Alors que des voix s'élèvent contre certains projets d'éoliennes terrestres et leur implantation parfois qualifiée d'« anarchique », le gouvernement espère « pacifier la relation » avec les riverains mécontents. Car il ne prévoit pas d'abandonner la technologie, bien au contraire : l'Etat compte au moins doubler les capacités de cette source d'électricité renouvelable d'ici à 2028 - une évolution qui rimera sans doute avec hausse du nombre d'infrastructures.
« Le développement des énergies renouvelables électriques passera inévitablement par une forte croissance du solaire photovoltaïque et de l'éolien terrestre, dont les capacités installées devront être multipliées respectivement par 5 et 2,5 entre 2019 et 2028 », souligne la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, dans une circulaire publiée vendredi 28 mai.
Pour encadrer ce déploiement, qui devra être « plus harmonieux et mieux réparti », la circulaire en question prévoit ainsi un nouveau mécanisme : une cartographie des « zones favorables » à l'installation de parcs éoliens, qui devra être réalisée dans les six prochains mois par les préfets « partout sur le territoire ».
Sentiment de saturation
Concrètement, ceux-ci devront prendre en compte différents paramètres, parmi lesquels la distance aux habitations, les contraintes radars, la biodiversité, les aspects paysagers ou encore le gisement de vent, a développé la ministre lors d'une conférence de presse - rappelant qu'à peine 20% du sol français était aujourd'hui accessible à l'éolien, du fait de contraintes réglementaires.
Aucune obligation venue d'en haut n'est cependant prévue, a-t-elle précisé - la cartographie étant plutôt un « outil d'aide à la décision », afin que « chaque territoire s'empare de sa transition ». « Ce travail va se faire en concertation avec les régions, les communes, les intercommunalités, les associations environnementales et de défense du patrimoine », a précisé Barbara Pompili - de manière à ce que « l'ensemble des parties prenantes s'assoient autour de la table » et « déterminent avec des données objectives les zones susceptibles d'accueillir demain des éoliennes ». Autant de données qui devront « être sur la place publique et garanties par l'Etat », a-t-elle souligné, insistant sur la nécessité de « donner de la visibilité à tout le monde » en la matière.
« Même si France compte cinq fois moins d'éolienne au km2 que l'Allemagne et trois fois moins que le Danemark, même si en 2030 il y aura moins d'éoliennes au km2 en France qu'en Allemagne aujourd'hui, certains projets éoliens suscitent des difficultés d'acceptation locale, avec une forme de sentiment de saturation auprès des riverains. Je crois à une transition avec, par et dans les territoires et à un développement de l'éolien concerté pour être plus harmonieux et accepté », a-t-elle ajouté pour défendre le dispositif.
Pour l'heure, le gouvernement a demandé un « premier retour » des préfets six mois après les élections régionales, prévues fin juin, en vue de finaliser les projets un an après celles-ci. Et afin de « permettre plus de consultation », une charte de bonne pratique, déclinée en guide de bonnes pratiques, sera publiée prochainement.
Une technologie « vitale »
La ministre a néanmoins battu en brèche les accusations d'implantation « anarchique » de telles infrastructures sur le territoire aujourd'hui. « Les projets font tous l'objet d'une étude d'impact. [...] Concrétiser un projet éolien en France prend plusieurs années, toujours significativement plus que chez nos voisins européens », a-t-elle affirmé. Et de défendre le caractère « vital » de cette technologie pour lutter contre le dérèglement climatique. « Installez une éolienne, vous protégez la planète, c'est aussi simple que ça. C'est un fait scientifique, une évidence que je veux réaffirmer aujourd'hui », a-t-elle déclaré, regrettant des « contre-vérités et des petites polémiques électorales stériles » sur le sujet.
Et les sondages semblent aller dans son sens : selon le baromètre de l'Institut de sûreté nucléaire (IRSN) sur la perception des risques, 82% des Français ont une bonne image de l'énergie éolienne. Du côté des installations, le parc éolien est jugé le plus acceptable : 41% des sondés accepteraient de vivre près d'éoliennes, contre 22% près d'une ligne à autre tension et 16% près d'une centrale nucléaire.
Impacts sur la biodiversité
Mais son influence sur la biodiversité interroge, alors qu'un Gypaète barbu - une espèce volatile rare et menacée - a été tuée hier par une pale d'éolienne aux Pays-Bas.
« Toutes les infrastructures ont un impact sur la biodiversité. Nous connaissons celui des éoliennes sur les chauve-souris et certains oiseaux, notamment migrateurs [...] La question est : comment fait-on pour tenir compte de cet effet [...] et éviter de les construire dans des zones sensibles », a répondu à cet égard Barbara Pompili.
Quant à la part future du nucléaire - qui permet la production d'électricité décarbonée mais suscite de nombreux débats - face à l'éolien en France, le choix pour après 2035 « devra être fait une fois tous les scénarios sur la table. RTE [le gestionnaire du réseau électrique, NDLR] est en train de les faire », a-t-elle précisé, souhaitant que la « décision ne soit pas prise par en haut mais démocratiquement, suite à une campagne, par les parlementaires ou d'autres moyens ».
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