
L'Assemblée générale de l'Association internationale du transport aérien (IATA) a été encore une fois l'occasion pour son directeur général, Willie Walsh, de mettre la pression sur les parties prenantes du transport aérien. A Istanbul, cela a été le cas sur la brûlante question des carburants d'aviation durables (SAF), qui sont plus que jamais le seul moyen de décarboner massivement le secteur dans les prochaines années. Si le patron des compagnies aériennes s'est voulu confiant sur le développement des capacités de production de carburants renouvelables à l'échelle mondiale, il a mis l'accent à plusieurs reprises sur le rôle des gouvernements pour que le transport aérien puisse en bénéficier pleinement.
Accélération de la production
Selon les projections de l'IATA, la production de carburants liquides renouvelables - tous modes de transports confondus - va être multiplié par quatre dans les cinq prochaines années. Elle devrait ainsi atteindre au moins 69 milliards de litres, soit 55 millions de tonnes, d'ici à 2028. L'association se projette même jusqu'en 2030 : compte tenu de l'accélération actuelle, elle estime que la production est en bonne voie pour atteindre 100 milliards de litres (80 millions de tonnes) d'ici à 2030. Elle a ainsi recensé plus de 130 projets dans 30 pays. Les capacités de production sont ainsi amenées à se multiplier en Amérique du Nord, largement aidées par les incitations de l'Inflation Reduction Act (IRA), en Europe où la pression environnementale est la plus prégnante, ainsi qu'en Asie-Pacifique (plus exactement en Asie du Sud-Est, en Chine et en Australie).
Cependant, sur cette manne de carburants renouvelables à venir, seule une partie sera destinée à l'aviation. En effet, l'IATA estime que la majeure partie de cette production sera du diesel renouvelable (40 %), tandis que le biogaz et le naphta s'adjugeront 15 % chacun. L'aviation devrait ainsi se contenter des 30 % restants. En 2030, cela pourrait représenter 30 milliards de litres (24 millions de tonnes) de SAF.
Willie Walsh semble néanmoins satisfait de cette projection. Si elle venait à se réaliser, elle serait concordante avec la trajectoire définie par l'IATA pour que le secteur atteigne le zéro émission nette en 2050. « L'augmentation attendue de la production est extrêmement encourageante », a-t-il ainsi déclaré. Il faut dire que seuls 300 millions de litres (240.000 tonnes) de SAF ont été consommés par l'aviation l'an dernier. C'est quatre fois plus qu'en 2021, mais cela ne représente que 0,1 % de la consommation totale de kérosène (254 millions de tonnes).
Rappel à l'ordre pour les gouvernements
Mais le patron de IATA n'est pas du genre à miser sur le statu quo. Il a ainsi mis à profit l'assemblée générale pour mettre la pression sur les gouvernements, leur rappelant qu'ils se sont engagés à soutenir la décarbonation de l'aviation avec l'adoption de l'objectif à long terme (LTAG) du zéro émission nette en 2050 dans le cadre de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI, agence de l'ONU pour l'aviation) l'an dernier. « C'est important, car les gouvernements sont désormais tenus de mettre en place un cadre politique mondial pour atteindre cet objectif », a-t-il déclaré, avant d'ajouter plus que « dans ce contexte, nous avons besoin que les gouvernements agissent pour que les SAF obtiennent leur juste part dans la production. »
Pour ce faire, Willie Walsh a appelé à la mise en place d'incitation à la production. Il a ainsi salué l'approche américaine, avec des incitations renforcées dans le cadre de l'Inflation Reduction Act. A l'inverse, il a tancé l'approche européenne avec des mandats d'incorporation (qui oblige à intégrer une part croissante de SAF dans le kérosène) : « Lorsque l'offre est insuffisante, un mandat d'achat ne fera que provoquer une crise, bloquer l'innovation et laisser la concurrence s'installer bien avant que l'offre ne soit suffisante. »
Diversification
Les compagnies aériennes craignent aussi une trop grande dépendance aux SAF issus d'huiles végétales hydrotraitées (HEFA), qui représente 85 % de la production actuellement, alors que huit autres méthodes sont certifiées. Le patron de IATA a ainsi appelé à poursuivre à élargir la base de production : « Nous devons également continuer à approuver une plus grande diversification des méthodes et des matières premières disponibles pour la production de SAF. »
Pour les biocarburants, l'association met ainsi l'accent sur les matières premières de troisième génération (déchets et résidus bio-agricoles), qui offre selon elle le potentiel de développement le plus intéressant pour la production de SAF. Et en parallèle, elle appelle à la montée en puissance des carburants synthétiques, qui s'affranchissent des limites de la biomasse.
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