Le coup de canif des îles anglo-normandes dans le Brexit

Boudées par les touristes depuis que le Royaume-Uni s’est émancipé de l’UE, les îles de Jersey et de Guernesey font les yeux doux aux Français, quitte à contourner les règles du Brexit. Fermées à tout deal jusqu’alors, les autorités îliennes se disent même prêtes à voler au secours de la compagnie maritime normande qui achemine les passagers jusqu’à leurs côtes.
Depuis 2005, la compagnie Manche îles express dessert les îles anglo-normandes d'avril à septembre.
Depuis 2005, la compagnie Manche îles express dessert les îles anglo-normandes d'avril à septembre. (Crédits : DR)

Eux, c'est eux et nous, c'est nous. Il souffle comme un vent de fronde sur ces îles anglo-normandes que Victor Hugo appelait des « morceaux de France tombés dans la mer et ramassés par l'Angleterre ». Au terme de plusieurs mois de négociations bipartites avec la couronne britannique et Bruxelles, leurs baillis respectifs ont obtenu un accord qui les autorise à déroger - au moins provisoirement - aux règles du Brexit, au nom de la préservation de l'économie locale.

Concrètement, depuis le 22 avril, les Français se rendant à Jersey pour une journée peuvent rengainer leurs passeports. A condition d'emprunter la voie maritime, il leur suffit désormais de présenter une carte d'identité pour débarquer dans le port de St Helier. La même mesure s'appliquera à partir de ce week-end (29 et 30 avril) à Guernesey et jusqu'en septembre. Les autorités îliennes  ne font pas mystère de leurs intentions. Ce traitement de faveur vise à s'attirer les bonnes grâces des frenchies qui boudent la destination depuis l'entrée en vigueur de l'obligation de passeport intervenue le 1er octobre 2021.

Après la pluie...

L'an dernier, les liaisons maritimes vers les îles ont ainsi vu chuter leur nombre de passagers dans une fourchette comprise entre 40 et 60%. Un coup dur pour les commerçants insulaires très dépendants du tourisme. Une douche froide aussi pour la compagnie Manche îles express, qui dessert les îles anglo-normandes depuis les ports de Granville, Barneville-Carteret et Diélette d'avril à septembre. Chroniquement déficitaire, l'armement entièrement financé par le Département de la Manche a vu se creuser ses pertes en 2022.

Le desserrement des contraintes douanières devrait donc lui permettre de redresser un peu la barre. Au reste, les réservations côté français (70% du total en moyenne) frémissent déjà, en particulier celles émanant des groupes scolaires. Le Royaume-Uni étant devenu difficile d'accès, les collèges et lycées tendent à se reporter sur les îles anglo-normandes pour leurs séjours linguistiques. Les autorités manchoises anticipent une fréquentation d'au moins 50.000 passagers pour la saison à venir.

« Cet objectif réaliste a toutes les chances d'être dépassé au vu de la hausse très nette des réservations », nous indique t-on à l'hôtel du Département.

La Manche attend des preuves d'amour

Jean Morin, président du Département de la Manche, a un autre motif de satisfaction. Pour la première fois depuis des années, le gouvernement de Jersey laisse entendre qu'il pourrait apporter son tribut au fonctionnement des liaisons maritimes qui le connectent au continent. Une demande de (très) longue date des voisins normands. La petite phrase lâchée dernièrement par le ministre du développement économique de l'île a résonné agréablement à leurs oreilles. Dans un entretien au Jersey Evening Post, Kirsten Morel a souligné « l'incongruité d'un service inter-île financé par le Conseil départemental de la Manche » et dit vouloir en discuter avec son président.

De son côté, l'intéressé se garde bien de déboucher le champagne, mais il indique « avoir bien pris note de ses déclarations et espérer une participation de Jersey à un futur tour de table ». Jean Morin entend bien au passage négocier un abaissement des taxes portuaires insulaires. Lesquelles coûtent près de 400.000 euros chaque année à sa collectivité... pour quelques heures de stationnement hebdomadaires en saison. « Mais cela ne sera pas suffisant », font déjà savoir ses services. Le bailli de Jersey est prévenu, l'ancien duché de Normandie sera dur en affaires. Business is business, comme on dit à St Helier.

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Commentaires 2
à écrit le 28/04/2023 à 5:41
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Ce brexit est bien une ânerie.CQFD

le 28/04/2023 à 14:24
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Tout mes amis britanniques sont d'accord. Un nouveau referendum permettrait de sortir de cette clownerie.

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