"L'industrie 4.0 invite le salarié à développer son sens de l'initiative" Hubert Mongon, UIMM

Les métiers et les organisations du secteur sont en pleine évolution, explique Hubert Mongon, délégué général de l'UIMM.
(Crédits : UIMM)

LA TRIBUNE - Cobotique, réalité augmentée, Internet des objets..., de quelles compétences l'industrie du futur a-t-elle besoin ?

HUBERT MONGON - La moitié de nos métiers va être transformée ou profondément modifiée par le digital. En particulier, l'organisation du travail se fera davantage en mode projet. Par exemple, dans le pliage des tôles sur les presses à très grande puissance, c'est un robot qui positionne les tôles de tailles et d'épaisseurs différentes avec une régularité et une cadence plus élevées. Outre le pilotage, l'opérateur mène des missions de maintenance simple ou de supervision. Par conséquent, une tâche complexe, qui exigeait une grande expertise, s'exécute à présent avec un peu de formation, mais un haut niveau technologique, pour un résultat très fiable.

La maintenance semble particulièrement transformée...

Oui. La maintenance d'assistance cède la place à la maintenance prévisionnelle. Il s'agit d'anticiper la façon de faire évoluer la machine en tenant compte de difficultés qui ne sont pas encore survenues. Chez un fabricant de machines alsacien, j'ai vu un technicien de maintenance qui assistait sur sa tablette un agent dans le diagnostic et le dépannage d'une installation complexe, dont il recevait les images vidéo en direct... de Chine ! À présent, on travaille non seulement à distance, mais aussi en collaboration avec des confrères dans des entreprises différentes pour s'enrichir mutuellement, collectivement, dans le cadre d'une maintenance connectée.

Le collaboratif est-il de plus en plus lié à un contexte d'internationalisation ?

En effet. La plupart des métiers traditionnels de l'industrie sont clairement portés par la globalisation. D'ailleurs, outre l'anglais et l'allemand, de plus en plus de salariés nous adressent des demandes de formation en mandarin...

Comment la métallurgie développe-t-elle les compétences liées à l'industrie 4.0 ?

Depuis novembre dernier, un Engagement de développement de l'emploi et des compétences (Edec), financé à 30 % par l'État et à 70 % par la branche, a été signé pour inciter les entreprises de moins de 250 salariés à engager un diagnostic de maturité numérique. Objectif : savoir où elles en sont concernant l'impact du digital. Il en découle une série d'actions : accompagnement, conseil en RH, formation...

Outre le pilotage de lignes de production et la maintenance, quels sont les autres enjeux des métiers industriels ?

Citons les réglages complexes, le suivi et la mise au point des robots de production. Les métiers de régleur et d'intégrateur de robotique comportent une dimension nouvelle dans la maîtrise des machines. En outre, les réflexions se multiplient autour des méthodes de management et d'animation des équipes sur le principe d'autonomisation des salariés. Bien sûr, l'autonomie est présente depuis longtemps dans l'industrie. Mais, aujourd'hui, l'industrie 4.0 invite à développer le sens de l'initiative ainsi que la capacité à régler les problèmes au plus près des outils, plutôt qu'à faire systématiquement appel à des spécialistes. Cette évolution est très attendue par les nouvelles générations.

La nouvelle culture industrielle se nourrit-elle de l'autonomie, des hiérarchies plates, de la RSE, des fab labs ?

Ne confondons pas autonomie et indépendance. Pour qu'une organisation fonctionne, chacun doit avoir une mission bien définie. La notion de travail en équipe est très importante dans l'industrie. À cet égard, il y a dix-huit mois, la branche a décidé de renégocier 100 % des textes qui constituent le corps des conventions collectives, des accords, des textes nationaux... Bref, tout ce qui a été produit en négociation avec les organisations syndicales depuis l'après-guerre ! Dans ce travail, nous avons discuté pendant un an avec les syndicats sur la classification des emplois pour l'ensemble des salariés de la branche. Parmi les critères « classants », quatre sur six ont été modifiés. Et les nouveaux portent sur le niveau de contribution de l'emploi par rapport à l'organisation, la communication requise pour faire fonctionner l'équipe, le niveau de connaissance (pas seulement le diplôme) et la coopération avec son environnement. Seuls deux critères ont été conservés : l'autonomisation, qui s'est renforcée, ainsi que la complexité de l'activité.

Que faut-il en déduire ?

Cela montre aux jeunes générations que nos métiers et les organisations sont en pleine évolution. Certes, toutes ne vont pas jusqu'à l'entreprise libérée, mais les organisations et hiérarchies plates se développent. Quant à l'aspect fab lab, il faut savoir que, avec la chambre territoriale de Champagne-Ardenne, la branche a co-créé le centre Platinium 3D à Charleville-Mézières, qui possède six machines d'impression 3D parmi les plus pointues en Europe. Plus globalement, nos 110 pôles de formation accueillent 130 000 salariés et 43 000 alternants par an, du CAP au diplôme d'ingénieur. Les entreprises viennent également y former leurs propres salariés, voire y produire des pièces sur ces machines qu'elles n'ont pas les moyens d'acquérir. L'UIMM y a ainsi investi 50 millions d'euros ces deux dernières années afin de répondre aux enjeux de transformation technologique et numérique.

La réforme de la formation professionnelle va-t-elle dans le bon sens ?

Trop tôt pour le dire. La gestion des contributions par l'Urssaf et la remise en cause des Organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) remettent l'État au centre du jeu, qui parle de créer France Compétences. Ce qui pose des questions en termes de gouvernance et de financement. Ensuite, du point de vue de l'entreprise, nous nous interrogeons sur la monétisation du Compte personnel de formation (CPF) : 500 euros par an au lieu de 50 heures dans la limite de 5 000 euros sur dix ans (8 000 euros pour un changement de métier). Où sont les provisions ? Que deviendront les sommes centralisées par la Caisse des dépôts ? Comment seront-elles réinjectées dans les dispositifs de formation ? Enfin, concernant l'accompagnement du salarié dans son projet professionnel, il est question de lui accorder la liberté de construire son employabilité et donc son plan de formation à long terme. C'est ambitieux et louable sur le papier, mais il importe surtout d'instaurer des conditions réalistes pour y parvenir.

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