Exode rural : le Meetic de l’entreprenariat « Comm’une opportunité » fédère urbains et villages désertés

A la manière d’un site de rencontres, la plateforme Comm’une Opportunité met en relation les territoires, les communes et les villages avec des porteurs de projets en quête d'opportunité d'affaires à visée sociale, communautaire et sociale. Un moyen de lutter contre la désertification des zones rurales et d’accompagner des urbains soucieux de redonner du sens à leur vie. Trois ex-parisiens ont allié leurs compétences en communication digitale, webdesign et développement web pour jouer les entremetteurs et créer leur propre entreprise.
(Crédits : DR)

A la Guyonnière, en Vendée, le bar de la commune fermé depuis un an et demi a rouvert ses portes le 14 décembre dernier. Accoudé au comptoir du Hall des artistes, Franck Savary, maire délégué de cette commune 2.800 habitants, affiche le sourire des missions accomplies. Face à lui, Daisy Duquesnoy, commerçante pur jus, déballe ses projets dans un lieu fraichement relooké par la mairie. « On va organiser des soirées à thèmes, des pièces de théâtre, des concerts, des rendez-vous associatifs... », promet celle qui après avoir tenu des bars à vin à Lille et dans le Sud de la France a posé son sac dans le bocage vendéen.

« Je cherchais à reprendre une affaire qui me correspondait, quelque part en France», dit-elle.

Jusqu'à tomber sur la plateforme Comm'une Opportunité, créée pour mettre en relation des porteurs de projets et des collectivités en mal de visibilité pour lutter contre la désertification et faire revenir des habitants dans les communes.

Sans activité économique, « combien de temps réussirons-nous à maintenir l'école ?  »

« C'est parti d'un projet personnel en 2016 qui visait à quitter la vie parisienne pour offrir un cadre de vie plus attractif à notre premier enfant. Au départ, mon mari voulait lancer un concept store de design français. Au moment de choisir un lieu d'implantation, nous avons cherché un outil pour nous aider à le trouver. Sans succès. Alors j'ai décidé de le créer », raconte Julie Levêque, ex-responsable de communication digitale, devenue co-fondatrice de la plateforme Comm'une opportunité.

« On avait d'un côté de plus en plus de jeunes couples, de diplômés de la finance, de la communication, d'écoles d'ingénieurs, prêts à se lancer dans l'entreprenariat sans forcément savoir qui pourrait être intéressé par leur projet, et de l'autre des territoires qui peinent à se faire connaitre », justifie-t-elle, se souvenant de son village natal normand de 600 habitants où le garage automobile ne délivre plus d'essence, l'épicerie, la pharmacie et le dernier bistrot sont à vendre. « Et la question est, combien de temps réussirons-nous à maintenir l'école ? ».

Un marché immense grâce au millefeuille administratif français

De fil en aiguille , l'idée est venue d'utiliser la communication digitale pour mettre en relation les collectivités et les porteurs de projets, « là où l'on a besoin d'eux ». « On a voulu réinventer le concept des sites de rencontre », explique Julie Lévêque, associée à Virginie Bois qui a roulé sa bosse durant dix ans en France et en Allemagne dans le graphisme et le webdesign et Alexandre Salaün, développeur web.

Fondée en 2019 avec un peu de « love money », le soutien d'un bourse French Tech et de la région des Pays de la Loire, cette SAS de l'économie sociale et solidaire dit avoir préféré, dans un premier temps, « la levée de confiance aux levées de fonds ». Après une année blanche due à la crise sanitaire, Comm'une opportunité a, en un an, convaincu quarante-territoires, représentant 300 communes et 1.280 porteurs de projets de se rejoindre sur la plateforme.

Sur un « marché » constitué 1.253 EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale) et 34.961 communes, l'ambition cette année est de toucher quatre-vingts communautés de commune et doubler ce chiffre l'an prochain. « Actuellement, deux cent cinquante conversations sont engagées. Ce sont toujours des processus long. Le temps des porteurs de projets n'est pas celui des collectivités », observe Julie Levêque, qui espère voir aboutir au printemps l'implantation d'une épicerie dans le Périgord et la création d'un atelier textile en Nouvelle-Aquitaine.

« C'est un bon outil de marketing territorial pour les villages et la communauté de communes, complémentaire aux offres existantes et qui nous permet de gagner en visibilité », estime Charline Jouan, responsable du service développement économique de la Communauté de Communes du Pays de Mortagne (11 communes) en Vendée, contactée par six ou sept porteurs de projets au cours des six derniers mois. « Rien n'a abouti jusqu'à présent, mais cela nous permet de toucher des porteurs de projets au-delà de nos traditionnelles frontières », reconnait-elle, proposant l'occupation d'une cellule commerciale à la Verrie (85).

hall des artistes la guyonnière (85)

[A la Goyonnière, avec le Hall des artistes la commune a retrouvé un bar dont l'activité avait disparu depuis un an et demi.]

La difficulté, c'est le timing

Gratuits pour les porteurs de projet, les services de la plateforme sont facturés 500 euros par an pour un village de moins de 1.500 habitants et sur la base d'un forfait au prorata du nombre d'habitants pour les communes de plus grande importance. « On veut que tout territoire puisse s'offrir nos services », défend Julie Lévêque.

La plateforme leur permet des présenter le profil, les atouts et les disponibilités de leur territoire et de diffuser des annonces. Chaque projet, émergeant ou avancé, fait lui l'objet d'une phase de modération et peut être, si besoin, bénéficier des conseils d'une coach (30 minutes). « C'est une plateforme avec qui l'on a de réels contacts humains et qui m'a permis d'entrer rapidement en relation avec le service de développement économique du Pays des Herbiers », souligne Daisy Duquesnoy, auditionnée en trois semaines par la mairie. « Nous avions établi un cahier des charges où nous souhaitions un lieu accessible à toutes les générations et j'ai auditionné deux candidatures », précise le maire de la Guyonnière, toujours en quête d'une coiffeuse et d'un salon esthétique, qui s'apprête à mettre en œuvre un partenariat avec un artisan du marché pour doter le Hall des artistes d'un point de restauration.

Reconnue d'utilité publique, en décrochant le label « Initiative Remarquable », la démarche de Comm'une opportunité, référencée par Pole emploi et la Banque des territoires, bénéficie d'un partenariat exclusif avec le syndicat de Jeunes Médecins pour favoriser l'implantation de professionnels de santé dans les territoires ruraux. 50% des annonces déposées par les collectivités concernent les médecins. Dont un a monté son cabinet dans le Lot et Garonne. « La difficulté, c'est timing et les impondérables administratifs. Avec des décisions souvent repoussées aux prochains votes budgétaires. Il faut de la résilience... », admet Julie Lévêque.

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Commentaires 2
à écrit le 08/03/2022 à 14:17
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Tout à fait d'accord. Pas de hasard, cela fonctionne aussi comme une forme de politique du désespoir menée aussi bien à """gauche""" qu'ailleurs par un personnel politique sans éthique, opportuniste aux petits pieds. Virez-moi tous ces malfrats.

à écrit le 08/03/2022 à 9:48
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Et bien bon courage car si vous défendez la logique, notre classe dirigeante elle comme on le voit et l'entend ne veut plus de gens qui vivent dans les campagnes et comme on l'a vu avec le confinement c'est bien à la ville que les gens sont les plus ...

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