Transport maritime : Shell et GTT se lancent dans le développement d'un hydrogènier

Les deux groupes lancent une coopération pour développer des technologies permettant le transport de l'hydrogène liquide. Dans un entretien accordé à La Tribune, le PDG de GTT Philippe Berterottière estime que "la technologie sera prête vers 2025 et que le navire pourrait être disponible vers 2028".
Michel Cabirol
Le premier hydrogènier mis en service (Kawasaki, Shell Japan)
Le premier hydrogènier mis en service (Kawasaki, Shell Japan) (Crédits : Kawasaki)

On connait les méthaniers, mais bientôt on verra sur les mers des "hydrogéniers", ces navires qui transporteront de l'hydrogène liquéfié. Le pétrolier anglo-néerlandais Shell et GTT, la pépite technologique française des systèmes de confinement à membranes dédiés au transport et au stockage des gaz liquéfiés, se lancent dans l'aventure des hydrogèniers. Les deux groupes ont annoncé mardi leur coopération pour développer des technologies permettant le transport de l'hydrogène liquide (LH2).

"Cet accord de coopération fait partie intégrante de la stratégie de Shell visant à développer une chaîne d'approvisionnement en hydrogène s'appuyant sur des technologies de transport d'hydrogène liquéfié évolutives et sûres", ont souligné Shell et GTT dans un communiqué commun.

Objectif, mettre en service en 2028 un navire doté d'une cuve stockant 10.000 mètres cubes environ, confie le PDG de GTT Philippe Berterottière dans un entretien à La Tribune. Soit près de 10 fois celle du Suiso-Frontier, ce navire démonstrateur (1.250 mètres cubes) développé par les groupes japonais Kawasaki, Electric Power Development Co, Iwatani et... Shell Japan et mis en service fin 2021.

Des technologies matures vers 2025

Après avoir travaillé avec Kawasaki, Shell a visiblement souhaité changer de partenaire en se tournant vers GTT. C'est dans cette perspective que le leader mondial de la conception de systèmes de confinement à membranes cryogéniques utilisés pour le transport maritime et le stockage du gaz naturel liquéfié (GNL), va concevoir le design préliminaire d'un hydrogènier, ainsi que celui du système de confinement destiné à un hydrogènier de taille moyenne. "Nous considérons que la technologie sera prête vers 2025 et que le navire pourrait être disponible vers 2028", assure Philippe Berterottière. La coopération avec Shell permettra "une nouvelle rupture technologique dans le monde du transport maritime avec le déploiement, sûr et évolutif, du transport de l'hydrogène liquide", a estimé le patron de GTT dans le communiqué.

"Nous avons beaucoup d'idées sur la façon dont nous allons pouvoir développer une technologie de cuve pour de l'hydrogène liquide. Elle sera extrêmement différente des cuves de méthanier parce que la densité de l'hydrogène est beaucoup plus faible et la température beaucoup plus froide (- 253 degrés)", précise le patron de GTT.

Tout l'enjeu est de stocker l'hydrogène dans des cuves très hermétiques. "Le moindre apport de chaleur réchauffe l'hydrogène liquide et provoque de l'évaporation et, donc, beaucoup de pertes, explique Philippe Berterottière. Il faut développer une isolation extrêmement efficace pour essayer de garder l'hydrogène à une température de - 253 degrés très longtemps".

Concurrences asiatiques

GTT n'est pas le seul à se lancer sur ce marché. "Il y a beaucoup d'entreprises qui travaillent sur cette idée, en particulier en Asie. C'est une course qui est lancée", note le PDG de GTT. Pour autant, très peu de projet, et encore moins de calendrier, ne filtrent pour le moment à l'exception du Suiso-Frontier. Une course dans laquelle les chantiers navals japonais et coréens mettent beaucoup de moyens. Ces chantiers sont bien connus de GTT puisqu'ils sont les partenaires de GTT dans le transport du GNL. "Ils n'ont pas de technologie à proposer pour le GNL mais aimeraient proposer des technologies pour l'hydrogène liquide, constate Philippe Berterottière. Ils ont des ambitions considérables dans l'hydrogène. Ce n'est pas forcément pour cela qu'ils auront les meilleures idées. Mais il ne faut absolument pas les négliger ou les sous-estimer".

La volonté de Shell d'investir à nouveau dans le transport de l'hydrogène par voie maritime crédibilise ce marché. "L'idée de Shell est de montrer qu'un acteur majeur du transport par navire de liquide cryogénique investit dans des technologies de rupture", analyse Philippe Berterottière. Résultat, l'ensemble de la filière maritime commence à considérer de façon très sérieuse le fait que l'hydrogène pourrait devenir crédible en tant qu'énergie verte sous la pression de la réduction du CO2. Dans le même temps, les grands énergéticiens et leurs fournisseurs regardent si la chaîne de l'hydrogène a un intérêt économique : quel est le coût de développement de tous les maillons de cette chaine ? À quel prix peut-on vendre l'hydrogène?

Shell veut une hydrogène verte

"Shell a pour ambition de devenir un fournisseur d'énergie à zéro émission nette au plus tard en 2050, ambitionne le directeur général Technologie, Innovation et Digitalisation de Shell Shipping and Maritime, Carl Henrickson. Nous considérons que l'innovation et les technologies portant sur l'hydrogène joueront un rôle majeur pour atteindre cet objectif". Ainsi, Shell souhaite transporter de l'hydrogène de pays très ensoleillés (Afrique du Nord, Moyen Orient, Australie, Mexique et sud des Etats-Unis....), qui produiront de l'hydrogène à partir d'énormes champs de centrales solaires, vers des pays, qui ont des besoins en énergie près des côtes (sidérurgie, industrie du verre....)

"C'est toute une nouvelle chaîne industrielle et d'approvisionnement, qui se met en place pour produire de l'hydrogène vert", souligne le patron de GTT. Aujourd'hui, ce n'est pas encore tout à fait le cas. "Pour produire une tonne d'hydrogène, il faut produire 8 tonnes de CO2. Donc l'hydrogène actuelle est une catastrophe environnementale", souligne-t-il. GTT participe à la mise en place de cette chaine en travaillant avec Shell sur le projet d'un hydrogènier. GTT et Shell se positionnent sur un marché d'avenir, l'hydrogène étant bien placée pour devenir l'énergie verte de demain. Selon une étude de BloombergNEF publiée lundi, le financement des pays pour l'hydrogène s'élève à 16 milliards de dollars par an dans le monde, en hausse de 40 % par rapport à juillet 2021. Ce qui montre que l'hydrogène propre joue déjà un rôle important dans la décarbonation de l'économie, selon BloombergNEF.

Michel Cabirol

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 09/02/2022 à 18:16
Signaler
Il pourra circuler avec son hydrogène, c'est pas mal. Ou à l'ammoniac, voire le GNL (vu pour les ferrys allant à l'ile Gotland en Suède, interdit de fumer à bord & au port aussi), ça se fait de plus en plus de navires neufs roulant au GNL (méthane) m...

à écrit le 09/02/2022 à 2:47
Signaler
Ne peut on le produire sur place ?

à écrit le 08/02/2022 à 10:39
Signaler
Nolife ?

à écrit le 08/02/2022 à 8:01
Signaler
Ne me dites pas qu'ils gardent ces aberrations mécaniques marines avec leurs moteurs ultra polluants au pétrole pour transporter une énergie qu'ils disent propre quand même ? Non ils ne peuvent pas aller aussi loin dans la bêtise c'est pas possible q...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.