La Cour des comptes appelle encore l'Ademe à se serrer la ceinture

Gestion des aides, des ressources humaines, de sa stratégie immobilière: l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) peut mieux faire, selon la Cour de comptes. Elle reconnaît toutefois que l'Ademe "parvient à assumer de façon globalement satisfaisante" un nombre croissant de missions.
Giulietta Gamberini
Pourtant, à la différence d'autres opérateurs de l'État, les capacités d'interventions financières de l'Ademe ont été globalement préservées et ses effectifs augmentés.

Chargée de la mise en œuvre des politiques environnementales de l'Etat depuis le Grenelle de l'environnement, et de plus en plus mobilisée depuis l'adoption de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) tient le rythme malgré l'augmentation de ses missions. Sa gestion n'est toutefois pas suffisamment rigoureuse, notamment dans un contexte d'incertitude sur la soutenabilité de ses engagements financiers.

Telles sont les conclusions du tout dernier contrôle mené sur les exercices 2009 à 2014 (avec, dans la mesure du possible, une actualisation à 2015) par la Cour des comptes, qui les a rendues publiques le 20 mars. Elles répètent en partie les observations déjà formulées dans le rapport précédent de 2010, portant sur les exercices 2004 à 2008, souligne la Cour.

Un fonds de roulement bientôt insuffisant?

Opérateur principal de l'État en matière de transition énergétique, l'Ademe a vu ses missions d'expertise et d'intervention financière s'étendre au rythme de l'élargissement des domaines recouvert par la transition énergétique et écologique, reconnaît la Cour. A la différence d'autres opérateurs de l'État, ses capacités d'interventions financières ont ainsi été globalement préservées -malgré la suppression progressive, à partir de 2011, des subventions
versées par le ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer- et ses effectifs augmentés, ce qui lui a permis de "assumer de façon globalement satisfaisante" son rôle, note la Cour des comptes. Elle est par exemple devenue l'un des acteurs majeurs du programme des investissements d'avenir (PIA), pour lequel des moyens financiers dépassant 3 milliards d'euros lui ont été alloués pour la période 2010-2015.

Le risque, "à partir de la fin de 2017" et "à ressources constantes", d'"une insuffisance de fonds de roulement" est toutefois pointé du doigt par la juridiction administrative. Il est l'effet de l'écart entre les dépenses décidées annuellement par le ministère de tutelle, de l'ordre de plus de 650 millions d'euros depuis 2013, et les règlements pouvant être assurés par l'agence elle-même, de l'ordre de 500 millions d'euros. "Il en résulte que le volume des restes à payer n'a cessé d'augmenter", écrit la Cour des comptes : entre 2011 et leur montant est passé de 925 millions d'euros à 1.335 millions d'euros, soit une hausse de 44%. Le fonds de roulement, d'ailleurs, en croissance entre 2010 et 2014, a commencé à baisser en 2015. Mais "cette situation, prévisible depuis au moins trois ans", n'a pas jusqu'à présent été corrigée, déplore la juridiction, appelant le ministère de tutelle et l'agence à en tirer les conséquences, "soit sur le niveau des engagements futurs de l'ADEME, soit sur le montant des ressources à lui affecter sans attendre la programmation triennale 2018-2020".

Un temps de travail inférieur à la durée légale

La Cour épingle en outre l'Ademe pour sa gestion de ses plus de 500 millions d'euros de budget et 1.100 agents. Premier point d'amélioration évoqué, l'administration des aides : si la Cour des Comptes ne conteste pas les règles d'attribution choisies, elle réclame en revanche davantage de "contrôles a priori et a posteriori". Elle appelle également le ministère à "rechercher, pour les projets les plus importants, une complémentarité de financement entre l'Ademe, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et la Banque publique d'investissement (BPI)" : une approche à laquelle Ségolène Royal, dans sa lettre de réponse, se dit favorable.

En matière de gestion des ressources humaines, le rapport recommande le "respect de la durée légale de travail" de 1607 heures, à laquelle le "temps de travail annuel d'une partie du personnel est sensiblement inférieur": en 2014, pour les employés, la moyenne était de 1.513 heures. Elle regrette également que "les absences d'un agent pendant 48 heures consécutives ne fassent l'objet d'aucune justification et cela, quel qu'en soit le nombre dans l'année". Une situation essentiellement due, selon l'Ademe, à "certaines rigidités ou mesures favorables aux salariés" de la convention collective interne de 1993, et dont la direction se dit consciente, sans pour autant envisager d'évolutions en dehors d'"un cadre négocié avec les partenaires sociaux".

Un Epic sans recettes propres

La Cour des comptes reproche également à l'agence de ne pas avoir engagé, malgré les recommandations déjà formulées en 2010 et la réforme territoriale, de révision de sa stratégie immobilière, notamment dans le centre d'un meilleur regroupement des services centraux à Angers et de la fermeture des délégations régionales devenues obsolètes. Elle constate enfin des "défaillances" dans le respect des règles de la commande publique dans la fonction "achats", dont une centralisation est demandée avant la fin du premier semestre 2017.

"Principal opérateur de l'État en matière de développement durable et de transition
énergétique, l'Ademe doit aussi se montrer exemplaire dans sa gestion interne", résume la Cour, qui suggère néanmoins une autre piste s'ajoutant à celle de la rigueur: une mise à profit du statut d'Établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) de l'Ademe. Seul 1% des ressources de l'agence correspond aujourd'hui à des recettes propres, dont deux tiers constitué du produit de la taxe générale sur les activités polluantes (450 millions d'euros en 2015). La proposition pourrait avoir du succès : le ministère de l'Environnement affirme "partager l'analyse de la Cour selon laquelle il convient de réfléchir à une meilleure valorisation de son expertise". L'Ademe dit pour sa part "étudier actuellement les possibilités de trouver des ressources externes".

Giulietta Gamberini

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Commentaires 5
à écrit le 26/03/2017 à 8:45
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L'objectif de l'ADEME ne doit pas être exclusivement écologique. Il doit aussi être économique. En fait, les deux objectifs sont compatibles. Il revient à augmenter le prix de l'énergie (pour le climat) et à utiliser cette augmentation pour financer ...

à écrit le 24/03/2017 à 14:03
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C'est toujours utile d’avoir un organisme indépendant et intègre. Il faut une volonté et une politique pour mettre en œuvre la transition énergétique et avec l'ADEME on sait qu'ils œuvrent dans le sens du progrès. Maintenant, la plus part des F...

à écrit le 24/03/2017 à 8:42
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l'ADEME, ce gros machin qui vient faire la leçon à tout le monde. La paille et la poutre ont encore de l'avenir

à écrit le 24/03/2017 à 6:40
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l'ADEME est une des danseuses de la république qu'il faudrait, non pas réformer mais éliminer purement et simplement.

à écrit le 23/03/2017 à 17:21
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Ministère de l’environnement,Ademe et autres offices qui ne font que du vent. Reste le problème de nos déchets,produits périmés,de fin de vie ,qui contrairement à l'Allemagne ne sont pas traités!!! Et au final 1 MILLION d'EMPLOIS sur ce seul sect...

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