"Les impacts d'un climat qui change se font déjà sentir. Deux tiers de la population française est déjà fortement ou très fortement exposée au risque climatique. Nous devons être proactifs dans notre réponse à l'adaptation", a alerté Corinne Le Quéré, présidente du Haut conseil pour le climat (HCC), lors de la présentation de son troisième rapport annuel. Pour la première fois, ce document consacre un chapitre entier aux enjeux de l'adaptation.
"Dans un climat qui change, la gestion des crises qui se succèdent ne peut se réduire à des réponses ponctuelles, essentiellement réactives. Il est nécessaire d'adopter une logique préventive et d'utiliser les connaissances sur le changement climatique attendu au cours des prochaines décennies pour anticiper et se préparer. C'est le but de l'adaptation", explique l'organisme indépendant.
En janvier dernier, le Centre mondial sur l'adaptation (Global Center on Adaptation, GCA) rappelait déjà l'importance des deux volets de la lutte contre le changement climatique : la réduction des émissions des gaz responsables du réchauffement de l'atmosphère d'une part, et l'élaboration de solutions facilitant l'adaptation de la planète à ses conséquences d'autre part. Il s'alarmait des conséquences de la pandémie sur les financements de ces solutions, déjà très faibles.
Parent pauvre des politiques climatiques
Parent pauvre des politiques publiques climatiques en France et en Europe, l'adaptation doit venir compléter les politiques d'atténuation, qui elles consistent à diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
"L'atténuation et l'adaptation sont toutes les deux complémentaires et indispensables", insiste la climatologue.
L'Hexagone s'est bien doté d'une stratégie nationale d'adaptation au changement climatique en 2006, puis d'un plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC1) en 2011, révisé en 2018 pour aboutir au PNACC2 actuel, mais ces textes restent très peu directifs et pâtissent de plusieurs lacunes, expliquent les experts.
"Il faut des jalons temporels, des objectifs chiffrés, des priorités sectorielles et des indicateurs pour mesurer efficacement les politiques publiques d'adaptation, explique Magali Reghezza-Zitt, géographe spécialiste de la réduction des risques naturels et de la capacité d'adaptation et de résilience des individus et des territoires. Nous avons besoin d'une approche beaucoup plus systémique. Nous avons besoin d'un pilotage national", ajoute-t-elle.
Une hausse de 228.57 % des jours de vague de chaleur à Paris
Très concrètement, le changement climatique se traduit actuellement par une dégradation en quantité et/ou en qualité des ressources en eau douce et en biodiversité. "Les secteurs qui dépendent de ces ressources et, plus largement, des températures et des précipitations seront particulièrement affectés : agriculture, élevage et sylviculture, pêche et aquaculture, énergie, tourisme", précise le rapport. En France, les forêts, déjà fragilisées par le changement climatique, n'ont ainsi capté que les 3/4 des émissions de CO2 escomptées sur la période 2015-2019.
Toutefois, c'est bien l'augmentation de la fréquence et/ou de l'intensité des extrêmes météorologiques et climatiques qui aura les conséquences les plus importantes sur ces mêmes activités.
Selon les anticipations de Météo France, les vagues de chaleur pourraient sensiblement s'intensifier dans les années à venir. Paris passerait ainsi à 7 jours de vague de chaleur en moyenne chaque année, sur la période 1976-2005, à 23 jours sur la période 2041-2070, soit une progression de 228,57%. La ville de Lyon passerait, elle, de 10 à 36 jours, soit une hausse de 260%.
"Des activités importantes pour les territoires vont être fortement modifiées", prévient Magali Reghezza-Zitt.
Une gamme de réponses
Quelle forme peut alors prendre une politique d'adaptation pour limiter les conséquences d'un climat qui change ? "Il existe une gamme de réponses", affirme Corinne Le Quéré. Dans l'agriculture, par exemple, cela peut consister à simplement changer les dates des semis ou à modifier les variétés plantées. La réponse peut aussi reposer sur un changement plus structurel comme concevoir des nouveaux systèmes agricoles. Autre piste : recouvrir les sols de matière organique pour améliorer leur capacité à retenir l'eau.
Si l'adaptation doit être intégrée de manière systématique dans les politiques climatiques, celle-ci ne doit pas, en revanche, être le prétexte d'une inaction sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, souligne le HCC.
"Plus on repousse l'action d'atténuation dans le temps, plus les efforts à consentir seront importants. Il faut faire en sorte que l'atténuation et l'adaptation aillent de paire", insiste Magali Reghezza-Zitt.
S'inspirer des villes
L'organisme indépendant recommande aux pouvoirs publics de s'inspirer des bonnes pratiques mises en place par certaines villes et grandes régions urbaines. Les experts citent notamment le réseau 100 resilient cities, impulsé par la fondation Rockefeller. Dans ce cadre, Paris a adopté en 2017 une stratégie de résilience intégrant des problématiques d'adaptation aux changements climatiques. "D'autres collectivités ont engagé des réflexions prospectives exemplaires sur les impacts et les vulnérabilités territoriales comme en Nouvelle Aquitaine dans le cadre du projet AcclimaTerra", souligne le rapport.
"Aujourd'hui, il n'existe pas d'exemple de pays ayant adopté une stratégie nationale qui permet d'aller aussi loin que nécessaire", regrette Magali Reghezza-Zitt.
La géographe pointe enfin la question des inégales capacités d'adaptation. Ces dernières doivent être prises en compte dans une optique de transition juste.
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