Égypte : le tourisme devient durable grâce à l’art de la réplique d'une start up

Alors que, pour être préservés, de nombreux sites telle la grotte de Lascaux ont dû être fermés au public, une start-up espagnole, Factum Arte, s’est spécialisée dans leur reproduction exacte à l’échelle 1, afin que les visiteurs puissent encore s’en faire une idée fidèle.
Adam Lowe (à droite), fondateur de Factum Arte, sur le chantier de la réplique de la chambre mortuaire de Toutankhamon.

Peut-on concilier tourisme culturel et préservation de sites historiques ? C'est à cette question que, depuis sa création en 2001, l'entreprise Factum Arte s'est attelée à répondre. Basée à Madrid, son équipe de conservateurs et de techniciens est spécialisée dans la réalisation de répliques d'œuvres ou de sites dont la durée de vie est menacée par leur exposition aux touristes.

En avril dernier, la réplique grandeur nature de la chambre mortuaire de Toutankhamon a ainsi été inaugurée à Louxor.

Adam Lowe, fondateur de Factum Arte, assure que les réactions des premiers visiteurs ont été « incroyablement excitantes. Les gens s'étouffaient de surprise, certains pleuraient. À ce jour, nous n'avons reçu aucun retour négatif », analyse-t-il.

En pourparlers avec le Conseil supérieur des antiquités égyptien depuis 2000, Factum Arte a passé cinq ans à effectuer les mesures au scanner 3D de la chambre mortuaire du légendaire pharaon, collectant ainsi 100 millions de données par mètre carré.

À raison de 2,8 grammes de transpiration en moyenne par visiteur, on comprendra que, depuis la découverte de la chambre originale par Howard Carter, il y a quatre-vingt-deux ans, ces peintures aient été dégradées. Jusqu'en 2010, le site recevait 1.000 visiteurs par jour en moyenne...

Aujourd'hui, il est question que l'original de la chambre, qui se situe à un kilomètre de sa réplique, soit fermé dans les prochaines années, comme c'est déjà le cas des tombeaux de Séthi Ier et de Néfertari, mais pour l'instant, aucune date n'a été arrêtée par le ministère du Tourisme égyptien. Encore impopulaire il y a une dizaine d'années, l'idée qu'il fallait protéger certains sites de leur propre attractivité a fait du chemin, et avec elle, celle qu'un changement de paradigme dans le tourisme culturel était inévitable.

La première réplique des grottes de Lascaux, ouverte au public en 1983, a créé un précédent dans ce domaine. Depuis, les avancées technologiques ont permis le reste.

« La dimension éducative est au cœur de notre projet, argumente Adam Lowe. Avec le tourisme durable, nous espérons que la volonté de protection des œuvres viendra des visiteurs eux-mêmes. »

Vers des musées pourvus uniquement de répliques

« Au XIXe siècle, il était courant que de grands musées exposent des moulages réalisés à partir d'œuvres originales, de Michel-Ange par exemple, sans que le public ne s'en offusque, analyse Tom Hardwick, égyptologue. Puisque les gens se déplaçaient beaucoup plus difficilement qu'aujourd'hui, il était commun de penser qu'il valait mieux voir une réplique d'une œuvre majeure qu'une œuvre originale de second plan. »

Avec le tourisme de masse, à l'inverse, le XXe siècle a été le théâtre du « culte de l'original ». Les musées américains n'ont, par exemple, jamais été aussi fréquentés que quand la Nasa, dans les années 1960, a envoyé à une sélection d'entre eux des échantillons de cailloux trouvés sur la Lune.

« C'est encore la question qu'on me pose le plus souvent aujourd'hui, remarque Tom Hardwick. "Est-ce que c'est un vrai ?" Il y a un élément psychologique indéniable de l'ordre de l'aura, du karma, de l'arôme - appelez-le comme vous voulez - de l'œuvre originale qui me paraît difficilement remplaçable. »

Un musée-réplique

Au-delà des questions de préservation, le changement le plus profond, et aussi le plus fascinant, créé par la réalisation de répliques, c'est l'ubiquité de l'œuvre et la possible restitution de celle-ci à son pays d'origine. Factum Arte a notamment travaillé à la reproduction des Noces de Cana de Véronèse, le plus grand tableau du musée du Louvre, à Paris.

La réplique réalisée par l'équipe est aujourd'hui exposée dans le réfectoire du monastère de San Giorgio Maggiore à Venise, c'est-à-dire le lieu pour lequel elle avait été originellement commandée en 1563, et où elle se trouvait jusqu'à la campagne d'Italie de Napoléon, en 1797.

Dans le cas particulier du tourisme en Égypte, la mode des répliques est aussi liée à la sécurité physique des touristes. Dans le contexte politique actuel, une majorité de visiteurs préfère se cantonner à des villes touristiques du Sinaï réputées sûres, et ainsi éviter Le Caire.

Il se murmure qu'un projet de « musée-réplique » du musée national du Caire pourrait voir le jour à Charm el-Cheikh. Mais pour l'instant, là non plus, aucune date n'a été donnée. Pour Adam Lowe, cependant, ce genre de projet reste très éloigné de l'esprit dans lequel travaille Factum Arte. Pour lui, « c'est de la réplique type parc d'attractions ».

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Commentaires 2
à écrit le 23/08/2014 à 0:38
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Cela peut donner une cité de répliques sur chaque continent, sans risques, avec moins de pollution par les transports.

à écrit le 22/08/2014 à 14:59
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avant de mourir Je voulais voir en Egypte ce que les anciens avaient créé fantastique hélas pour des questions qui me dépassent c est encore un pays ou ils se foutent sur la g.... Alors mourir oui c est ineluctable mais pas pour des raisons qui ne ...

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