Transport : avec l’acquisition d’EasyLI, Manitou accélère sur l’électrique

Avec l’ambition de commercialiser 43% de véhicules électriques à l’horizon 2030, le leader mondial des engins de levage et manutention Manitou vient d’acquérir le fabricant de batterie Lithium-ion EasyLI. Un moyen de se doter des compétences adéquates pour doper la recherche et développement, optimiser ses machines et accélérer sa transition énergétique.
La gamme de Manitou Group comprend aujourd'hui six-cents modèles, parmi lesquels les nacelles qui connaissent un véritable engouement. Légères et polyvalentes, elles sont les premières à être électrifiées.
La gamme de Manitou Group comprend aujourd'hui six-cents modèles, parmi lesquels les nacelles qui connaissent un véritable engouement. Légères et polyvalentes, elles sont les premières à être électrifiées. (Crédits : Manitou)

C'est l'un des axes de développement qui doit permettre de poursuivre la trajectoire bas-carbone visée par le groupe Manitou. Mais c'est aussi un moyen de satisfaire des commandes dont la moitié des nacelles et un tiers des chariots élévateurs se portent, aujourd'hui, vers l'électrique. Pour faire face à cette tendance, le 16 décembre dernier, Manitou Group, l'un des leaders mondiaux de la manutention, de l'élévation de personnes et du terrassement, annonçait la prise de participation de 82 % de la société EasyLI, spécialisée dans la conception et la production de batteries lithium-ion, dédiée à des solutions de mobilité électrique et de stockage d'énergie stationnaire. Ce dernier est un acteur engagé pour la souveraineté française et la transition écologique, soutenu par BPIFrance (Les Excellences, Cop Vert, French Fab).

Fondée en 2011 à Poitiers, EasyLI (25 salariés), déployée à travers un bureau d'études, un laboratoire de tests et de prototypage et un atelier de fabrication, a développé son expertise sur l'électromobilité (vélos, scooters, chariots de manutention, karts électriques...), les systèmes d'énergie embarqués où les questions d'autonomie, de poids, de coûts, de gestion de charge... sont prépondérantes, et les solutions de stockage d'énergie pour l'habitat et les Smartcities. C'est ce savoir-faire que Manitou Group qui ambitionne de commercialiser 43% de véhicules électriques d'ici à 2030 contre 15% actuellement, principalement pour des besoins industriels (Indoor), est venu chercher. Or, cette fois, c'est sur le matériel tout terrain (Outdoor), l'ADN du groupe, que l'industriel entend se pencher.

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Le marché décolle en Europe du Nord

« Aujourd'hui, l'Europe, et principalement, l'Europe du Nord -Pays-bas, Danemark, Suède, Norvège- , est la région la plus demandeuse de matériel à faibles émissions. Notamment dans le segment de l'élévation de plateformes. Des engins faiblement engagés dont la consommation énergétique est peu importante. C'est-à-dire qu'ils peuvent être électrifiés à un coût raisonnable tout en respectant les besoins de puissance du client », explique Arnaud Boyer, directeur du marketing et du développement produits et services, et vice-président de Manitou Group. Lors de la dernière édition du salon international Bauma, spécialisé dans les machines pour le BTP, à Munich (Allemagne), en octobre dernier, Manitou Group présentait quatre nacelles électriques, un chariot télescopique fixe et deux chariots télescopiques rotatifs. Un choix stratégique.

Optimiser pour éviter de puiser dans les ressources naturelles

Ces nacelles tout-terrain, relativement légères, utilisées pour tailler des arbres ou poser un bardage, nécessitent une faible puissance et peuvent être déployées sur des chantiers où l'électricité n'est pas forcément disponible partout. « En les rechargeant la nuit, elles offrent une autonomie de deux jours. En revanche, pour des engins plus fortement engagés, comme des chariots télescopiques, plus lourds, qui requièrent plus d'énergie, c'est un autre challenge ! C'est pourquoi nous nous sommes rapprochés d'EasyLI », explique Arnaud Boyer, quand d'autres constructeurs font le choix de transférer les technologies de l'indoor, généralement moins sollicitées, vers l'outdoor ou de choisir des batteries sur étagère. « De plus, les batteries coûtent chères. Si elles ne sont pas optimisées, cela signifie ajouter des batteries et, in fine, puiser dans les terres rares... C'est bien beau de construire des machines qui n'émettent pas de carbone, mais si on surconsomme des ressources naturelles, ce n'est pas franchement aligné en termes d'objectifs... Sans compter que l'on rajoute du poids, des volumes, des coûts, ça n'a pas de sens », justifie le vice-président.

Manitou ancenis

Sur cinq ans, des coûts d'utilisation identiques au thermique

Pour l'industriel qui reconnait apprendre en marchant, la maitrise de la fabrication des batteries, la gestion de l'électronique, l'optimisation de la charge est devenu un enjeu stratégique. « La batterie est loin d'être un composant anodin. C'est l'élément de la valeur ajoutée d'une machine. Une bonne maitrise de ces éléments technologiques nous a paru indispensable », indique Michel Denis, Directeur général de Manitou Group. De fait, l'expertise d'EasyLI va permettre l'élaborer un BMS « Battery Management System » adapté aux engins de Manitou pour optimiser les consommations ... et les coûts de fabrication. Car, si l'utilisation d'une batterie au plomb représente un différentiel de 15% à 20% par rapport à un engin thermique, la technologie Lithium affiche un surcoût de 50%. Loin d'être neutre sur une nacelle à 40.000 euros.

Le marché est-il prêt à l'accepter ? « A-t-on vraiment le choix ?», interroge Arnaud Boyer. Au regard de la flambée des prix de l'électricité et du gasoil, Manitou oppose des coûts de maintenance et des consommations beaucoup moins élevés. « Si l'on regarde sur cinq ans, le coût d'utilisation à l'heure de la machine est identique ou moins important, même si le prix d'achat est plus élevé. Et l'on ne nuit pas à la planète», argumente-t-il. Et pour l'heure, l'alternative de la technologie hydrogène, malgré un premier engin présenté en novembre dernier, n'est pas encore mûre. Notamment en l'absence d'infrastructures dans l'Hexagone. « La demande est forte dans les pays nordiques, en Suède, notamment. Quand on voit, aussi, l'avance des allemands dans ce domaine, ce serait bien que l'on commence à parler d'un réseau de distribution en France...», affirme  Arnaud Boyer.

Des investissements à dimensionner et un carnet de commande en hausse

Sur un terrain relativement nouveau pour les industriels, Manitou n'a pas voulu mettre tous ses œufs dans le même panier. « Nous continuerons à faire appel à des fournisseurs de batteries, mais nous avons décidé d'avoir notre propre capacité de production. Ce n'est pas tout l'un ou tout l'autre dans notre stratégie. Derrière, il y a aura des investissements...», indique Michel Denis. Lesquels et à quelle échéance ? Ils seraient calés et planifiés dans le business plan. « On va s'ajuster en fonction des travaux de R&D menés avec EasyLI. Il faudra faire des arbitrages pour dimensionner exactement les besoins, selon la typologie de batteries choisie et la qualification de tel ou tel modèle. Je ne peux donc pas donner de date », dit-il. A Laillé, près de Rennes, où Manitou fabrique des chariots télescopiques fixes compacts et où à été lancée la fabrication des premières nacelles électriques, il a fallu réaménager l'espace et revoir l'organisation de travail. « Ça n'a rien à voir avec le thermique », reconnait Arnaud Boyer. A Laillé, Ancenis (44) et Candé (49) sur trois des quatre sites de production en France, quatre-vingts millions d'euros viennent d'être investis pour accompagner la croissance et la transition écologique du groupe.

Après avoir perdu 500 millions d'euros avec la crise sanitaire, Manitou affiche un chiffre d'affaires en progression de +26% en 2022, et même +54% sur le dernier trimestre 2022, où à cette date, le carnet de commandes atteignait 3,5 milliards d'euros contre 2,9 milliards d'euros pour la même période en 2021. Pour 2023, Manitou Group table sur une progression de chiffre d'affaires de +20%. Reste que si la France et l'Europe du Nord (15%) se révèlent les meilleurs élèves pour l'acquisition de machines à faibles émissions,  les volumes, toutes technologies confondues, passent majoritairement par l'Europe du Sud (38%) et les Amériques (30%). Une autre problématique.

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