Allemagne : le coût matériel et humain des inondations sera colossal

Après une catastrophe inédite notamment en Allemagne, avec un bilan matériel et humain qui s'aggrave, les experts s'interrogent sur le lien entre le réchauffement climatique et les inondations qui ont frappé le coeur de l'Europe. En l'absence de dispositif "catnat", le bilan financier reste à évaluer en Allemagne mais s'annonce colossal.
(Crédits : THILO SCHMUELGEN)

[Article mis à jour à 14h40 le dimanche 18/07/21, initialement publié samedi 17/07/21 à 11h34]

Au moins 183 personnes au total ont trouvé la mort dans ces inondations d'une rare ampleur, provoquées par des pluies diluviennes dans le nord de l'Europe, selon le dernier décompte. Un bilan qui s'alourdit chaque jour avec de nombreuses personnes encore portées disparues. En Belgique, les autorités ont fait état dimanche de 27 morts lors de ces crues, qui ont également causé des dégâts au Luxembourg ainsi qu'aux Pays-Bas ou en Suisse.

Mais c'est l'Allemagne qui paie le plus lourd tribut, avec au moins 156 décès et des centaines de blessés, selon un nouveau bilan donné dimanche, alors que des sauveteurs de plusieurs pays accourent pour apporter leur aide. Un bilan qui risque de s'alourdir gravement au fur et mesure que l'on va déblayer les zones sinistrés : ce sont des scènes de guerre, sans précédent, qui surgissent des inondations terrifiantes, avec des pluies diluviennes d'une ampleur rarement vue.

A l'heure du bilan, alors que le ciel s'est éclairci, deux questions se posent : comment un tel événement a-t-il pu se produire et faire autant de dégâts ? Quel sera le coût financier ?

A la première question, les causes du phénomène dit de "goutte froide" est bien connu des météorologistes et des climatologues, mais rarement dans une telle proportion. "Des masses d'air, chargées de beaucoup d'eau, ont été bloquées en altitude par des températures froides, qui les ont fait stagner pendant quatre jours sur la région", explique à l'AFP Jean Jouzel, climatologue, ancien vice-président du GIEC, le groupe d'experts climat de l'ONU.

Résultat: des précipitations intenses, entre le 14 et le 15 juillet, qui ont atteint "100 et 150 millimètres" soit l'équivalent de deux mois de pluies, selon l'Organisation météorologique mondiale. Si la région est coutumière des fortes pluies, celles-ci ont été "exceptionnelles, tant par la quantité d'eau déversée que par leur violence", commente Kai Schröter, hydrologue à l'Université de Postdam.

A l'évidence, la question du lien entre ce phénomène extrême et le réchauffement climatique revient sur la table et le débat fait déjà rage sur le sujet en Allemagne à deux mois des élections générales. Plusieurs responsables politiques européens ont clairement fait un lien entre les deux. L'extrême droite allemande par exemple réfute cette explication et crie à "l'instrumentalisation". Qu'en est-il? "Pour le moment, on ne peut pas dire avec certitude que cet événement est lié au dérèglement climatique", mais de tels phénomènes extrêmes deviennent "plus fréquents et plus probables" à cause du réchauffement, estime Kai Schröter interrogé par l'AFP. La hausse de la température de la planète augmente mécaniquement l'évaporation de l'eau des océans et rivières, ce qui apporte des "masses d'eau plus importantes dans l'atmosphère". Ce phénomène peut accroître le risque de précipitations intenses et violentes, précise le chercheur.

Autre question, le lien entre l'urbanisation et l'ampleur des dégâts matériels et humains. Les précipitations ont gonflé subitement de nombreuses petites rivières et affluents de fleuves, qui n'avaient pas la capacité d'encaisser un tel choc et qui n'étaient pas protégés par des berges suffisamment élevées. "Le Rhin est habitué aux crues, le plus gros problème, ce sont les petits cours d'eau, les affluents", a ainsi affirmé le président de la région allemande de Rhénanie du Nord-Westphalie, Armin Laschet, vendredi.

Certains médias allemands mettent en cause l'impréparation des autorités qui n'auraient pas lancé d'alertes suffisamment tôt à la population. "Des prévisionnistes (...) ont émis des alertes, et pourtant les avertissements n'ont pas été pris au sérieux et les préparatifs ont été insuffisant", estime Hannah Cloke, professeur d'hydrologie à l'université de Reading au Royaume-Uni. En outre, un manque de sensibilisation à ces risques, en amont, de la population vivant dans les zones inondables est pointée du doigt.

"Certaines victimes ont sous-estimé le danger et n'ont pas respecté deux règles de base lors de fortes pluies. Premièrement: évitez les sous-sols où l'eau pénètre. Deuxièmement, coupez immédiatement l'électricité", a ainsi affirmé Armin Schuster, président de la BBK, organisme public spécialisé dans les catastrophes naturelles, au quotidien Bild. Des dizaines de morts ont été retrouvés dans leurs caves.

Certains experts pointent du doigt l'urbanisme et la bétonisation croissante des sols de l'Ouest de l'Allemagne, très urbanisée, au coeur de la "banane bleue", centre économique de l'Europe. "L'urbanisation, importante dans ces régions a joué un rôle. Le bilan aurait-il été aussi lourd il y a quarante ans ?", s'interroge ainsi Jean Jouzel. L'artificialisation des terres empêche l'eau de s'infiltrer dans les sols, qui ne jouent plus un rôle d'éponge, ce qui accroît les risques d'inondations.

Un casse-tête pour les assureurs allemands

Les assureurs s'attendent à des dégâts matériels d'une ampleur inédite pour une catastrophe de ce type. Voitures retournées, maisons défoncées, arbres arrachés, villages tout ou partie effondrés, les récentes intempéries ont souvent laissé derrière elles des images de désolation et d'importants dégâts matériels.

D'après les experts interrogés par l'AFP, il est encore trop tôt pour déterminer le coût total de ces destructions. Il faut "attendre que le niveau d'eau diminue pour découvrir les dégâts", explique Gianni De Muynck, porte-parole de l'assureur Axa Belgique, dans une déclaration transmise par courriel. "Actuellement, les gens sont encore en plein milieu de la catastrophe et ils règlent le plus pressé: les évacuations, les transports, le relogement et pour certains, le nettoyage et la constatation des premiers dégâts", détaille-t-il. Il prévient toutefois: "Comme tout le monde, nous savons qu'il s'agit d'inondations d'ampleur inédite, provoquant des sinistres importants, avec déjà des cas d'effondrement de maison, glissement de terrain, etc."

A titre de comparaison, des inondations qui avaient frappé en août 2002 plusieurs pays l'Europe centrale (dont l'Allemagne, la République Tchèque, la Slovaquie, l'Autriche et la Hongrie), faisant plus d'une centaine de morts, avaient causé plus de 20 milliards d'euros de dégâts au total, selon un rapport du ministère français de l'Écologie publié en 2003.

De façon plus générale, les pertes économiques engendrées à l'échelle mondiale par les catastrophes naturelles ont atteint 190 milliards de dollars en 2020, selon une estimation publiée fin mars par le géant suisse de la réassurance Swiss Re. Sur ce total, seuls 81 milliards étaient assurés.

Plus fréquentes que les catastrophes exceptionnelles comme un tremblement de terre ou un ouragan, les catastrophes dites "de second rang" (orages, tempêtes de grêle, inondations ou glissements de terrain) ont représenté 71% des frais pour les catastrophes naturelles pris en charge par les assureurs, soit un peu plus de 55 milliards d'euros.

Qu'est-ce qui est couvert par les assurances ? Dans la plupart des pays européens, ce sont souvent les couvertures habitation et automobile qui couvrent les dégâts liés aux inondations pour les particuliers. Mais les couvertures contre les phénomènes climatiques violents ne sont pas systématiquement incluses dans les contrats de base. C'est aux assurés de décider de payer ou non une prime supplémentaire pour être couverts contre ces épisodes catastrophiques.

La situation varie aussi d'un pays à l'autre. Par exemple, là où en France la souscription d'une garantie dite "catnat" est rendue obligatoire par la loi, la garantie inondation est facultative en Allemagne. "Ça semble être un phénomène historique, en termes de surfaces impactées et dans des zones où on n'avait pas l'habitude de voir ce type de catastrophes", estime auprès de l'AFP  Franck Le Vallois, directeur général de la Fédération française de l'assurance.

"En Europe de l'Est ces phénomènes existent, mais avec cette intensité et associés aux pertes annoncées par les pouvoirs publics, c'est quelque chose d'assez exceptionnel pour l'Europe de l'Ouest", ajoute Jean-Louis Charluteau, directeur d'une équipe de recherche et de surveillance du climat chez l'assureur Generali.

Selon lui, "le réchauffement global de la planète est une réalité, qui se manifeste partout. On observe une recrudescence de ces périls de second rang, qui hier représentaient une petite part des sinistres assurés, mais qui aujourd'hui surviennent de plus en plus fréquemment et coûtent ainsi de plus en plus".

Chez le réassureur allemand Munich Re, on met aussi l'accent sur l'importance de la prévention ces prochaines années: "nous devons nous attendre à ce que ces dégâts augmentent dans leur fréquence et leur intensité (...) À long terme, l'augmentation attendue des dégâts sera nettement plus coûteuse que si nous commençons maintenant la prévention qui, en fin de compte, freine l'augmentation des dégâts".

Commentaires 15
à écrit le 02/08/2021 à 22:11
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Euh... Il y a vraiment quelque chose à faire en matière de réchauffement climatique.?

à écrit le 19/07/2021 à 11:31
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Ce qui se passe en Allemagne est un véritable catastrophe humaine et économique. L’opportunisme des « écologistes » qui mettent en avant le réchauffement climatique est écœurant car la priorité est de remettre en question l’aménagement du territoire,...

à écrit le 18/07/2021 à 14:54
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Pas beaucoup d'information dans cet article, mais tout un tas de débats stériles, de la rhétorique baveuse en veux-tu en voilà, et tourne, tourne, le manège dans nos petites têtes bien farcies de délires variés. C'est tout ce qu'on sait faire, maint...

à écrit le 18/07/2021 à 12:15
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Vos pages sont rafraîchis toutes les minutes ce qui me fait perdre la rédaction des commentaires . quand est-ce à la Tribune vous allez corriger cette idiotie merci

à écrit le 18/07/2021 à 12:15
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Vos pages sont rafraîchis toutes les minutes ce qui me fait perdre la rédaction des commentaires . quand est-ce à la Tribune vous allez corriger cette idiotie merci

à écrit le 18/07/2021 à 12:10
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Cpte tenu de son impreparation relative à l'indemnisation des cata naturelles, l'Allemagne n'a pas vraiment pris la mesure de l'impact du réchauffement climatique sur son sol. Il est vrai que les stats en la matière étaient bcp plus défavorables ds l...

à écrit le 18/07/2021 à 11:48
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Cpte tenu de son impreparation relative à l'indemnisation des cata naturelles, l'Allemagne n'a pas vraiment pris la mesure de l'impact du réchauffement climatique sur son sol. Il est vrai que les stats en la matière étaient bcp plus défavorables ds l...

à écrit le 18/07/2021 à 11:15
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"L'extrême droite allemande par exemple réfute cette explication et crie à "l'instrumentalisation"" Merci Audiard !

à écrit le 18/07/2021 à 9:24
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Avec un tel bilan , je ne crois pas que les tenants de l’expression "écologie punitive ” aient encore droit de cité. ...

à écrit le 18/07/2021 à 5:33
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La liberté des hommes s'arrête là où commence celle de la Nature. Vivons ensemble justement, à son rythme.

à écrit le 18/07/2021 à 4:41
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Construire dans des zones inondables c'est courir un risque inutile et fou.

à écrit le 17/07/2021 à 18:49
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On s'y attendait, mais maintenant c'est certain. A partir de maintenant, n'importe quelle pluie sera la faute au réchauffement climatique. Pour mieux interdire les voitures thermiques encore plus rapidement que prévu.

à écrit le 17/07/2021 à 17:39
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La France peut aider l'Allemagne avec le "quoi qu'il en coûte".

à écrit le 17/07/2021 à 16:15
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Le climat a bon dos ! Nos voisins allemands sont aussi betes que nous en délivrant permis de construire en veux-tu, en voilà par clientélisme et en bitumant et bétonnant à outrance .. Le vrai coupable est la betise humaine et la cupidité de certains ...

à écrit le 17/07/2021 à 15:00
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L'Allemagne n'était-elle pas opposée au plan d'infrastructure européen pour conserver son excédant budgétaire? Il y a fort à parier qu'après telle catastrophe elle va songer à mutualiser SA reconstruction par "solidarité" européenne à géométrie ...

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