Le premier vol transatlantique avec 100% de carburant durable partira de Londres en 2023

Le gouvernement britannique a annoncé, vendredi, qu'un Boeing 787 de la compagnie Virgin Atlantic décollera de l'aéroport londonien d'Heathrow pour se rendre à celui, américain, de JFK à New-York, propulsé uniquement avec du carburant d'aviation d'origine non-fossile (Sustainable Aviation Fuel, SAF). Les projets se sont multipliés ces derniers mois notamment en Europe, bien que la production de ce type de carburant reste encore insuffisante.
Le Boeing 787 de la compagnie Virgin Atlantic décollera de l'aéroport londonien de Heathrow pour rejoindre de l'autre côté de l'Atlantique l'aéroport JFK de New-York.
Le Boeing 787 de la compagnie Virgin Atlantic décollera de l'aéroport londonien de Heathrow pour rejoindre de l'autre côté de l'Atlantique l'aéroport JFK de New-York. (Crédits : Alan Wilson via Wikipedia (CC BY-SA 2.0))

Ce sera une grande première... Même si l'on ignore encore la date précise, le premier vol transatlantique au monde réalisé uniquement avec du carburant pour l'aviation dit « durable » aura lieu en 2023. C'est ce qu'a annoncé, vendredi, le gouvernement britannique.

Il s'agira d'un Boeing 787 Dreamliner de la compagnie Virgin Atlantic. Le long-courrier décollera de l'aéroport londonien d'Heathrow pour se rendre à celui, américain, de JFK à New-York, précise dans son communiqué le ministère des Transports britannique (DfT).

Une réduction de 70% des émissions de carbone

Plus concrètement, l'engin volera avec du carburant d'aviation d'origine non-fossile (Sustainable Aviation Fuel, SAF), tels que des déchets d'huile ou de graisse, à l'instar des huiles de cuisson. « Quand ils remplacent le kérosène, les SAF peuvent réduire les émissions de carbone de quelque 70% », ajoute le communiqué. S'ils sont beaucoup plus écologiques, ils émettent, en effet, toujours du CO2 lors de leur combustion, la réduction des émissions de gaz à effet de serre ayant lieu surtout pendant la phase de production.

Les organisateurs promettent néanmoins que ce vol sera « neutre en émissions nettes de carbone » puisqu'ils achèteront des crédits carbone liés à des projets qui absorberont des volumes équivalents de CO2 dans le futur.

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Une production encore insuffisante mais qui se développe

« L'aviation est l'un des secteurs les plus difficiles à décarboner et, sans action collaborative urgente, il pourrait être l'un des secteurs qui émet le plus de gaz à effet de serre d'ici à 2050 », quand le Royaume-Uni s'est engagé à atteindre la neutralité carbone, a commenté le ministère britannique des Transports (Dft).

Actuellement, les compagnies ont le droit d'utiliser au maximum 50% de SAF dans leur carburant, mélangé à du kérosène, sur des vols commerciaux, a-t-il rappelé. Et d'ajouter que le vol à 100% de SAF veut montrer le potentiel de décarbonisation sur des vols longs courriers et « nous faire avancer d'un pas vers une aviation zéro carbone ».

Encore embryonnaire, la production de carburants SAF devrait toutefois tripler cette année dans le monde, selon l'organisation sectorielle internationale IATA pour atteindre au moins 300 millions de litres en 2022, après avoir déjà fortement progressé depuis quelque 25 millions de litres en 2019, selon l'Iata.

Une quantité infime toutefois par rapport aux quelque 413 milliards de litres de carburant d'aviation consommés cette année-là, selon les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie.

Autre difficulté notable: les carburants SAF coûtent environ quatre fois plus chers que le kérosène. « Il y avait au moins trois fois plus de SAF sur le marché en 2022 qu'en 2021. Et les compagnies aériennes ont utilisé chaque goutte, même à des prix très élevés. Si une plus grande quantité était disponible, elle aurait été achetée. Il est donc clair qu'il s'agit d'un problème d'approvisionnement et que les forces du marché ne suffisent pas à le résoudre », résumait Willie Walsh, directeur général de l'Association internationale du transport aérien (Iata), mi-décembre.

Une opportunité économique pour le Royaume-Uni

Pour autant, les projets se lancent progressivement avec notamment un précédent vol propulsé à 100% aux SAF le mois dernier réalisé par la Royal Air Force (RAF), a révélé le ministère. Le gouvernement britannique y voit d'ailleurs une véritable opportunité économique pour le pays.

« Non seulement les SAF seront déterminants pour décarboner l'aviation mais ils pourront créer un secteur d'activité au Royaume-Uni avec un chiffre d'affaires annuel de 2,4 milliards de livres d'ici 2040, ce qui pourra générer 5.200 emplois au Royaume-Uni d'ici 2035 », a ainsi expliqué le ministère des Transports.

Le gouvernement britannique investira d'ailleurs jusqu'à 1 million de livres pour soutenir le trajet Londres-New-York.

Les projets se multiplient en Europe

De manière générale, l'Europe semble plus avancée que les Etats-Unis à ce sujet. En témoignent le nombre de projets répertoriés par l'Iata : sur 117 projets, près de la moitié (56) sont européens, contre un peu plus d'un quart outre-Atlantique (32).

La société finlandaise Neste ou la néerlandaise SkyNRG se sont imposées parmi les acteurs mondiaux les plus dynamiques, et le géant français TotalEnergies a aussi des ambitions. Le groupe a d'ailleurs signé, le 5 décembre dernier, un protocole d'accord avec Air France-KLM pour la fourniture de 800.000 tonnes de SAF sur une période de 10 ans, à partir de 2023.

« Ce carburant d'aviation durable sera produit par TotalEnergies dans ses bioraffineries et sera mis à la disposition des compagnies du Groupe Air France-KLM, principalement pour les vols au départ de la France (conformément à la législation française) et des Pays-Bas », ont ainsi fait savoir les deux groupes dans un communiqué.

Incorporé à hauteur de 1% aujourd'hui - conformément à la réglementation française -, l'objectif est, pour Air France-KLM, d'atteindre 10% en 2030, 20% en 2035 et jusqu'à 63% en 2050.

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Les États-Unis pourraient prendre de vitesse l'Europe

Pour autant, le Vieux Continent pourrait bien se faire distancer par son rival américain, alerte le président exécutif d'Airbus, Guillaume Faury. Il note que les façons dont l'Union européenne et les Etats-Unis se positionnent « sur le très gros enjeu énergétique derrière cette transformation ne sont pas du tout les mêmes ».

Selon lui, « il va falloir que l'Europe se repose la question de la façon dont elle veut gérer sa transition énergétique vers le décarboné pour regarder les solutions plus que les problèmes ».

Et d'ajouter :

« Les États-Unis sont en train d'accélérer très fort dans ce domaine (l'énergie décarbonée). C'est une bonne nouvelle pour l'aviation. C'est une beaucoup moins bonne nouvelle pour l'Europe, qui a choisi une approche plus règlementaire, avec des taxes, des barrières, des empêchements. »

Un point de vue partagé par le patron de l'Iata.

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Commentaires 4
à écrit le 19/12/2022 à 17:53
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"Une réduction de 70% des émissions de carbone" : Au prix d'un renchérissement de la nourriture, puisqu'il s'agit de biocarburant, qui empiète sur les cultures alimentaires. Sinon, on peut ne pas prendre l'avion, ça fait tout de suite 100% des émissi...

le 19/12/2022 à 21:13
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et pour traverser l'Atlantique , vous y aller à la nage ?

le 20/12/2022 à 9:59
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…. On peut aussi revenir à l’âge des cavernes, mais, nouveau problème : il n’y a pas assez de cavernes pour tout le monde !!

à écrit le 19/12/2022 à 16:13
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Si l'avion (dont les jets privés) consomment de l'huile de friture traitée (filtrée, l'odeur peu importe, dans le ciel :-) ) ça dégage du CO2 mais qui sera absorbé quand les plantes dont l'huile a été extraite repousseront, contrairement au fossile q...

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