Contrairement au couple British Airways-Iberia et à Lufthansa, Air France-KLM va annoncer jeudi des pertes d'exploitation importantes pour l'exercice 2011. Le consensus des analystes table sur des pertes opérationnelles de 291 millions d'euros en 2011 et même sur un quasi-doublement pour l'année 2012 (468 millions d'euros) en raison notamment de la hausse de la facture carburant et de la moindre croissance économique (qui rendra plus difficile l'absorption des coûts fixes). Une performance aux antipodes de celles de IAG (le holding de BA et d'Iberia) et de Lufthansa qui ont respectivement dégagé 485 et 820 millions d'euros de bénéfices d'exploitation.
Consommation de cash importante
Le groupe français, qui traîne comme un boulet une dette de 6,5 milliards d'euros, est condamné à réussir son plan de redressement. A l'état de projet pour l'essentiel aujourd'hui, celui-ci vise des économies de 2 milliards d'économies au cours des trois prochaines années et une réduction de la dette à 4,5 milliards. Car la situation est catastrophique.
«Nous prévoyons pour le groupe une consommation de cash de 1,7 milliard d'euros dans les trois ans en intégrant les échéances de dettes», explique Yan Derocles, analyste chez Oddo Securities, qui précise que « les 467 millions d'euros obtenus de la cession de 7,5 % dans Amadeus permettent de couvrir l'année 2012 et une partie de 2013 ». En revanche, l'analyste n'a pas pris en compte le financement d'un éventuel plan de licenciement au cours de la période que beaucoup juge inéluctable. Les échéances de dettes sont en effet énormes : 1,1 milliard en 2012, 1,3 milliard en 2013, 1,7 milliard en 2014, 1,5 milliard en 2015.
Une situation en apparence moins pire qu'en 1993
Même si une amélioration de l'environnement peut très vite inverser la tendance en termes de cash, il n'en demeure pas moins que la situation aujourd'hui est critique. Autant qu'en 1993 lors de l'arrivée de Christian Blanc aux manettes d'Air France, en faillite virtuelle ? Plusieurs observateurs, analystes, professionnels du secteur, cadres d'Air France, le pensent .
Pour autant, Air France-KLM, aussi mal en point soit-il, n'en est pas encore arrivé là. « En 1993, Air France avait une dette de 32 milliards de francs (4,9 milliards d'euros), soit les 3/5ème du chiffre d'affaires (9 milliards d'euros), n'avait plus de cash et ses fonds propres étaient négatifs », souligne-t-on interne. Air France-KLM dispose en effet d'une trésorerie solide de plusieurs milliards d'euros.
Pas de leviers structurels de développement aujourd'hui
Mais, au-delà de la comparaison « purement comptable », le contexte apparaît beaucoup plus compliqué aujourd'hui qu'il y a une vingtaine d'années. Car en 1993, Air France était bel et bien au fond du trou, mais disposait de leviers structurels de développement très important. Le hub n'était pas créé, les techniques de yield management d'optimisation de recette non plus, et le réseau n'était pas harmonisé (ces trois points complètement liés seront mis en place en 1996).
Aujourd'hui, de tels leviers n'existent pas. En outre la concurrence était moins vive à l'époque. Les low costs n'existaient pas et les compagnies du Golfe (Emirates et Gulf Air) étaient microscopiques. Aujourd'hui les premières dominent le ciel européen et les secondes le transport aérien mondial. Enfin, la conjoncture était différente. Fin1993, la crise s'éloignait. Aujourd'hui, elle est toujours d'actualité en Europe avec en guise de double peine un prix extrêmement élevé du baril.
Casse sociale
Enfin, autre différence et non des moindres. En 1993, Air France était une compagnie publique et a pu être sauvée par l'Etat (ce dernier a renfloué les caisses à hauteur de 3 milliards). Cette fois, Air France devra se débrouiller toute seule. Avec un gros risque de casse sociale à la clé qui rend le climat social explosif. Le pire dans cette histoire, c'est que même si la compagnie réussissait son plan de redressement, le retard de compétitivité ne sera pas comblé avec Lufthansa et IAG (British Airways-Iberia) qui auront d'ici là réduit eux aussi leur structure de coûts.
Sujets les + commentés