport maritime, poussent la pépite française vers le grand large.
Michel Cabirol
Une facture carburant diminuée de moitié. Encore balbutiante, la propulsion au GNL - 10% plus chère que celle au pétrole -, permet de réaliser d'importantes économies.
Une facture carburant diminuée de moitié. Encore balbutiante, la propulsion au GNL - 10% plus chère que celle au pétrole -, permet de réaliser d'importantes économies. (Crédits : iStock)

GTT a du « gaz ». La société d'ingénierie Gaztransport & Technigaz, leader mondial dans les systèmes de confinement pour le transport par voie maritime et le stockage en conditions cryogéniques du GNL, est effectivement en pleine forme. Cette pépite française méconnue, qui va publier ce mardi ses résultats annuels à la clôture de la Bourse, a réalisé en 2018 une année « exceptionnelle », se réjouit son PDG Philippe Berterottière dans un entretien accordé à La Tribune. Les chiffres sont éloquents. La société a engrangé l'an dernier un nombre record de commandes. Elle a obtenu la conception de cuves GNL pour 48 méthaniers, la réalisation de deux unités flottantes de stockage et de regazéification (FSRU) et d'un réservoir terrestre destiné à contenir de l'argon liquide à des fins expérimentales pour le compte du Conseil européen pour la recherche nucléaire (CERN).

Sur le marché du GNL carburant, GTT a signé un contrat pour réaliser une barge de soutage GNL de 18 600 m3 et une commande de cuve GNL pour le Ponant, le premier brise-glace de croisière alimenté au GNL. Loin, très loin des exercices précédents : 12 méthaniers, 8 FSRU, une unité flottante de liquéfaction et de stockage de GNL (FLNG) et sur le marché du GNL carburant, les cuves GNL pour 9 porte-conteneurs de CMA CGM de très grande taille en 2017, et, en 2016, seulement cinq méthaniers.

Marché d'avenir

GTT, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 232 millions d'euros en 2017, est donc paré pour le grand large. D'autant que le marché du transport maritime devrait à coup sûr lui sourire dans un très proche avenir.

Car la société d'ingénierie est au cœur de la transformation de la filière, qui doit réduire la teneur en soufre des carburants maritimes de 3,5% à 0,5% d'ici à 2020. Avec l'objectif d'éliminer le carburant le plus largement utilisé dans le transport maritime en haute mer, c'est-à-dire le HFO (fuel lourd), dont la teneur en soufre se situe en général entre 1 et 3,5 %. Les armateurs vont devoir utiliser des carburants plus propres. Résultat, « le monde redécouvre le gaz », assure Philippe Berterottière.

Une filière attentiste

Pour l'heure, le marché de la propulsion au GNL reste encore balbutiant. « Nous pensons que ce marché va décoller et nous avons des solutions », insiste le PDG de GTT. Avec le GNL, la facture carburant peut chuter de 50% par rapport à des navires à propulsion classique. Et elle devrait baisser régulièrement avec la hausse du pétrole à venir. Un atout qui peut en grande partie compenser le prix d'achat d'un bateau à propulsion GNL supérieur de 10% par rapport à une propulsion classique. Le temps de retour sur investissement idéal est en général de quatre ans.

À l'exception de CMA-CGM, qui a commandé 9 porte-conteneurs dotés d'une propulsion au GNL, la filière reste encore très attentiste. Elle attend de connaître la décision des États-Unis de Donald Trump de se conformer ou pas à cette nouvelle réglementation, ratifiée par 87 pays. Du coup, les armateurs investissent plutôt dans des solutions court-termistes et surtout moins coûteuses, notamment dans des dispositifs épurateurs (scrubbers) permettant de filtrer les gaz d'échappement. La réglementation permet de continuer à utiliser du HFO en présence de ces dispositifs, à condition d'atteindre des émissions de soufre équivalentes ou inférieures à celles d'un carburant conforme.

« À partir de cette année et surtout en 2020 quand la réglementation sera en place, il y aura une accélération des décisions de la part des armateurs », estime Philippe Berterottière. Et de conclure que « le potentiel du GNL carburant, est considérable ».

GTT travaille également sur une autre piste prometteuse en matière de réduction de la consommation de carburant, grâce à la digitalisation. Jusqu'ici ce secteur s'est pourtant montré très réticent à la numérisation des bateaux. Ce qui ne décourage pas la société d'ingénierie de beaucoup travailler « sur des solutions digitales, notamment des logiciels à mettre à disposition des armateurs pour améliorer l'efficacité énergétique de leurs bateaux », explique le PDG de GTT. Des solutions qui pourraient faire gagner quelques pourcents de consommation de carburant.

GTT s'est quant à elle fixé un objectif très ambitieux de réduire la consommation jusqu'à 10 %. Reste à convaincre les armateurs. « Nous pensons que l'heure de la digitalisation a sonné, souligne-t-il. Quand les carburants sont un peu plus chers, les solutions d'une propulsion au GNL ou les solutions logicielles génèrent des économies beaucoup plus importantes. C'est pour cela qu'on a besoin d'un prix du baril autour de 75-80 dollars », précise-t-il. Le baril de Brent de la mer du Nord vaut actuellement 66 dollars.

Augmenter la production

Sur son cœur de marché - la conception de cuves pour le transport de GNL -, GTT a également le vent en poupe. D'autant que les énergies renouvelables patinent et le nucléaire décline. Dans beaucoup de pays, il apparaît que le gaz semble être la bonne solution de la transition énergétique : bien moins polluant que le charbon ou le pétrole, moins cher que ce dernier, il ne pose pas les mêmes questions en termes d'investissements et de déchets que le nucléaire.

"Tout cela fait que tout le monde redécouvre le gaz, le gaz en général, et le GNL en particulier. C'est cela qui nous porte aujourd'hui", explique Philippe Berterottière.

En 2018, les observateurs ont même estimé qu'il n'y avait plus assez de GNL et de nouvelles décisions d'investissements majeurs sont prises pour augmenter significativement la production de cette énergie. Un exemple ? Sur les deux dernières années, la Chine a augmenté ses importations de GNL de près de 50% par an tant elle est déterminée à faire reculer le charbon dans son mix énergétique. Résultat, GTT va encore grossir. Selon son PDG, « GTT va conforter sa position et va essayer de s'implanter sur le marché du GNL carburant dont on espère qu'il va se développer ». Les investisseurs croient d'ailleurs très fort en l'avenir de GTT, coté sur Euronext. En un an, son cours de Bourse a grimpé de près 38% et, en trois ans, de plus de... 200%.

Michel Cabirol

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