Du greenwashing ou un grand espoir pour la décarbonation du transport aérien ? Les débats sont lancés. Le vol de Virgin Atlantic qui partira ce mardi de l'aéroport londonien d'Heathrow à 11h30 GMT, et doit atterrir à celui de JFK à New York à 19h30 GMT, sera le tout premier « fonctionnant à 100% aux carburants dits "durables" sur les deux moteurs, par une compagnie aérienne commerciale, sur un trajet long courrier », souligne la compagnie britannique dans un communiqué. Virgin précise qu'aucun passager ne sera transporté ni aucun chargement de fret.
Le vol aura lieu sur un Boeing 787 avec des moteurs Rolls-Royce
Le gouvernement britannique avait annoncé en décembre dernier soutenir « jusqu'à 1 million de livres » ce projet mené par la compagnie aérienne en collaboration avec l'université de Sheffield, l'avionneur américain Boeing, le motoriste britannique Rolls-Royce ou encore le géant des hydrocarbures BP. Le vol aura lieu sur un Boeing 787 équipé de moteurs Rolls-Royce fonctionnant uniquement avec ce carburant.
Produits à partir d'huiles usagées, résidus de bois ou algues, les carburants durables d'aviation (CDA) sont utilisables en complément du kérosène (jusqu'à 50%) dans les avions actuels. Ils sont considérés comme le principal levier de décarbonation du secteur pour les décennies à venir, mais leur production reste balbutiante et très chère. En outre, ils sont utilisés dans des moteurs à combustion qui continuent de générer du CO2, la décarbonation intervenant plus en amont, dans le fait de réutiliser des matières végétales au lieu d'extraire des hydrocarbures. Par exemple, en Chine, à Chengdu, les restes de la fondue, spécialité de la ville, connaissent une deuxième vie comme carburant pour avions.
Un « verdissement de façade »
Pas de quoi convaincre l'association écologiste Stay Grounded (restez au sol) qui a qualifié l'opération de Virgin Atlantic de « verdissement de façade », dans un communiqué ce lundi.
« Ce n'est pas une coïncidence que ce vol ait lieu deux jours avant le début de la COP28 à Dubaï », estime l'organisation. « Pendant que l'attention du monde se porte sur un seul vol, il y en a 100.000 chaque jour utilisant des carburants fossiles. Les substituts ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan des hydrocarbures. » Finlay Asher, un ingénieur aérospatial qui a travaillé pour Rolls Royce, cité par Stay Grounded, explique que la technologie des CDA, appelés en anglais les SAF, est une « impasse technologique » car elle ne peut être développée à une échelle suffisante pour faire une différence.
« Les deux sources potentielles de carburant pour l'aviation véritablement durable sont toutes deux sévèrement limitées en termes d'échelle. Les déchets utilisés comme matière première pour le bio-kérosène de ce vol ne sont pas disponibles en quantités suffisamment importantes pour avoir un impact significatif sur les émissions de l'aviation », a abondé l'AFP le Dr Doug Parr, scientifique chez Greenpeace UK.
« De plus, le CO2 provenant de la capture directe de l'air et l'hydrogène vert produit par électrolyse - tous deux utilisés pour fabriquer de l'e-kérosène - sont très coûteux à produire. (...) La seule manière efficace de traiter les émissions de l'aviation à court terme est de s'attaquer à la demande, et toute suggestion contraire relève simplement de l'utopie », a-t-il ajouté.
Le « transport aérien » multiplie les initiatives
Reste que le « transport aérien » multiplie les initiatives, poussé par une directive européenne qui impose aux compagnies aériennes à partir de 2025 d'incorporer une part croissante de carburants de synthèse dans leurs avions. (2% en 2025, 6% en 2030, au moins 70% en 2050). Ainsi, une unité de production d'hydrogène bas-carbone et de carburants de synthèse destinée aux aéroports parisiens doit être implantée d'ici 2029 sur la zone portuaire de Rouen, pour 500 millions d'euros d'investissements.
De son côté, Air-France KLM a annoncé mi-novembre investir dans la première usine de carburant d'aviation durable (SAF) de l'américain DG Fuels, une première pour le groupe à la recherche d'un approvisionnement suffisant en SAF pour lui permettre de réduire son empreinte carbone.
« Cet investissement confirme l'ambition du groupe de participer au financement d'études de projets permettant le développement de capacités de production de SAF, afin d'établir progressivement un réseau d'approvisionnement diversifié, capable de répondre aux besoins au niveau mondial », affirmait alors Air France-KLM dans un communiqué. Le groupe a par ailleurs annoncé une nouvelle option pour acheter jusqu'à 75.000 tonnes de SAF par an à DG Fuels, « avec des livraisons prévues dès 2029 ». Air France-KLM prévoit « l'intégration d'un minimum de 10% de SAF d'ici 2030 ».
Ajoutons aussi, qu'Emirates, la compagnie dubaïote, a fait voler la semaine dernière un Airbus A380 avec l'un des quatre réacteurs alimentés à 100% de carburant alternatif fabriqué par l'entreprise Neste.
(Avec AFP)
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