Energies renouvelables : ce que peuvent réellement faire les régions

Les régions ont un vrai pouvoir sur la planification des énergies renouvelables, mais elles manquent encore de moyens pour une véritable décentralisation énergétique et réellement doper, si elles le souhaitent, le solaire et l'éolien sur leur territoire.
Juliette Raynal
Le levier clé pour favoriser le développement du solaire et de l'éolien demeure aujourd'hui entre les mains de l'Etat.

Les régions ont-elles suffisamment de pouvoir en matière d'énergies renouvelables ? Pour le think tank La Fabrique écologique, la réponse est clairement non. Dans son dossier intitulé "L'action écologique des régions", publié en mai dernier, le groupe de réflexion pointe une décentralisation énergétique "imparfaite" et "peu cohérente".

"Les régions ont un pouvoir de planification dans les énergies renouvelables, mais c'est un pouvoir qui n'est pas à la hauteur de ce qu'il faudrait pour une réelle décentralisation énergétique", estime Géraud Guibert, président de la fondation La Fabrique écologique.

Frédéric Tuillé, responsable des études de l'observatoire indépendant Observ'ER, abonde :

"Les régions, via le Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), mettent en avant leur potentiel et leurs objectifs en matière d'énergies renouvelables, mais elles manquent de moyens pour les atteindre".

Le principal levier aux mains de l'Etat

En effet, le levier clé pour favoriser le développement du solaire et de l'éolien demeure aujourd'hui entre les mains de l'Etat. Il s'agit de la politique tarifaire de rachat de l'électricité renouvelable, qui fixe le complément de rémunération, et donc les subventions aux filières photovoltaïque et éolienne. "Si l'Etat décidait, par exemple, de couper les rémunérations complémentaires de l'éolien, les régions auraient peu de marges de manœuvre pour soutenir l'activité de la filière", explique Frédéric Tuillé. "Ce sont, par ailleurs, les communes et les intercommunalités qui accordent les permis de construire des parcs éoliens et des centrales solaires", souligne Géraud Guibert.

Autre écueil, "jusqu'à une période récente, il y avait une déconnexion complète entre la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) nationale et les objectifs régionaux fixés dans les Sraddet", explique le président de la fondation.

Pour doper le développement du photovoltaïque et de l'éolien sur leur territoire, les régions ne sont toutefois pas totalement démunies. Elles disposent d'une petite boîte à outils. Elles peuvent notamment œuvrer à un environnement économique favorable pour attirer les industriels de ces filières.

Une petite boîte à outils

"Pour l'éolien offshore, par exemple, la Normandie a mis en avant son tissu d'entreprises locales qui pouvait servir toute la chaîne de valeur de l'industrie de l'éolien en mer. Cela a permis d'attirer les projets", illustre Frédéric Tuillé.

Elles peuvent aussi et surtout mettre des moyens supplémentaires dans la R&D dédiée aux énergies renouvelables. "C'est dans leurs compétences directes", souligne Géraud Guibert.

Les régions disposent également de plus de marges pour piloter les décisions relatives à l'énergie thermique. Plusieurs régions, comme la Corse et la Normandie, ont ainsi mis en place des aides et des appels à projets pour l'installation de chaufferies et de chaudières au bois, équipées de systèmes de filtres performants. Beaucoup soutiennent aussi les filières de méthanisation pour favoriser l'injection de biométhane dans les réseaux de gaz.

Mais "pour parvenir à une transition énergétique efficace sur l'ensemble du territoire, (...) il est souhaitable que soit mise en place une véritable décentralisation énergétique afin que les régions puissent dépasser leur rôle de simple bailleur de fonds et piloter le développement de filières renouvelables en cohérence avec leur territoire", estime le think tank dans sa publication.

Plus d'expérimentations

Pour conférer aux régions plus de pouvoir en la matière, la Fabrique écologique émet plusieurs propositions.

"Nous pensons qu'il faut que les régions utilisent pleinement leur capacité d'expérimentation. Dans ce cadre, nous pensons qu'il serait logique que les futurs projets de parcs éoliens en mer soient gérés totalement par les régions", expose Géraud Guibert.

Selon lui, ce transfert de compétence serait tout aussi bénéfique que le transfert de la gestion des lycées de l'Etat aux régions dans les années 80.

"Avec cette décentralisation, tous les lycées ont été rénovés au fur et à mesure. Pour une région, piloter un parc éolien sera un enjeu d'exemplarité. Elle y mettra sans doute tous les moyens pour raccourcir les procédures. Ce qui conduira à un développement beaucoup plus rapide", projette Géraud Guibert.

Impliquer les citoyens

Une autre suggestion consiste à expérimenter un complément régional des tarifs d'achat pour certaines énergies renouvelables, financé par une taxe régionale de l'électricité.

La Fabrique écologique plaide également pour une implication plus forte des citoyens dans les projets d'énergies renouvelables.

"C'est le parent pauvre de la politique française de l'énergie et c'est un des éléments d'explication des polémiques autour de l'éolien. Il est essentiel que les citoyens soient concertés, mais aussi que les riverains puissent s'impliquer et en bénéficier", estime le président du think tank.

A ce titre, le collectif Energie Partagée a formulé sept mesures dont pourraient s'emparer les régions pour favoriser les énergies renouvelables citoyennes. Parmi elles, la mise à disposition de leur patrimoine comme le toit des lycées, l'investissement au capital des projets ou encore la pérennisation d'un accompagnement technique aux porteurs de projets.

Volonté des élus

Reste que la mise en place de ces nouveaux outils dépend surtout de la volonté des régions et donc des élus. Or, "cette volonté est parfois peu lisible", juge Frédéric Tuillé, qui a passé au crible les Sraddet des différentes régions. "Dans ces textes, quasiment toutes les régions affichent leurs objectifs en matière de développement des énergies renouvelables pour 2030 et 2050", explique-t-il.

Pour certaines, ces objectifs sont particulièrement ambitieux, mais il manque souvent des précisions sur les moyens permettant de les atteindre. "L'exercice s'apparente donc parfois à un exercice politique de communication, surtout quand aucun objectif intermédiaire n'est mentionné", regrette Frédéric Tuillé.

De son côté, Géraud Guibert espère que les futurs élus régionaux se saisiront des recommandations du think tank. Mais il déplore qu'aujourd'hui "le débat électoral sur les énergies renouvelable se résume à la contestation autour des éoliennes. On entend davantage ceux qui sont opposés aux énergies renouvelables que ceux qui y sont favorables".

Juliette Raynal

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Commentaires 4
à écrit le 11/06/2021 à 9:45
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D'un point de vue strictement écologique, je me demande comment les "vrais" écologistes acceptent l'impact sur la nature des champs d'éoliennes et autres fermes solaires qui polluent les paysages et dont les surfaces dans le futur seront démultip...

le 11/06/2021 à 10:18
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Les vrais écolos, ceux qui pensent que la problématique carbone est de haute priorité, sont en faveur du nucléaire. Les énergies solaires et éoliennes ne contribuent qu'à la marge à avancer sur ce problème. L'éolien (= béton+acier+intermittence impli...

le 11/06/2021 à 12:36
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Il faut distinguer les écolos des villes des écolos des champs :)

le 11/06/2021 à 19:14
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Cela signifie quoi exactement la pollution du paysage? Ce concept me semble bien vague voir discriminatoire s'il devait s'appliquer aux individus...

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